L’amélioration d’une célèbre technique d’édition génétique permet de cibler encore plus précisément le génome (deux études)
Dans deux études publiées cette semaine, des chercheurs du MIT et de l’université d’Harvard décrivent une nouvelle façon d’éditer l’ADN et l’ARN, appelée édition/ éditeur de base, des versions améliorées de la révolutionnaire technique d’édition génétique CRISPR–Cas9*. Cette approche pourrait un jour traiter de nombreuses maladies héréditaires, dont certaines ne trouvent actuellement aucun traitement.
*Petit rappel : Il n’y a pas si longtemps, en 2013, la Femme (…) a mis au point une technique révolutionnaire de manipulation génétique, le CRISPR–Cas9. Elle permet, en gros, de couper / coller des séquences de gènes. La Cas9 est le couteau, une enzyme (endonucléase) spécialisée dans la découpe de séquence ADN et on l’utilise donc pour couper celle que l’on veut éditer. CRISPR désigne ces séquences d’ADN répétées et régulièrement espacées.
Le génome humain est composé de quelque 3 milliards de paires de bases, les molécules individuelles qui composent notre ADN. La mutation d’une seule paire de bases peut avoir de dramatiques conséquences si elle se produit à certains endroits. La drépanocytose, la fibrose kystique, la maladie de Tay-Sachs et bien d’autres sont causées par des mutations ponctuelles ou des aberrations dans une seule lettre de notre ADN.
Ces lettres, A, T, C et G, représentent les quatre molécules, ou nucléotides, qui composent l’alphabet de nos génomes. Dans l’étude des chercheurs de l’université d’Harvard et du Broad Institute (Cambridge, Massachusetts) publiée hier (lien plus bas), des scientifiques affirment avoir développé un moyen d’échanger ces lettres sans avoir recours au “couper-coller” utilisé par d’autres technologies d’édition génétique et pouvant entraîner des effets pathogènes (mais pas tant que ça…) sur le corps, dits “hors-cible”.
Ces travaux s’appuient sur une technique introduite l’année dernière et qui a permis aux chercheurs de changer les paires de bases C-G, en paires de bases T-A. Ces types de mutations ne représentent que 15% des mutations nocives chez l’homme. Les mêmes chercheurs ont maintenant développé un nouveau processus qui couvre l’autre ensemble de bases en convertissant des paires A-T en paires G-C.
Selon David Liu, coauteur de l’étude :
De loin le type le plus commun de mutation ponctuelle associée à la maladie chez l’homme, et probablement dans tous les systèmes vivants, est la mutation d’une paire de base GC en une paire de base AT. Cette classe de mutations représente environ la moitié des 32 000 mutations ponctuelles pathogènes connues chez l’homme.
Leur technologie s’appelle un éditeur de base adénine (ABE pour adenine base editor). C’est une enzyme, créée en laboratoire, qui élimine chimiquement un groupe d’amine de la molécule d’adénine, la lettre A dans le génome et le transforme en inosine. Les cellules traitent l’inosine de la même manière qu’elles traitent un nucléotide G. En d’autres termes, un A a été échangé de manière fonctionnelle en un G.
La technique utilise un groupe CRISPR modifié qui est incapable de séparer le génome comme il le fait habituellement. A la place, il se lie à une séquence cible dans l’ADN et délivre l’enzyme. Une fois que la base A a été transformée, l’enzyme cible également la base T avec laquelle elle a été appariée. Cela amène la cellule à modifier naturellement le T en C, en terminant la transition A-T vers G-C et en inversant une mutation nuisible.
Comme l’enzyme ABE peut directement modifier les molécules d’ADN, elle évite de couper-coller, une caractéristique des techniques telles que celle du CRISPR-Cas9. Alors que CRISPR est indéniablement utile dans certains cas, comme lorsque des gènes entiers doivent être insérés ou supprimés, mais lorsqu’il s’agit de mutations ponctuelles, il faut être plus précis. CRISPR peut souvent provoquer de mauvais effets secondaires quand il se lie aux mauvaises cibles dans le génome et coupe ou remplace les mauvaises paires de bases. Les effets dits “hors cible” ont fait échouer de nombreuses tentatives d’utilisation du CRISPR pour traiter des maladies génétiques. L’enzyme ABE, au contraire, change simplement une paire de lettres dans la double hélice d’ADN.
Pour les chercheurs, l’enzyme est remarquablement précise avec, selon leur test, moins d’1% d’erreur, ce qui est bien meilleur que les méthodes actuelles se basant sur le CRISPR. Cette technique devrait considérablement réduire les risques de modifications non désirées du génome. Sa précision, selon Liu, pourrait provenir en partie du fait que le corps humain n’a aucun moyen de réaliser lui-même ce genre d’édition.
L’équipe de Liu a également testé leur enzyme dans des cellules humaines dérivées de patients atteints d’hémochromatose héréditaire, une maladie à mutation ponctuelle qui provoque une accumulation nocive de fer dans le corps. L’enzyme ABE a remplacé la mutation ponctuelle par la bonne paire de bases, preuve importante que la technique fonctionnera sur les cellules humaines, mais il faudra encore attendre des tests qui sont à venir.
C’est l’une des deux importantes études concernant l’édition génétique annoncées hier.
La deuxième, dirigée par Feng Zhang, également du Broad Institute et du MIT, qui a utilisé une méthode d’édition de base similaire pour cibler des lettres individuelles dans l’ARN, le cousin chimique de l’ADN. L’ARN se dégrade naturellement dans le corps, de sorte que l’édition de l’ARN n’entraînerait pas de modification permanente du génome d’une personne. L’emploi de cette technique similaire serait plus adapté au traitement d’inflammation.
La première étude de l’université d’Harvard publiée dans Nature : Programmable base editing of A•T to G•C in genomic DNA without DNA cleavage et la seconde du MIT sur l’ARN publiée dans Science : RNA editing with CRISPR-Cas13. Présentées sur le site de la Broad Institute : Researchers extend power of gene editing by developing a new class of DNA base editors et sur le site du MIT : CRISPR 2.0 Is Here, and It’s Way More Precise.
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