Ig Nobel : les gagnants 2017 de la science qui fait d’abord rire et ensuite réfléchir
Comme chaque année, les membres de The Annals of Improbable Research ont accordé les prix annuels Ig Nobel à des scientifiques méritants qui ont capturé notre imagination avec leurs recherches fascinantes, mais étranges, qui font d’abord rire et ensuite réfléchir.
Cette 27e cérémonie, comme à son habitude farfelue où personne ne se prend véritablement au sérieux, a eu lieu cette semaine au Théâtre Sanders (Cambridge, Massachusetts) de l’université d’Harvard. Les grands gagnants ont reçu un magnifique trophée fait main, un « diplôme » et 10 trillions de dollars… Zimbabwéens.
Vous pourrez la voir dans la vidéo à la fin de cet article, mais commençons par découvrir les sujets de recherches des gagnants qui vont de la question de savoir si les jumeaux peuvent se distinguer, à pourquoi les personnes âgées ont de grosses oreilles en passant par celle de savoir si les chats peuvent être à la fois un liquide et un solide…
PRIX PHYSIQUE (FRANCE, SINGAPOUR, USA)
Marc-Antoine Fardin, pour l’utilisation de la dynamique des fluides pour sonder la question : “Un chat peut-il être solide et liquide ?”
Marc-Antoine Fardin, de l’université Paris-Diderot et l’unique auteur de cette étude, s’inspire d’un fil/ courant Internet contenant des photos absurdes de contenants remplis de chat, de pots à bonbons aux éviers.
Images tirées de l’étude. (Marc-Antoine Fardin/ Rheology Bulletin)
Selon le chercheur :
Cela a effectivement soulevé des questions intéressantes sur ce que cela signifie d’être fluide et j’ai donc pensé que cela pourrait être utilisé pour mettre en évidence des sujets sérieux au centre du domaine de la rhéologie, l’étude des flux.
Le document de recherche de Fardin, publié dans le Rheology Bulletin en 2014, explore comment calculer le “nombre de Deborah” d’un chat, un terme spécifique utilisé pour décrire la fluidité et spéculé sur la façon dont les chats pourraient se comporter si soumis à l’expérience du “pot penché”.
Si vous réalisez un timelapse d’un glacier pendant plusieurs années, vous le verrez sans équivoque couler au bas de la montagne. Pour les chats, le même principe tient. Si vous observez un chat sur un temps plus long que son temps de relaxation, il “s’attendrira” et s’adaptera à son contenant, comme un liquide le ferait.
Image d’entête à partir des péripéties du célèbre chat d’internet, Maru :
L’étude publiée dans Rheology Bulletin : On the Rheology of Cats.
PRIX DE PAIX (SUISSE, CANADA, PAYS-BAS, USA)
Milo Puhan, Alex Suarez, Christian Lo Cascio, Alfred Zahn, Markus Heitz et Otto Braendli, pour avoir démontré que de jouer régulièrement du didgeridoo est un traitement efficace pour l’apnée obstructive du sommeil et le ronflement.
Cette découverte du Dr Milo Puhan est une aubaine pour celles et ceux produisant d’insupportables ronflements ou celles et ceux qui l’entourent. Il a constaté que jouer du didgeridoo, cet instrument tubulaire australien qui émet un drone (bourdon) profond et rythmique, aide à soulager l’apnée du sommeil.
Puhan, directeur de l’Institut d’épidémiologie, de biostatistique et de prévention de l’université de Zurich en Suisse, a étudié le didgeridoo après avoir soulagé son collègue Alex Suarez, qui a également participé à l’étude et qui souffre d’une apnée du sommeil, en en jouant.
L’étude publiée dans le British Medical Journal : Didgeridoo Playing as Alternative Treatment for Obstructive Sleep Apnoea Syndrome: Randomised Controlled Trial.
PRIX ÉCONOMIE (AUSTRALIE, USA)
Matthew Rockloff et Nancy Greer, pour leurs expériences observant comment le contact avec un crocodile vivant affecte la volonté d’une personne à jouer aux jeux de hasard, impliquant souvent un gain ou une perte d’argent.
Matthew Rockloff, responsable du Laboratoire de recherche sur la population de la Central Queensland University et son assistante Nancy Greer, ont placé un crocodile de mer de 1 mètre, avec la gueule maintenue fermée par du sparadrap, dans les bras de personnes sur le point de jouer et ont observé ce qui se passait.
L’excitation causée par la manipulation d’un dangereux reptile a amené les personnes ayant des problèmes préexistants à, selon Rockloff : “jouer des montants plus élevés, ce qui, à long terme, entraînera de plus grandes pertes de jeu”.
L’étude publiée dans The Journal of Gambling Studies : Never Smile at a Crocodile: Betting on Electronic Gaming Machines is Intensified by Reptile-Induced Arousal.
PRIX ANATOMIE (Royaume-Uni)
James Heathcote, pour son étude de recherche médicale : “Pourquoi les vieillards ont-ils de grandes oreilles ?”
Pour son étude, Heathcote a mesuré la longueur des oreilles de plus de 200 patients et il a découvert non seulement que les hommes âgés ont de grosses oreilles, mais qu’elles se développent d’environ 2 millimètres par décennie après l’âge de 30 ans.
Salvador Dali avant-après.
Il a découvert que les oreilles des femmes augmentent aussi avec l’âge, mais elles sont au départ plus petites et les grosses oreilles des hommes peuvent être plus visibles parce qu’ils ont tendance à avoir moins de cheveux.
L’étude publiée dans le British Medical : « Why Do Old Men Have Big Ears?
PRIX DE BIOLOGIE (JAPON, BRÉSIL, SUISSE)
Kazunori Yoshizawa, Rodrigo Ferreira, Yoshitaka Kamimura et Charles Lienhard, pour leur découverte d’un pénis féminin et d’un vagin masculin, dans un insecte cavernicole.
Votre Guru a détaillé cette étude dans son article : Cas unique d’inversion sexuelle dans laquelle une femelle insecte porte et utilise un épineux “pénis”.
(Yoshizawa, 2014)
L’étude publiée dans Current Biology : Female Penis, Male Vagina and Their Correlated Evolution in a Cave Insect.
PRIX DE DYNAMIQUE DES FLUIDES (CORÉE DU SUD, USA)
Jiwon Han, pour avoir étudié la dynamique du ballottement d’un liquide, du café, en analysant notamment ce qui se passe lorsqu’une personne marche en arrière en portant une tasse.
Han, en utilisant des calculs détaillés et des graphiques, a trouvé le moyen le plus sûr de tenir une tasse pleine de café. Soit en la tenant avec une courbure du poignet et une main en forme de griffe sur la bordure de la tasse, soit en marchant à reculons ou les deux à la fois pour un résultat optimum… mais pas forcément pratique.
A partir de l’étude (Jiwon Han/ Achievements in the Life Sciences)
En mesurant la fréquence des oscillations dans les tasses à café, Han a pu détecter une différence significative dans le déversement entre l’utilisation du poigné et le modèle en « griffes ».
Jiwon Han décrit ses recherches dans la vidéo ci-dessous :
L’étude publiée dans Achievements in the Life Sciences: « A Study on the Coffee Spilling Phenomena in the Low Impulse Regime.
PRIX DE NUTRITION (BRÉSIL, CANADA, ESPAGNE)
Fernanda Ito, Enrico Bernard et Rodrigo Torres, pour le premier rapport scientifique sur le sang humain dans le régime de la chauve-souris vampires à pattes velues.
Votre Guru a détaillé cette étude dans son article : Au Brésil, des chauves-souris vampires s’en prennent désormais aux humains… qui l’ont quand même bien cherché.
L’étude publiée dans Acta Chiropterologica: What is for Dinner? First Report of Human Blood in the Diet of the Hairy-Legged Vampire Bat Diphylla ecaudata.
PRIX DE MÉDECINE (FRANCE, Royaume-Uni)
Jean-Pierre Royet, David Meunier, Nicolas Torquet, Anne-Marie Mouly et Tao Jiang, pour avoir utiliser la technologie avancée de scan du cerveau (IRM) afin de mesurer dans quelle mesure certaines personnes sont dégoûtées par le fromage.
A partir de l’étude. (Jean-Pierre Royet et Col. / FHN)
Les neuroscientifiques Français ont été les premiers à identifier les circuits cérébraux qui sous-tendent le dégout du fromage. L’étude de l’imagerie cérébrale, dans laquelle on a demandé à des personnes de sentir du cheddar, du fromage de chèvre et du gruyère alors qu’ils se trouvaient dans un appareil IRM, a identifié une région appelée ganglions de la base comme épicentre neuronal du dégoût du fromage.
L’étude publiée dans Neuroscience : The Neural Bases of Disgust for Cheese: An fMRI Study.
PRIX COGNITION (ITALIE, ESPAGNE, Royaume-Uni)
Matteo Martini, Ilaria Bufalari, Maria Antonietta Stazi et Salvatore Maria Aglioti, pour avoir démontré que bon nombre de jumeaux identiques ne peuvent se distinguer visuellement.
Image tirée de l’étude. (Matteo Martini et Col./ PLoS ONE)
L’étude publiée dans PLoS ONE : Is That Me or My Twin? Lack of Self-Face Recognition Advantage in Identical Twins.
PRIX OBSTETRIQUES (ESPAGNE)
Marisa López-Teijón, Álex García-Faura, Alberto Prats-Galino et Luis Pallarés Aniorte, pour montrer qu’un fœtus humain en développement répond plus fortement à la musique jouée électromécaniquement dans le vagin de la mère, qu’à la musique jouée électromécaniquement sur le ventre de la mère.
Un produit a été développé en se basant sur cette recherche, le « Babypod ».
L’étude publiée dans le British Medical Ultrasound Society : Fetal Facial Expression in Response to Intravaginal Music Emission.
Vous pouvez voir l’intégralité de la cérémonie dans la vidéo ci-dessous :
Toujours excellent ces publications concernant les IG Nobels
Merci.