Le champignon zombificateur de fourmis est plus diabolique que prévu
Il existe dans la nature, et votre Guru vous la mainte fois conté, un champignon qui prend le contrôle d’une fourmi vivante et l’utilise pour propager ses spores dans/ sur la fourmilière. On pensait jusqu’à maintenant que le champignon avait une influence (chimique) sur le cerveau de sa victime, mais maintenant une nouvelle étude menée par l’université de l’état de Pennsylvanie (Pen State) a constaté que le champignon zombifie ces fourmis sans infecter directement le cerveau de ses victimes… En fait, c’est bien plus horrible que ça.
Image d’entête : une fourmi bien infectée par le champignon qui émerge sous forme de tiges du corps de l’insecte (photo de Anand Varma) et précédemment sur le sujet, du plus ancien au plus récent :
Officiellement, le parasite est connu sous le nom d’Ophiocordyceps unilateralis sensu lato, mais il est communément connu en tant que “champignon zombificateur de fourmis”. Quand il infecte sa cible, des fourmis ouvrières brésiliennes du genre camponotus, le champignon pousse l’insecte contre sa volonté à grimper sur la face inférieure (dirigée vers le sol) d’une feuille ou d’une branche, de préférence au-dessus de la fourmilière. Une fois là, la fourmi est obligée de serrer ses mandibules à la feuille, où elle finit par mourir et permet au parasite d’avoir l’endroit idéal pour se développer et se diffuser. Après 4 à 10 jours, le champignon se développe à l’intérieur et à l’extérieur de la fourmi morte, une tige émerge de sa tête, libérant des spores vers le sol pour infecter d’autres fourmis et répéter le cycle.
(David Hughes/ université de l’état de Pennsylvanie)
Cet impitoyable cycle de vie a beaucoup été étudié depuis plus d’un siècle, mais la mécanique compliquée derrière la façon dont le champignon contrôle la fourmi n’a pas encore été comprise. Et c’est là que l’étude de l’université Penn State intervient.
Selon Maridel Fredericksen, auteur principal de l’étude :
Pour mieux comprendre comment ces parasites microbiens contrôle le comportement des animaux, nous avons examiné les interactions au niveau cellulaire entre le parasite et son hôte la fourmi Camponotus castaneus à un moment crucial dans le cycle de vie du parasite, lorsque l’hôte manipulé s’est fixé en permanence à la végétation par ses mandibules. Le champignon est connu pour sécréter des métabolites spécifiques de tissus et provoque des changements dans l’expression de certains gènes chez l’hôte, ainsi que l’atrophie des muscles des mandibules de la fourmi. Le comportement de l’hôte modifié est l’extension du phénotype des gènes du parasite microbien étant exprimée à travers le corps de son hôte. Mais on ne sait pas comment le champignon coordonne ces effets pour manipuler le comportement de la fourmi.
À l’aide de microscopes électroniques, les chercheurs ont créé des visualisations en 3D pour déterminer l’emplacement, l’abondance et l’activité des champignons à l’intérieur du corps des fourmis. Des morceaux de tissu ont été prélevés à une résolution de 50 nanomètres, en utilisant une machine qui pouvait répéter le processus de découpage et d’imagerie 2000 fois sur une période de 24 heures. Pour analyser cette énorme quantité de données, les chercheurs se sont tournés vers l’intelligence artificielle, avec un algorithme d’apprentissage automatique développé pour différencier les cellules fongiques de celles de la fourmi. Cela a permis aux chercheurs de déterminer quelle proportion de l’insecte était encore une fourmi, et celle qui était transformée en champignon extériorisé.
Une reconstruction en 3D d’un muscle de la mandibule (rouge) entouré de cellules fongiques (jaune) (Hughes Laboratory/ Penn State)
Les cellules de l’O. unilateralis avaient proliféré dans tout le corps de la fourmi, depuis la tête et le thorax jusqu’à l’abdomen et les pattes. De plus, ces cellules fongiques étaient toutes interconnectées, créant une sorte de réseau biologique collectif qui contrôlait le comportement des fourmis.
Selon David Hughes qui a participé à l’étude :
Nous avons constaté qu’un pourcentage élevé de cellules dans un hôte étaient des cellules fongiques. En substance, ces animaux manipulés étaient un champignon avec le physique d’une fourmi.
En fait, il n’y avait aucune cellule fongique dans le cerveau des fourmis, bien qu’elles se soient regroupées autour, où elles peuvent influencer chimiquement le comportement des insectes.
Toujours selon Hughes :
Normalement chez les animaux, le cerveau contrôle les comportements en envoyant des signaux aux muscles, mais nos résultats suggèrent que le parasite contrôle le comportement de l’hôte en périphérie. Presque comme un marionnettiste tirant des ficelles pour faire bouger une marionnette, le champignon contrôle les muscles de la fourmi pour manipuler les pattes et les mandibules de l’hôte.
Les chercheurs pensent qu’en faisant preuve de modération, en évitant d’infecter le cerveau, cela permet aux champignons de garder la fourmi vivante :
Nous émettons l’hypothèse que le champignon peut préserver le cerveau afin que l’hôte puisse survivre jusqu’à ce qu’il atteigne son comportement “mordant” final, ce moment critique pour la reproduction fongique. Mais nous devons mener des recherches supplémentaires pour déterminer le rôle du cerveau et le contrôle exercé par le champignon sur celui-ci.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Three-dimensional visualization and a deep-learning model reveal complex fungal parasite networks in behaviorally manipulated ants et présentée sur le site de l’université Penn State : ‘Zombie ant’ brains left intact by fungal parasite.
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