L’Agence spatiale européenne révèle un “autre” champs magnétique terrestre produit par nos océans

Un trio de satellites étudiant le champ magnétique de notre planète a révélé les détails de la montée constante d’un champ magnétique produit par les marées de l’océan.

Quatre années de données recueillies par la mission Swarm de l’Agence spatiale européenne (ESA) ont contribué à la cartographie de cet « autre » champ magnétique, qui pourrait nous aider à concevoir de meilleurs modèles autour du réchauffement climatique.

Le physicien Nils Olsen de l’université technique du Danemark a présenté ses surprenants résultats lors de la réunion de l’Union européenne des géosciences à Vienne (2018 European Geosciences Union meeting), expliquant comment son équipe de chercheurs a réussi à détailler une signature aussi faible.

Selon M. Olsen :

C’est un champ magnétique vraiment minuscule. Il est à environ 2 – 2,5 nanotesla à l’altitude du satellite, ce qui est environ 20 000 fois plus faible que le champ magnétique global de la Terre.

Ces deux champs sont le résultat d’un effet dynamo produit par des particules chargées qui se déplacent dans un fluide. Le champ magnétique plus fort, qui influence l’aiguille de la boussole, se forme à partir du mouvement régulier de la roche/ noyaux en fusion sous nos pieds. Ce champ laisse également sa signature dans l’alignement des particules incrustées dans la croûte terrestre, un modèle qui a également été analysé en détail par le Swarm.

En fait, l’ESA a également publié la carte la plus détaillée à ce jour de cette empreinte magnétique mouchetée lors de la réunion.

Mais ce sont les détails de l’autre dynamo qui étonne. Les ions dissous dans les eaux de nos océans produisent également un champ incroyablement faible lorsqu’ils se déplacent dans les courants et les marées. Les faibles motifs créés par des mouvements tels que le Gulf Stream sont difficiles à distinguer du champ magnétique plus fort  en arrière-plan. Mais le flux et le reflux des marées lorsqu’elles sont entraînées par la Lune en orbite produit une impulsion qui renforce/ fais ressortir les signaux faibles.

Lancé en 2013, Swarm se compose de trois satellites identiques, actuellement en orbite entre 300 et 530 kilomètres d’altitude, chargés de recueillir des données sur les propriétés magnétiques de notre planète.

Représentation de la mission Swarm. (ESA/ ATG Medialab)

Selon Olsen :

Nous avons utilisé Swarm pour mesurer les signaux magnétiques des marées depuis la surface de l’océan jusqu’au fond de la mer, ce qui nous donne une image vraiment globale de la façon dont l’océan coule à toutes les profondeurs, et c’est nouveau.

D’avoir de multiples façons d’étudier les mouvements de nos océans est assez important actuellement, alors que nous affinons des modèles décrivant les schémas de l’énergie thermique autour du globe. Comme l’eau est capable de retenir d’importantes quantités de chaleur, de définir la capacité de notre planète à absorber l’excès de chaleur piégé par les quantités croissantes de gaz à effet de serre repose sur la connaissance précise de la façon dont les marées et les courants se déplacent en 3 dimensions. Savoir où toute cette eau chaude va, en profondeur, pourrait expliquer les cycles d’accélération du réchauffement climatique.

La nouvelle carte magnétique de l’océan a également une autre application importante.

Selon M. Olsen :

De plus, comme ce signal magnétique de marée induit également une faible réponse magnétique sous le fond marin, ces résultats seront utilisés pour en apprendre davantage sur les propriétés électriques de la lithosphère et du manteau supérieur de la Terre.

À l’heure actuelle, les tourbillons magmatiques en mouvement sous la croûte terrestre sont étudiés à l’aide de mesures gravimétriques et des données sismologiques.

Puisqu’il y a tant de choses que nous ne savons toujours pas comme, par exemple, pourquoi le champ magnétique de notre planète s’inverse de temps en temps, chaque nouvelle découverte pourrait faire la différence.

Les résultats présentés lors de la réunion 2018 de l’European Geosciences Union : Recent updates of the Swarm L2 products in the context of mantle EM induction studies et présentée sur le site de l’ESA : Swarm tracks elusive ocean magnetism qui a également mis à disposition une petite bande dessinée (en anglais) présentant les travaux du géophysicien A. Grayver “scannant la Terre avec les marées”.