Les “nomades de la mer” sont les premiers humains à disposer d’une adaptation génétique pour la plongée
Une chercheuse du Centre for GeoGenetics de l’université de Copenhague (Danemark) a découvert qu’un groupe de nomades aquatiques indonésiens se sont adaptés, sur le plan génétique, à rester sous l’eau beaucoup plus longtemps que l’être humain moyen.
Melissa Ilardo, dont le travail sur le sujet l’a poussée à obtenir son doctorat, a passé des mois à Jaya Bakti, en Indonésie, à étudier le peuple Bajau de la région. Les Bajau sont un peuple nomade avec un mode de vie centré sur l’océan. Pêcheurs prolifiques, ils passent environ 60 % de leur journée à faire de la plongée en apnée pour pêcher à des profondeurs allant jusqu’à 70 m, pour un maximum de 13 minutes ! C’est près d’un quart d’heure sous l’eau avec rien de plus que leurs équipements de pêche et des poids pour les maintenir submergés.
Ilardo fut fasciné par les capacités aquatiques surhumaines des Bajau et elle s’est demandé comment ils pouvaient rester submergés, sans oxygène, pendant beaucoup plus longtemps qu’une personne moyenne. En utilisant des ultrasons et en prélevant le matériel génétique des membres du peuple Bajau, Ilardo a découvert que les personnes qui ont participé à son étude avaient des rates 50 % plus grosses que celles observées chez d’autres personnes qui ne partagent pas le mode de vie aquatique des Bajau dans la même région de l’Indonésie.
(James Morgan)
De tous les organes de votre corps, la rate n’est peut-être pas le plus glamour. Techniquement, vous pouvez vivre sans elle, mais tant que vous l’avez, l’organe aide à entretenir votre système immunitaire et à recycler les globules rouges.
Llardo théorise qu’avec le temps, la sélection naturelle aurait aidé les Bajau, qui vivent dans la région depuis mille ans, à développer cet avantage génétique.
La rate est importante pour la plongée et elle est également plus larges chez certains phoques, car elle libère davantage d’oxygène dans le sang lorsque le corps est stressé ou qu’une personne retient son souffle sous l’eau.
Les rates étaient plus grandes chez les Balaos, qu’il s’agisse de plongeurs réguliers ou non, et une analyse plus poussée de leur ADN a révélé pourquoi. En comparant les génomes des Bajau à deux populations différentes, les Saluan et les Chinois Han, les scientifiques ont trouvé 25 sites très différents.
Les chercheurs sont tombés sur un gène appelé PDE10A, dont on pense qu’il contrôle une certaine hormone thyroïdienne, chez les Bajau. Chez la souris, l’hormone a été liée à la taille de la rate, et les souris génétiquement modifiées pour avoir des quantités plus faibles de l’hormone ont une rate plus petite.
La taille de la rate est importante parce que c’est un réservoir dans lequel les globules rouges sont stockés. Lors d’une plongée, la rate se contracte et pousse ces globules rouges supplémentaires dans le sang, augmentant ainsi sa capacité à transporter l’oxygène.
Ce n’est pas les seuls exemples d’humains à disposer, merci l’évolution, de capacité “surhumaine” pour supporter leur environnement spécifique. La plupart des Tibétains de souche, par exemple, ont une mutation que l’on ne trouve généralement pas chez les Chinois et qui produit plus de globules rouges pour compenser la réduction des niveaux d’oxygène dans l’air à haute altitude. D’autres études ont montré que des groupes d’Inuits du Groenland se sont adaptés aux grandes quantités de matières grasses qu’ils consomment, pour faire face à ce régime sans risque accru de maladie cardiaque.
Cette étude aidera à mieux comprendre comment le corps humain fait face à la perte d’oxygène dans divers scénarios. Elle a été publiée dans Cell : Physiological and Genetic Adaptations to Diving in Sea Nomads.
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