Le taxon Lazare du King Kong des insectes est vraiment revenu du royaume des morts
Une espèce est de retour du royaume des morts, grâce au dur travail d’un effort international de conservation. Le Dryococelus australis, un grand phasme de l’île australienne Lord Howe, que l’on croyait éteint dans les années 1920, est maintenant officiellement encore vivant, confirmé par des tests ADN.
Votre Guru a consacré un long article en 2012 sur le sujet : “Le taxon Lazare du King Kong des insectes”, il fallait en connaître son dénouement et comme il l’écrivait à l’époque, au sujet de son titre :
Le taxon Lazare est le phénomène de réapparition d’une espèce que l’on croyait éteinte et King Kong, car ce bâton qui marche de l’ile de Lord Howe pourrait avoir la même histoire, en beaucoup moins destructrice et avec un dénouement plus optimiste..
L’histoire s’étend sur plusieurs décennies, avec une série d’erreurs humaines, de découvertes et de surprenants succès qui ont nécessité des tests ADN pour finalement apporter une bonne nouvelle, mais l’espoir fut mince.
Lorsque des rats noirs ont été accidentellement introduits dans l’île suite au naufrage d’un navire de ravitaillement anglais, en 1918, à 600 kilomètres de la côte est de l’Australie, ils ont dévasté la population de phasme Dryococelus australis.
L’île australienne Lord Howe.
Les rats furent un désastre. Ils ont anéanti plusieurs espèces indigènes : cinq d’oiseaux, deux de plantes et 13 d’invertébrés (comprenant le D. australis), qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde.
Mais dans les années 1960, des alpinistes explorant la Pyramide de Ball, une cheminée volcanique située à 20 kilomètres au sud-est de l’île, ont fait une surprenante découverte : de récents cadavres d’insectes qui semblaient être les phasmes disparus.
La Pyramide de Ball
Mais ils ne ressemblaient pas aux spécimens récupérés de l’île Lord Howe, comme on le voit sur l’image ci-dessous (l’insecte de la pyramide de Ball est à droite) et l’espèce fut officiellement déclarée éteinte en 1986.
(Mikheyev et col./ Current Biology)
Puis un petit nombre d’insectes vivants fut découvert en 2001, vivant sur des arbres à thé sur la pyramide de Ball, ce qui a motivé un programme d’élevage en captivité. Et maintenant, enfin, les tests ADN ont confirmé que les insectes sont vraiment des D. australis… l’histoire d’une réussite extrêmement rare dans ce domaine.
Selon le responsable de la recherche Alexander Mikheyev, professeur au Collège doctoral de science et technologie d’Okinawa :
Dans ce cas, il semble que nous ayons de la chance et nous n’avons pas perdu cette espèce pour toujours, bien que tous semblaient indiquer le contraire. Nous avons une autre chance, mais très souvent nous ne l’avons pas.
Bien que les insectes de la pyramide de Ball ne ressemblaient pas aux spécimens de l’île Lord Howe, la comparaison entre les deux génomes a révélé une différence inférieure à 1 %, une assez faible différence pour qu’on puisse officiellement les déclarer de la même espèce.
Cela signifie qu’à terme, ils pourraient être réintroduits sur l’île Lord Howe, en attendant l’achèvement d’un programme d’éradication des rats qui doit commencer en 2018.
Selon les chercheurs :
Si nos résultats avaient démontré que la population de la pyramide de Ball était une espèce distincte, la libération de ces insectes sur l’île Lord Howe serait considérée comme une introduction.
… ce qui signifierait beaucoup plus de tracasseries administratives, puisque (à juste titre) l’introduction d’une nouvelle espèce fait l’objet d’un examen minutieux et que les obstacles législatifs empêchent la réintroduction d’une espèce. Mais celle-ci signifierait également que l’insecte pourrait se reproduire et prospérer dans un habitat beaucoup plus grand et plus hospitalier.
Actuellement, ils sont toujours considérés comme en danger critique. Mais ils ne comptent plus parmi les 868 espèces classées comme éteintes en raison de causes humaines sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui retrace 500 années d’observations.
Selon M. Mikheev :
Ce phasme illustre la fragilité des écosystèmes insulaires et en particulier, leur vulnérabilité face aux changements anthropiques (par l’humain) comme les espèces envahissantes.
Il a juste fallu un naufrage, et la faune de l’île a été modifiée de manière fondamentale.
L’étude publiée dans Current Biology : Museum Genomics Confirms that the Lord Howe Island Stick Insect Survived Extinction.