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Si les animaux et les plantes ne peuvent pas se défendre, ils forment souvent des partenariats avec des gardes du corps. Des guêpes utilisent des coccinelles zombifiées, les coraux recrutent le gobie, les acacias embauchent des fourmis… Les fourmis défendent les arbres contre les bouches affamées de tout envahisseur herbivore, par des morsures et des piqures. Certaines sont si féroces qu’elles peuvent dissuader les éléphants. En retour, les arbres paient leurs gardes du corps en leur fournissant un abri sous la forme d’épines enflées, et de la nourriture sous forme de nectar ou de colis nutritifs appelés “corps beltiens”.

Un corps beltiens est un embout détachable sur les pinnules de certaines espèces d’Acacia. Ils sont nommés d’après Thomas Belt, sont riches en lipides, en sucres et en protéines et souvent de couleur orange-rouge (récoltés par les fourmis dans les deux images ci-dessous). Ils semblent avoir évolué dans une relation symbiotique avec les fourmis.

Image ci-dessous AlexWild.

Beltien-fourmis-acaciaPseudomyrmex sp. ants on Acacia bush

Les fourmis vivent à l’intérieur de structures spéciales, appelées domaties, les renflements surmontés d’une épine ou près de la plante et garde les herbivores loin de leur bercail.
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Cette alliance entre les fourmis et les acacias est maintenant inscrite dans les manuels scolaires, mais elle est encore plus intime qu’on ne l’avait pensé. Certains acacias ne se contentent pas de fournir leurs fourmis avec une nourriture. Ils offrent l’équivalent biologique d’un chèque, d’une récompense que seules les fourmis peuvent encaisser.

Chaque partenariat est vulnérable aux voleurs. Les très nutritifs corps beltiens de l’acacia pourraient facilement être pillés par n’importe quel insecte assez rapide pour éviter les fourmis qui patrouillent. Mais les insectes voleurs se retrouveraient devant un repas pauvre et potentiellement dangereux.

Domanicar Orona Tamayo du CINVESTAV, institut polytechnique national au Mexique et Natalie Wielsch de l’Institut Max Planck en Allemagne ont constaté que les corps beltiens de deux espèces d’acacias sont chargés d’enzymes appelés inhibiteurs de protéase. Comme leur nom l’indique, cela bloque d’autres enzymes appelées protéases, que les animaux utilisent pour digérer les protéines dans leur alimentation. Ces enzymes d’acacia sont extrêmement efficaces pour neutraliser les protéases de deux espèces de coléoptères granivores, réduisant leurs capacités à assimiler les protéines de plus de 98 %.

La Pseudomyrmex ferruginea, l’une des fourmis qui gardent l’acacia n’a pas ce type de problème. Ses entrailles sont dominées par une protéase spécifique appelée chymotrypsine-1, que les inhibiteurs de la protéase de l’acacia n’entravent pas. Lorsque ces gardes du corps mangent la chair des aliments, ils obtiennent une récompense nutritive. Quand les coléoptères essaient de faire la même chose, ils ont une indigestion.

Les inhibiteurs de protéase ne sont pas trouvés tout le long de l’acacia, seulement dans les corps beltiens. Ce sont des mesures de sécurité qui protègent les récompenses de l’arbre contre les chapardeurs, seules les fourmis peuvent contourner ces défenses.

Orona-Tamayo et Wielsch ont constaté que la Pseudomyrmex gracilis, une espèce qui exploite les récompenses de l’acacia sans jamais lever une mandibule pour le défendre, n’est pas aussi bien équipée que les P.ferrugineus. Elle dispose de la chymotrypsine-1, mais également de beaucoup d’autres protéases qui sont inactivées par les enzymes de neutralisation de l’acacia. Ils obtiennent quelques éléments nutritifs à partir des denrées alimentaires, mais pas autant que les véritables partenaire de l’arbre.

Il y a d’autres exemples d’alliances dans le monde de la nature où les partenaires souscrivent mutuellement à des contrats d’exclusivité. Certains le font physiquement. Beaucoup de fleurs cachent leur nectar au fond de longs tubes que seules les pollinisateurs peuvent atteindre. Dans ces cas, il est clair que les fleurs et leurs pollinisateurs ont évolué côte à côte. Comme les tubes de nectar se sont allongé, tout comme les “pailles” et les langues, jusqu’à ce que les deux s’emboitent comme une clé dans une serrure. Est-ce la même chose pour l’acacia et la fourmi ? C’est possible, mais l’équipe soupçonne que les deux partenaires se sont préparés pour cette exclusivité.

L’acacia utilise les mêmes inhibiteurs de protéase que beaucoup d’autres plantes apparentées, et beaucoup de fourmis et d’araignées disposent de chymotrypsine-1 (comme la Bagheera kiplingi ci-dessous, la seule araignée végétarienne) dans leurs estomac.

L’araignée sauteuse Bagheera kiplingi dégustant un corps beltiens d’acacia.

araignée- corps Beltien

L’arbre a finalement concentré ses inhibiteurs dans ses corps beltiens, alors que ses partenaires fourmis ont accentué la présence de chymotrypsine-1 et minimisé d’autres protéases. Ils étaient déjà fait pour s’entendre et leur relation s’est resserrée au  fil du temps.

L’étude publiée sur Molecular Ecology :Exclusive rewards in mutualisms: ant proteases and plant protease inhibitors create a lock–key system to protect Acacia food bodies from exploitation.

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