Des scientifiques ont calculé l’immense pression au cœur d’un proton
Dans ce que l’on croyait impossible, des physiciens ont pour la première fois donné une valeur à la pression à l’intérieur d’un proton, et c’est plus impressionnant que ce que nous aurions pu imaginer.
Image d’entête par le Thomas Jefferson National Accelerator Facility.
En tirant des protons accompagné de ses électrons à haute énergie, les chercheurs ont mesuré la poussée et la traction du trio de quarks du proton, fournissant des informations précieuses sur l’un des éléments constitutifs les plus stables de l’Univers.
La physicienne Latifa Elouadrhiri du Thomas Jefferson National Accelerator Facility compare notre précédente interprétation de la structure du proton à celle d’un cœur humain. L’écoute de son rythme ne peut vous en dire autant sur son fonctionnement.
Selon Latifa Elouadrhiri :
Nous disposons de la technologie d’imagerie médicale 3D qui permet maintenant aux médecins d’en apprendre davantage, de manière non invasive, sur la structure du cœur.
Et c’est ce que nous voulons faire avec la nouvelle génération d’expériences.
Nous avons compris depuis quelque temps déjà que les protons sont composés de trois quarks, deux quark up et un quark down, liés ensemble par ce que l’on appelle la force nucléaire.
Au-delà de cela, la structure interne du proton est longtemps restée un mystère. Il est clair que ses quarks tiennent bien ensemble, mais il faut aussi qu’il y ait une sorte de répulsion qui les empêche de s’effondrer.
Pour mesurer à quel point ces éléments sont liés, les chercheurs ont combiné deux cadres théoriques différents, dont l’un a été considéré comme pratiquement impossible à mettre en œuvre directement.
L’énergie et la quantité de mouvement des parties internes d’un proton sont codées dans ce qu’on appelle des facteurs de forme gravitationnelle (gravitational form factors). La gravité est une force tellement faible qu’elle n’est quasiment pas prise en compte dans la physique des particules, pas lorsqu’il y a des forces beaucoup plus fortes à l’œuvre. Mais au plus profond du proton, un champ gravitationnel peut être affecté par l’énergie et l’élan d’une particule.
C’est une de ces « bonnes idées », en théorie, malheureusement. Une étude de 1966 par le physicien américain Heinz Pagels décrit le processus tout en excluant son application pratique en raison de l’extrême faiblesse de la gravité. Ce que Pagels n’avait pas prévu, c’était l’élaboration d’un cadre théorique qui reliait les comportements de la force électromagnétique aux facteurs de forme gravitationnelle.
En d’autres termes, on a découvert plus tard que les électrons pouvaient se substituer à une sonde gravitationnelle.
La solution était d’utiliser la diffusion Compton, qui décrit l’interaction entre les photons de lumière et une particule chargée, comme un électron. Dans ce cas, ils ont augmenté l’accélération d’un électron pour rétrécir suffisamment sa longueur d’onde afin de pénétrer un proton. Ils ont ensuite observé la diffusion des photons produits, combinant leurs détails avec des informations sur le proton et l’électron accéléré pour déterminer comment les quarks ont réagi à la frappe.
Cette diffusion a fourni une carte de l’énergie et de l’élan pour décrire une pression extrême vers l’extérieur au centre du proton, l’empêchant de s’effondrer. Cette poussée fut d’une pression égale pour maintenir les quarks ensemble, équivalent à 100 décillions de Pascal (1 suivi de 35 zéros).
Imaginez une étoile à neutrons, où la matière est si comprimée qu’une montagne pourrait être réduite en un monticule assez petit pour tenir dans une cuillère à thé. L’équipe dit que cette pression de quark est 10 fois plus grande, faisant du noyau d’un proton un espace extrêmement, le mot est faible, dense.
La prochaine étape pour l’équipe est de continuer à utiliser ce processus pour approfondir notre compréhension de la mécanique interne du proton, calculer ses forces et finalement construire une image sur la façon dont ses quarks se déplacent.
En savoir plus sur les entrailles d’un proton pourrait nous aider à répondre à la question de savoir s’ils se décomposent. Pour l’instant, ils semblent suffisamment stables pour survivre à l’Univers, mais déterminer comment et quand ils se décomposent fournirait des indices précieux sur certaines des caractéristiques fondamentales du cosmos.
L’étude publiée dans Nature : The pressure distribution inside the proton et présentée par le biais d’une interview avec Latifa Elouadrhiri : Physicists make first 3D measurements of proton’s internal structure. Également présentée sur le site du Jefferson Lab : Quarks Feel the Pressure in the Proton.