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Dance_at_Molenbeek

Vers la mi-juillet de l’année 1518, une femme entra dans une des rues de Strasbourg et commença à danser. En une semaine, trente-quatre autres personnes l’avaient rejointe. À la fin du mois d’aout, il est dit que 400 personnes ont vécu cette folie, dansant de manière incontrôlable autour de la ville.

Image d’entête : 1564, Albertinium, Vienne et Breughel Pieter, "Manie dansante" ou “le Pèlerinage des épileptiques à l’Église Molenbeek”. Également appelé "La danse de Saint-Jean ou Saint-Guy", une forme d’hystérie collective. De grandes foules forment des cercles et dans un délire sauvage dansent pendant des heures.

Les médecins locaux ont été consultés. Ils ont exclu les causes astrologiques et surnaturelles, déclarant qu’il s’agissait d’une “maladie naturelle” causée par le “mauvais sang” ou “sang chaud”.
Le traitement : encore plus de danse. Dans un écho de la rave, qui se révèlera si populaire 500 ans plus tard, deux mairies et un marché des céréales en plein air ont été enlevés, pour laisser danser, librement et sans interruption, les malades. Des Musiciens ont même été employés. Quand les danseurs ont commencé à mourir, les gouverneurs ont dû revoir leur stratégie. Un nouveau diagnostic a été établi : la danse était désormais attribuée à une malédiction envoyée par un saint en colère. Dans un acte de contrition, le jeu et la prostitution ont été interdits et les débauchés bannis. Lorsque cela s’est avéré inefficace, les danseurs ont été envoyés dans un temple au sommet d’une montagne où une intervention divine fût demandée. Dans les semaines qui suivirent, l’épidémie s’apaisa.

Le premier foyer important de Manie dansante est supposé avoir eu lieu à Aachen, en Allemagne, le 24 juin 1374, après quoi elle se propagea rapidement à travers la France, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Maastricht, Trèves, Zurich et Strasbourg ont eu chacun, deux ou plusieurs épisodes. Des milliers de personnes ont dansé jusqu’à l’agonie, pendant des jours ou des semaines, hurlant de terribles visions et implorant les chefs religieux de sauver leurs âmes.

hondiusCela semble aujourd’hui incroyable, mais ces épidémies ont réellement eu lieu. Des dizaines d’enregistrements écrits de plusieurs villes et villages décrivent les évènements de 1374.
Il n’y a aucun accord quant aux causes et facteurs de cette maladie. Une théorie évoque que les malades auraient ingéré de l’ergot, une moisissure qui croît sur les tiges de seigle et peut provoquer des hallucinations, des spasmes et des tremblements. Les épidémies d’ergotisme sont connues pour avoir eu lieu dans l’Europe médiévale où la population mangeait de la farine contaminée. Mais il est peu probable que ces empoisonnés par l’ergot de seigle pourraient avoir dansé pendant des jours à la suite et en réagissant, tous et toutes, aux produits  psychotropes de la même manière. D’autres suggèrent que la danse aurait été organisée et ferait partie d’un rituel d’une secte interdite, dont le culte pourrait avoir lieu sous le couvert de cette danse incontrôlée. Cette explication est contestée par ceux qui croient qu’il n’y a aucune preuve que les danseurs est eu envie de danser, citant des preuves contemporaines où les danseurs présentaient des expressions de peur et de désespoir.

Une explication convaincante vient de l’historien John Waller dans son étude : In a spin: the mysterious dancing epidemic of 1518, qui pose la détresse psychologique comme un facteur prédisposant, une contagion culturelle comme déclencheur et la crainte pieuse comme facteur de perpétuation. Il estime que les victimes étaient prédisposées à la transe comme un état induit par des niveaux élevés de stress psychologique liés aux difficultés du Moyen Age. L’épidémie de danse de 1374, par exemple, s’est propagée dans les zones les plus brutalement frappées, plus tôt dans l’année, par les inondations les plus dévastatrices du 14e siècle.

Ce n’est pas, en soi, suffisant pour expliquer pourquoi il danse jusqu’à la mort. Le conditionnement culturel est important : des études anthropologiques et les observations de rituels de possession montrent que les gens sont plus susceptibles d’entrer dans un état de transe, s’ils s’attendent à que cela se produise et que les participants en transe se comportent d’une manière ritualisée, façonnée par les croyances spirituelles. Au temps de la Manie dansante, il y avait des croyances communes sur des esprits courroucés, capables d’infliger une malédiction de danse. Dans ce milieu une fois qu’une personne, particulièrement perturbée, commençait à danser, d’autres était susceptibles de la rejoindre.
La course prolongée de l’épidémie a également été façonnée par la croyance en vigueur. À côté de ceux qui étaient vraiment en transe, de nombreuses personnes les ont rejoint à cause de la peur, ou tout simplement pour faire comme les autres. La danse était imaginé comme étant à la fois la maladie et son remède, alors que cela l’amplifie, plutôt que ne l’atténue.. Ce rôle central de la foi, se manifeste aussi dans la rapidité avec laquelle les épidémies ont diminué lorsque les victimes ont prié dans les sanctuaires appropriés ou avaient subi des rituels d’exorcisme élaborés.

raveLe trouble de la manie dansante a été limité à une période déterminée, mais certains ont identifié des activités modernes ayant certaines de ses caractéristiques. Les ravers présentent des caractéristiques de la manie dansante. Par exemple, les raves peuvent impliquer des activités que les spectateurs considèrent étranges (tels que faire la fête toute la nuit), l’utilisation de drogue pour les hallucinations, et toute la sous-culture qui en découle. Une autre culture, une autre vision et d’autre visions par la danse.

A partir de wikipédia : Dancing Plague of 1518, Dancing mania et Manie dansante.

The Lancet : a forgotten plague: making sense of dancing mania.

Images Bruxel.org : ieter Breughel & The dance of St. John – Molenbeek.

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