Le dérèglement climatique affame les ours polaires
La situation des ours polaires face au changement climatique est pire que prévu. Selon une nouvelle étude, ces mammifères arctiques ont besoin de beaucoup plus de calories que les scientifiques ne l’estimaient auparavant, mais avec la fonte de la glace de mer sous leurs pattes, les ours ont souvent du mal à se nourrir.
Les résultats de l’étude, publiés le 1er février, ont donné la meilleure estimation de la quantité d’énergie nécessaire pour vivre en tant qu’ours polaire (Ursus maritimus). L’étude soutient également les préoccupations des scientifiques selon lesquelles le recul de la glace de mer nuit aux ours en entravant leurs chasses aux phoques riches en graisse.
Selon Andrew Derocher, un écologiste de l’université de l’Alberta à Edmonton, au Canada, si les ours polaires ne peuvent pas satisfaire leurs besoins énergétiques, leur population déjà en déclin pourrait diminuer de plus de 30% au cours des 4 prochaines décennies.
Cette dernière étude se démarque des précédentes, car elle évalue la quantité de calories dont ces animaux ont besoin et elle explique comment la perte de glace de mer peut les faire disparaître. Les précédents travaux ont seulement estimé la quantité d’énergie dont les ours polaires avaient besoin pour survivre.
Pour mesurer leurs besoins énergétiques, une équipe de biologistes les a suivi sur la glace de mer près de la côte nord de l’Alaska au printemps, la principale saison de chasse des animaux. En avril 2014, 2015 et 2016, les chercheurs ont équipé 9 femelles ours avec des colliers caméra et des traqueurs d’activité équipés d’un système de positionnement global (GPS). L’équipe a également mesuré le coût énergétique d’activités telles que la marche et la chasse et elle a surveillé les changements dans la masse corporelle des animaux pendant 8 à 11 jours.
Image d’entête : Ours polaire femelle adulte sur la glace de mer portant un collier caméra et GPS. (Anthony Pagano/ USGS)
En moyenne, les ours avaient besoin de près de 12 325 kilocalories par jour, soit 1,6 fois plus d’énergie qu’on ne le pensait auparavant. Pour répondre à de tels besoins, un ours femelle sur la banquise devrait manger un phoque annelé adulte ou 19 nouveau-nés tous les 10 à 12 jours, ont conclu les scientifiques.
Mais près de la moitié des ours n’ont pas atteins ces quantités de nourriture et ils ont été forcés de jeûner ou de se contenter de carcasses. Ces animaux ont perdu 10% de leur masse corporelle en 10 jours environ. C’est comme si une personne pesant 80 kilos perdait 8 kilos en un peu plus d’une semaine.
La recherche de nourriture n’est pas le seul défi auquel font face les ours polaires. Alors que les températures augmentent, la glace diminue, le vent et les courants la font dériver plus vite à la surface de l’océan et selon Merav Ben-David, écologiste de la faune à l’université du Wyoming à Laramie :
Imaginez un tapis roulant. Si la glace de mer se déplace plus rapidement sous leurs pattes, les ours polaires doivent marcher plus vite,ou plus longtemps, pour rester au même endroit, ce qui les oblige à dépenser plus d’énergie.
Les données recueillies des traqueurs d’activité ont confirmé que les ours polaires avaient besoin de plus de calories au fur et à mesure qu’ils marchaient.
Si je devais parcourir un millier de kilomètres supplémentaires cette année, je serais beaucoup plus maigre – ou mon apport énergétique devrait augmenter pour compenser.
Cette étude est juste un instantané, avertit Pagano. Il prévoit de suivre les activités des ours polaires pendant toute l’année afin de déterminer si et comment leurs besoins énergétiques changent.
L’étude publiée dans Science : High-energy, high-fat lifestyle challenges an Arctic apex predator, the polar bear et présentée sur le site de l’université de Californie à santa-Cruz : Polar bears finding it harder to catch enough seals to meet energy demands.