Crevette-mante : dans le secret de la résistance des plus rapides et des plus puissantes massues animales
Dans le règne animal, le titre de la plus rapide et de la plus puissante boxeuse revient aux squilles ou encore appelées crevettes-mantes.
Les boxeurs humains s’enveloppent les mains dans un chiffon avant d’enfiler leurs gants pour éviter les blessures lorsqu’ils frappent leurs adversaires. La féroce crevette-mante a trouvé une façon similaire de protéger l’appendice en forme de massue qu’elle utilise pour pulvériser ses proies avec une vitesse et une force incroyables.
Quelques exemples de la puissance dévastatrice des matraques naturelles de la Squille mante :
Dans une étude publiée cette semaine, des chercheurs de l’université de Californie à Riverside (UCR – États-Unis) ont identifié une structure unique qui entoure ses massues de crevettes afin de la protéger des dommages qu’elle pourrait s’infliger.
Dirigés par David Kisailus de l’UCR, les scientifiques étudient les crevettes-mantes à la recherche de nouveaux matériaux composites ultrarésistants pouvant être utilisés dans le développement de l’équipement aérospatial et sportif. Le travail est ainsi financé par l’US Air Force Office of Scientific Research.
Les crevettes-mantes, des crustacés marins de l’ordre des Stomatopoda, sont d’agressives chasseuses qui tuent leurs proies en utilisant une attaque qui fait partie des mouvements d’animaux connus comme étant les plus rapides. Les stomatopoda sont divisés en deux groupes: les “harponneuses” («spearers» ou Odontodactylus), qui attaquent leurs proies molles à l’aide d’une structure semblable à un harpon et les collisionneurs («smashers» ou Lysiosquillidae en image d’entête) un genre plus récent qui écrasent leurs proies à carapace dure en utilisant un appendice en forme de marteau appelé “dactyl club” (masse dactyle).
Les chercheurs ont découvert comment la crevette-mante utilise sa massue pour effectuer des attaques sous-marines aussi rapides, pouvant atteindre les 23 mètres par seconde. Le profil de la masse, associé à une région voisine appelée le propodus, est hydrodynamique, en forme de larme ce qui réduit la résistance à la traînée.
Images issues de la précédente étude de David Kisailus et ses collègues de l’UCR.
Cette forme permet à la massue d’accélérer si rapidement qu’elle cisaille l’eau, créant des bulles implosives, un effet connu sous le nom de cavitation, produisant un second impact sur les proies.
Selon Kisailus :
Les casques aérodynamiques des cyclistes et les clubs de golf intègrent déjà cette conception, ce qui suggère que la nature avait une longueur d’avance sur les humains dans la réalisation de structures à haute performance. Le monde naturel peut fournir beaucoup plus de repères de conception qui nous permettront de développer des matériaux synthétiques de haute performance.
Dans de précédentes recherches (voir : “Comment cette crevette-mante donne les plus rapides et puissants coups de massue sans se briser les poings ?”), Kisailus et son équipe ont découvert que la masse dactyle est un matériau composite composé de chitine minéralisée, la même que celle trouvée dans les coquilles d’autres crustacés et insectes, mais disposée en plusieurs structures uniques. L’extérieur de la massue, appelé “région d’impact”, a un revêtement dur et résistant aux fissures qui permet à la crevette-mante d’infliger d’importants dommages à sa proie en transférant son élan lors de l’impact.
L’intérieur de la masse comprend la “région périodique”, une structure absorbant l’énergie qui dissipe les fissures le long d’une série de longues fibres en spirale et la région striée. Dans leur étude, les chercheurs montrent que cette dernière comporte une série de fibres très alignées qui entourent la massue et l’empêchent de se dilater lors de l’impact.
Selon Kisailus :
Nous pensons que le rôle de la région striée renforcée de fibres dans la massue des collisionneurs (“smashers”) ressemble beaucoup à celle des boxeurs qui se battent : pour comprimer la masse et éviter de catastrophiques fissures.
Ensemble, l’impact, les régions périodiques et striées forment une masse d’une force, d’une durabilité et d’une résistance incroyables aux chocs.
Toujours selon Kisailus, un « élément architectural strié » similaire peut être trouvé chez l’ancien cousin du collisionneur (smasher), l’harponneur (“spearer”), chez lequel il est censé empêcher les barbes longues et minces de se déformer pendant les frappes pénétrantes.
L’étude suggère que la présence de cette structure chez l’harponneur a probablement permis l’apparition du collisionneur et de son marteau biologique, une diversification qui a coïncidé avec l’apparition des proies à carapace dure avec des défenses plus sophistiquées.
Les chercheurs ont également trouvé une structure similaire dans le tibia de la mante religieuse terrestre, suggérant que la biologie/ l’évolution a utilisé ce modèle pour des fonctions similaires.
L’étude publiée dans la revue Advanced Materials : Ecologically Driven Ultrastructural and Hydrodynamic Designs in Stomatopod Cuticles et présentée sur le site de l’université de Californie à Riverside : How Mantis Shrimp Pack the Meanest Punch.