Découverte de nouvelles preuves pour l’existence d’une nouvelle particule fondamentale qui ne devrait pas exister
Les neutrinos sont de minuscules particules qui traversent notre corps par milliards et à chaque seconde, mais qui interagissent rarement. Alors que des vagues de neutrinos traversent l’espace, ils oscillent constamment entre trois types connus, ou « saveur leptonique », appelés électron, muon et tau. Ces neutrinos interagissent avec la matière, mais par le biais de la force faible (ou appelé interaction faible, l’une des quatre forces fondamentales de l’univers) et la gravité. Cela signifie que des détecteurs spécialisés peuvent les trouver, en provenance du soleil ainsi que de certaines sources humaines, comme les réactions nucléaires.
Image d’entête : vue sur l’intérieur de l’expérience de physique des neutrinos Daya Bay, un détecteur de neutrinos. Les bulles de verre qui tapissent les parois sont des tubes photomultiplicateurs qui amplifient le faible signal enregistré lorsqu’un neutrino est détecté. (DBRNE/ Wikimedia Commons)
Récemment des physiciens ont été à la fois ravis et déconcertés par les résultats d’une expérience avec des neutrinos au Fermilab près de Chicago. L’expérience MiniBooNE a détecté, beaucoup plus que prévu, des neutrinos d’un type particulier, ce qui s’expliquerait le plus logiquement par l’existence d’une nouvelle particule élémentaire : un neutrino stérile encore plus étrange et plus solitaire que les trois types de neutrinos connus. Ces résultats semblent confirmer ceux d’une expérience vieille de plusieurs décennies pour lesquels le MiniBooNE a été spécifiquement construit afin de les vérifier.
Les tubes photomultiplicateurs à l’intérieur du MiniBooNE. (Fermilab)
La persistance de l’anomalie des neutrinos est extrêmement intéressante pour les physiciens, cela indique qu’il se passe quelque chose, mais quoi ? Personne ne peut vraiment le dire.
L’existence d’un neutrino stérile révolutionnerait la physique de la plus petite à la plus grande échelle. Elle enfreindrait enfin le modèle standard de la physique des particules qui règne depuis les années 1970 et pour le physicien Scott Dodelson de l’université Carnegie-Mellon (Pennsylvanie, Etats-Unis) :
Elle exigerait également un nouveau modèle standard de la cosmologie. Il y a d’autres failles potentielles dans l’image standard. Le paradoxe du neutrino pourrait nous mener à un meilleur modèle.
L’expérience MiniBooNE consiste à projeter un faisceau de neutrinos muon vers un réservoir de pétrole géant. Sur le trajet jusqu’à ce dernier, certains des neutrinos muons devraient se transformer en neutrinos électroniques à un taux déterminé par la différence de masse entre eux. Le MiniBooNE surveille ensuite l’arrivée des neutrinos électroniques, qui produisent des éclairs caractéristiques de rayonnements dans les rares occasions où ils interagissent avec les molécules de pétrole.
Schéma de configuration et de fonctionnement du MiniBooNE. (Fermilab)
En 15 ans, le MiniBooNE a enregistré quelques centaines de neutrinos électroniques de plus que prévu.
L’explication la plus simple pour ce nombre étonnamment élevé est que certains neutrinos muons oscillent vers un quatrième type de neutrinos différents, plus lourds, un neutrino stérile, c’est-à-dire qu’il n’interagit jamais avec ce qui n’est pas un neutrino, et que certains de ces neutrinos lourds stériles oscillent ensuite vers des neutrinos électroniques. Plus la différence de masse est importante, plus le taux d’oscillations est élevé et plus le nombre de détections est grand.
Le Liquid Scintillator Neutrino Detector (LSND, un compteur à scintillation) de Los Alamos a détecté une anomalie similaire dans les années 1990, ce qui a conduit à la construction du MiniBooNE. Cependant, d’autres expériences avec des neutrinos qui agissent différemment du LSND et du MiniBooNE n’ont pas réussi à produire un signe clair du neutrino stérile supposé.
A l’intérieur du Liquid Scintillator Neutrino Detector. (LSND)
Si les neutrinos stériles expliquent ces nouveaux résultats, les physiciens ont du mal à voir comment les propriétés de ces nouvelles particules peuvent être compatibles avec tout ce que nous savons. Peut-être le plus troublant de tous, les observations cosmologiques de la lumière de l’univers primitif indiquent que seulement trois saveurs de neutrinos existaient à l’époque. Pour Anže Slosar du laboratoire national de Brookhaven, afin de donner un sens aux données du LSND, du MiniBooNE et à toutes les autres expériences à ce jour, « un cadre théorique complètement nouveau est nécessaire ».
De plus, le neutrino stérile particulier, qui pourrait hypothétiquement s’adapter aux données de MiniBooNE, ne résout aucun des mystères qui ont conduit les physiciens à théoriser sur de telles particules. S’ils sont assez lourds, les neutrinos stériles pourraient servir de « matière noire » invisible qui semble engloutir les galaxies. Et ils expliqueraient pourquoi les neutrinos électroniques, muons et tau sont si légers, grâce à une astuce mathématique appelée mécanisme de see-saw. Mais à moins d’un électron-volt, le neutrino stérile du MiniBooNE n’a pas le poids nécessaire à ces autres fins.
Selon Matthew Buckley, physicien des particules à l’Université Rutgers (New Jersey, États-Unis) :
Nous n’aurions aucune raison de nous attendre à des neutrinos stériles à 1-eV. Cela n’a pas empêché l’univers d’ajouter de nouvelles particules dans le passé.
La confusion a conduit de nombreux experts à contenir leur optimisme et à soupçonner que le MiniBooNE et le LSND ont été victimes d’une erreur inconnue. Freya Blekman, physicien à l’université Libre de Bruxelles, soutient que les expériences ont systématiquement sous-estimé des événements qui imitent le signal des neutrinos électroniques, comme la vitesse à laquelle des particules appelées pions neutres se décomposent à l’intérieur du réservoir de pétrole du MiniBooNE.
Il est aussi possible que l’anomalie dans les expériences LSND et MiniBooNE pourrait s’avérer être « systémique », ce qui signifie qu’il y a quelque chose dans la façon dont les neutrinos interagissent avec l’installation expérimentale que les scientifiques ne comprennent pas encore.
Une réponse plus définitive pourrait provenir de futures expériences, dont une appelée IsoDAR, proposée par la physicienne Janet Conrad et ses collègues du Massachusetts Institute of Technology (MIT) . Plutôt que de compter le nombre de neutrinos pour un type donné au bout d’un faisceau, des neutrinos seront observés se déplacer d’une saveur à l’autre, ce qui donnera une image plus complète des oscillations.
L’étude en prépublication sur arXiv (PDF) : Observation of a Significant Excess of Electron-Like Events in the MiniBooNE Short-Baseline Neutrino Experiment.