Des historiens du climat associent l’effondrement de l’ancienne Égypte avec une lointaine éruption volcanique
Le suicide de Cléopâtre avec son amant, le général romain Marc Antoine, et la chute de l’ancienne Egypte sont le fruit de théorie. Le drame shakespearien mis à part, il y a souvent d’autres éléments qui viennent alimenter l’effondrement d’un empire que seules des querelles politiques.
Récemment, des chercheurs ont retracé un effet domino de bouleversements sociaux et de changement climatique dévastateur jusqu’à l’éruption d’un volcan, peut être situé de l’autre côté du globe.
Une équipe d’historiens a établi un lien entre les preuves d’activités volcaniques trouvés dans des carottes de glace et les variations saisonnières des inondations du Nil, arguant que cette perturbation de cet élément égyptien vital aurait pu précipiter les événements qui ont conduit au déclin de cette culture.
Les changements climatiques et les bouleversements sociaux vont souvent de pair, entraînant des changements spectaculaires dans la politique et l’économie qui peuvent voir des civilisations entières apparaître et disparaître. L’idée est loin d’être bête, mais même les hypothèses raisonnables nécessitent des preuves solides.
Selon le chercheur Joseph Manning de l’université de Yale :
C’est la beauté de ces enregistrements climatiques. Pour la première fois, on peut voir la dynamique d’une société en Egypte, pas seulement une description statique à partir d’une série de textes dans un ordre chronologique.
L’équipe s’est appuyée sur de précédentes recherches détaillant la période des importantes éruptions volcaniques au cours des 2 500 dernières années.
Les volcans n’ont pas à cracher de la lave dans votre salon pour devenir un problème. Leurs cendres et leurs particules de soufre peuvent former des aérosols qui se dispersent dans la stratosphère, reflétant la lumière du soleil de manière à influencer la température et les précipitations loin du site de l’éruption.
Pour déterminer comment la météo de l’Egypte aurait pu être affecté par des éruptions volcaniques, les chercheurs se sont tournés vers un monument connu sous le nom d’al-Miqyas, ou le Nilomètre Islamique. Cette superbe œuvre architecturale est un mélange d’art, de source d’eau et de données historiques.
Le nilomètre Al-Miqyas, sur les eives du Nil. (Discover Islamic Art)
La structure a préservé un enregistrement des pics estivaux des niveaux du Nil depuis le début du 7e siècle, permettant aux chercheurs de modéliser une relation entre le débit de la rivière et les années où il y avait une éruption quelque part sur la planète.
Pour obtenir plus de détails sur le cycle du Nil avant cette période de l’histoire, l’équipe a dû aller un peu plus loin et interpréter les écrits historiques. Les résultats leur donnèrent une image du “rythme cardiaque” de la rivière au cours de l’histoire de l’Égypte, qui reflétait l’activité tectonique de la planète.
Selon l’historien Francis Ludlow du Trinity College de Dublin :
Lorsque la crue du Nil était bonne, la vallée du Nil était l’un des endroits les plus productifs du point de vue agricole dans le monde antique. Mais la rivière était célèbre pour être sujette à un niveau élevé de variations.
Le Nil est aujourd’hui célèbre en étant le plus long fleuve du monde, mais pour les anciens Égyptiens, il était le centre de tout. Tous les étés, les moussons se répandaient sur le cours supérieur du Nil, fournissant une source d’eau qui déplaçait le limon. Sans cette livraison annuelle de terre fertile et d’eau, les récoltes étaient moins bonnes, entraînant des pénuries alimentaires.
Les documents historiques indiquent qu’une telle période se sera déroulée pendant le règne des Lagides (dynastie ptolémaïque), qui a commencé avec la mort d’Alexandre le Grand en 323 av. J.-C.
vers 44 av. J.-C., sous le règne de la reine Cléopâtre VII, une éruption volcanique particulièrement sévère, ailleurs dans le monde, a projeté un panache de cendres et de gaz chauds dans l’atmosphère, supprimant les moussons et provoquant une grave famine.
De toute évidence, il y avait beaucoup de mouvements dans le monde à cette période, avec Rome qui marchait sur toute l’Europe et la Méditerranée. Mais la domination de Cléopâtre ne fut pas aidée par une pénurie alimentaire qui bouleversa l’économie et contribua à faciliter la propagation d’épidémies alors que les paysans envahissaient les villes.
Finalement, cette agitation sociale a permis Rome d’en profiter plus facilement en ramassant les restes, lorsque Cléopâtre a quitté tragiquement la scène en 30 avant notre ère, peut-être empoisonnée ou en se faisant mordre par un serpent (aspic).
Les volcans pourraient aussi aider à expliquer un autre mystère ptolémaïque. L’historien romain Justin écrivait à propos du pharaon Ptolémée III :
S’il n’avait pas été rappelé en Égypte par des troubles chez lui, il se serait rendu maître de tous les États de Séleucos.
Quels troubles furent si importants que l’un des plus grands dirigeants de cette dynastie renoncerait à essayer d’accaparer des territoires qui sont aujourd’hui l’Irak et la Syrie pou retourner chez lui ? Il semble que nous pourrions aussi accuser un volcan d’avoir engendré ces mouvements sociaux.
L’étude publiée dans Nature Communications : Volcanic suppression of Nile summer flooding triggers revolt and constrains interstate conflict in ancient Egypt.