Un nouveau genre de virus pourtant très répandu dans l’océan vient d’être découvert
Dans l’océan, pas moins de 10 millions de virus peuvent se trouver dans un seul millilitre d’eau et il s’avère qu’ils ont des amis dont nous n’avons jamais entendu parler.
Les scientifiques ont découvert une famille de virus jusque-là inconnu qui domine l’océan et qui ne peut pas être détectée par des tests de laboratoire standard. Les chercheurs soupçonnent que cette multitude virale peut déjà exister en dehors de l’eau, peut-être même à l’intérieur de nous.
Image d’entête de Paul Berube, MIT.
Martin Polz et son équipe du MIT, en collaboration avec des chercheurs de l’Albert Einstein College of Medicine de New York, ont analysé trois mois d’échantillons d’eau océanique prélevés au large de la côte du Massachusetts.
Selon les chercheurs, les virus les plus abondants sur l’ensemble de la planète sont les virus à ARN double brin (dsDNA), dont la variété «à queue» (ordre des Caudovirales) est la plus connue de la science. Leurs cousins sans queue sont beaucoup moins bien compris, principalement parce que leurs caractéristiques biologiques ne sont pas facilement détectées par des tests communs. Mais cela ne signifie pas qu’ils ne peuvent pas être trouvés.
Dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont été capables d’incuber des virus sans queue extraits des vagues qui chevauchaient les rives du Massachusetts et de séquencer leur ADN. Sur 200 virus infectant une culture de Vibrionaceae (une famille de bactéries marines communes), 18 se sont avérés appartenir à une nouvelle famille de petits virus dsDNA (sans queue).
L’équipe a appelé leur découverte Autolykiviridae, d’après Autolycos (« le loup en personne ») : un personnage de la mythologie grecque qui, avec le don de voler sans se faire prendre, se révéla tout aussi difficile à attraper. Mais les Autolykiviridae ont été capturés et maintenant que nous les connaissons, cette découverte aide les scientifiques à rajouter un important chaînon manquant jusqu’ici dans l’évolution des virus.
Les virus sans queue semblent être les représentants d’une ancienne lignée virale définie par des types spécifiques de capsides, la carapace protéique qui entoure l’ADN viral, qui infecte les animaux et les organismes unicellulaires, mais pas les bactéries.
Les génomes de cette nouvelle famille sont très courts comparés aux virus à queue, composés d’environ 10 000 bases, au lieu des 40 000 à 50 000 typiques pour les virus à queue.
En outre, alors que la plupart des virus ne s’attaquent qu’à un ou deux types de bactéries, le type sans queue semble pouvoir infecter des douzaines de types différents dans une variété d’espèces, suggérant qu’il joue un rôle très important en termes de régulation (ou de mort) de la vie bactérienne dans l’océan.
Dans des expériences avec plus de 300 souches de Vibrionaceae, les Autolykiviridae frappaient bien au-dessus de leur poids comparé aux bactériophages à queue.
Images au microscope électronique des bactéries marines infectées par les virus sans queue étudiés ici. Les parois cellulaires bactériennes sont comme de longues lignes doubles et les virus sont les petits objets ronds avec des centres sombres. (Martin Polz et Coll./ MIT/ Nature)
Selon l’un des membres de l’équipe, le microbiologiste Libusha Kelly :
Ils ont causé environ 40 % de la destruction bactérienne observée, même si cela ne représente que 10 % des virus que nous avons isolés.
Ce diagramme montre les relations entre les virus marins et les souches de bactéries qu’ils infectent. Les différentes souches de bactéries sont représentées autour du cercle, avec des couleurs indiquant différentes espèces. Les virus à queue sont représentés par des cercles bleus et les virus sans queue par des cercles orange. Chaque virus est relié par des lignées aux variétés de bactéries qu’ils peuvent infecter, montrant que les variétés sans queue infectent chacune des variétés beaucoup plus différentes que les variétés à queue, qui infectent typiquement seulement une ou deux souches. (Martin Polz et Coll./ MIT/ Nature)
Cette impitoyable efficacité pourrait ne pas être limitée à la mer. Avec le génome en main, les chercheurs ont effectué des recherches dans des bases de données d’ADN pour voir si des scientifiques avaient déjà étudié des virus similaires aux Autolykiviridae et notre estomac est apparu dans les résultats, selon Kelly :
Nous avons trouvé des séquences virales apparentées dans le microbiome humain de l’intestin, mais nous ne savons pas encore comment elles influencent les communautés microbiennes dans l’intestin ou leur importance pour la santé.
Il faudra davantage de recherche pour comprendre quelles sont les implications de ces virus, dans l’océan et dans les écosystèmes terrestres ainsi que dans le corps des humains, mais il est déjà clair que la découverte de ces insaisissables parasites est une grosse prise en soi, cela ouvre de nouvelles voies pour approfondir notre savoir sur le rôle des virus dans l’océan. Cette recherche montre aussi comment les biologistes devront modifier certaines méthodes couramment utilisées, afin de capturer ces types de virus pour d’autres études.
L’étude publiée dans Nature : A major lineage of non-tailed dsDNA viruses as unrecognized killers of marine bacteria et présentée sur le site du MIT : New type of virus found in the ocean