C’est une nouvelle Jupiter qui est révélée dans les données obtenues par la sonde Juno
Juste au moment où nous pensions que nous savions tout de Jupiter, la sonde spatiale Juno de la NASA révèle de nouveaux résultats qui remettent en question presque toutes les hypothèses que nous avons faites au sujet de Jupiter, la géante gazeuse.
Les responsables de la mission Juno, suite aux deux survols initiaux de la sonde en août 2016, décrivent dans deux études publiées cette semaine des cyclones géants, un champ magnétique super puissant et d’étranges aurores polaires qui se comportent totalement différemment des nôtres.
L’image d’entête, clic pour agrandir, obtenue par la JunoCam et améliorée par Bruce Lemons, montre une scène chaotique de tempêtes tourbillonnantes, dont certaines font la taille de Mars, contre un fond bleuâtre. (NASA / SwRI)
Les découvertes ont été faites lorsque la sonde spatiale a survolé la planète à 5 000 kilomètres au-dessus des sommets des nuages et qu’elle a dérivé sur les pôles de la planète.
Selon le chercheur Scott Bolton pour la mission Juno au Southwest Research Institute :
Ce que nous avons appris jusqu’ici est stupéfiant. Les découvertes concernant sa composition, sa magnétosphère et ses pôles sont aussi étonnantes que les photos que la mission génère.
(J.E.P. Connerney et col./ Science)
Après son rude périple de cinq ans à partir de la Terre, Juno est finalement arrivée dans l’orbite de Jupiter en juillet 2016 pour avoir un aperçu de ce qui se trouve dans les nuages tourbillonnants de la planète.
La sonde a capturé ses premières images de tempêtes ovales géantes autour des pôles nord et sud de Jupiter. Elle a également enregistré des sons étranges quand elle s’est engouffrée dans l’énorme magnétosphère de la planète, qui se contracte et s’étend selon les mouvements du vent solaire.
(NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/Betsy Asher Hall/Gervasio Robles)
Mais la sonde n’a pas parcouru 2,8 milliards de kilomètres dans l’espace pour prendre de jolies images et enregistrer des bruits étranges. La véritable mission de Juno était de créer une carte détaillée de la géante gazeuse, qui aidera les scientifiques à en apprendre davantage sur la façon dont les planètes de notre système solaire, y compris la Terre, se sont formées il y a environ 4,5 milliards d’années.
La sonde a également recueilli des données de sa structure interne, de l’atmosphère et du champ magnétique de Jupiter avec ses huit instruments.
La première étude, dirigée par Bolton, décrit de gigantesques tempêtes et des cyclones jusqu’alors invisibles regroupés autour des pôles de Jupiter. Les images ont révélé des caractéristiques ovales qui sont complètement différentes des régions polaires de Saturne.
Lorsque les chercheurs ont créé un accéléré des images obtenues, ils ont découvert que ces ovales tournants étaient de gigantesques cyclones. Certains font jusqu’à 1 400 kilomètres de large, 10 fois plus grands que les plus grands cyclones terrestres. Les orages culminent également à près de 100 kilomètres de haut dans l’atmosphère de Jupiter.
Mais la vraie surprise se situait sous les nuages, quand Juno a mesuré la structure thermique de l’atmosphère jovienne.
(NASA/SwRI)
Lorsque la sonde a irradié de micro-ondes la profonde atmosphère, les données ont montré d’étranges signes révélant la présence de panaches d’ammoniaque provenant de l’équateur, formant des systèmes météorologiques géants qui s’étendent largement sous les sommets des nuages.
Selon Bolton :
Cela ressemble à une version plus profonde et plus large des courants d’air qui s’élèvent de l’équateur terrestre et génèrent les alizés.
Les choses sont encore plus étranges dans la deuxième étude, lorsque Juno a examiné de plus près le champ magnétique de Jupiter, le plus grand corps du système solaire.
Alors que les chercheurs étaient bien conscients de la puissance et de l’énormité du champ magnétique de Jupiter, ils ont été surpris de constater qu’il était deux fois plus puissant que ce qu’il n’était prévu par les modèles. Mesurée à 7,766 Gauss, la région que la sonde a examinée était 10 fois plus puissante que le champ magnétique de la Terre, qui se situe à seulement 0,66 Gauss au pôle Sud. Le champ magnétique est également plus dynamique que prévu, avec une distribution inégale et fragmentée.
Selon Jack Connerney de la mission Juno et qui a dirigé la deuxième étude, le champ magnétique irrégulier de la planète indique qu’il pourrait provenir de processus proches de la surface de la planète, à la différence du champ magnétique de la Terre, qui provient du noyau de fer liquide chaud en dessous de la croûte.
Selon Connerney :
Le champ magnétique semble avoir une variation spatiale beaucoup plus riche à ce que nous nous attendions en fonction de ce que la sonde avait précédemment trouvé. La chose la plus excitante à propos de l’étude de Jupiter est que, par rapport à la Terre, nous avons une vue plus détaillée de la façon dont fonctionnent les champs magnétiques.
L’observation au plus près de la magnétosphère, l’espace autour d’une planète contrôlée par le champ magnétique, a révélé une autre surprise. Lorsque Juno l’a traversé en juin 2016, elle a rencontré l’arc de choc de la planète : une onde de choc qui se produit lorsque le champ magnétique commence à rediriger les vents solaires.
Mais la sonde n’a traversé qu’un arc de choc par rapport aux nombreux autres rencontrés sur d’autres orbites. Pour Connerney, c’est parce que la magnétosphère de Jupiter se développait au moment de l’approche de Juno.
L’arc de choc varie à distance de Jupiter, en expansion lorsque le vent solaire est faible ou lent, et se contractant lorsque le vent solaire est fort.
Plus étranges encore furent les aurores polaires bleues violettes de Jupiter, qui ont été détectées par Juno quand il planait sur les pôles. Sur la Terre, les aurores polaires du Nord et du Sud se produisent lorsque les particules énergétiques du vent solaire sont canalisées à travers la magnétosphère dans les régions polaires.
Connerney et ses collègues ont d’abord pensé que les aurores polaires de Jupiter étaient dues à un flux similaire d’électrons affluant dans l’atmosphère jovienne. Mais les instruments de Juno ont révélé une tout autre histoire. Les aurores joviennes sont alimentées par des électrons qui sont aspirés dans la région polaire de la planète, ce qui signifie que Jupiter alimente son spectacle de lumière tout seul.
Recueillie par le spectrographe à bord de la sonde Juno lors de sa troisième orbite autour de Jupiter, cette image (clic pour agrandir) en fausse couleur des immenses aurores polaires de la géante gazeuse comporte une image d’une aurore polaire de la Terre, approximativement à l’échelle. (NASA/SwRI)
Selon Connerney :
C’est un renversement de 180 degrés de ce que nous supposions à l’origine. Nous ne nous sommes jamais attendus à voir de telles émissions aurorales aussi fortes provoquées par l’élimination des électrons de la région polaire.
Et tout cela n’est que le début. Juno n’a réalisé que 5 de ses 33 survols dans sa mission à cartographier la géante du système solaire. Son prochain survol donnera un fabuleux point de vue sur l’emblématique Grande tache Rouge le 11 juillet.
Les deux études publiées dans Science :
… et présentées sur le site de la NASA : A Whole New Jupiter: First Science Results from NASA’s Juno Mission et sur le site du Southwest Research Institute : SwRI-led Juno mission to Jupiter delivers first science results.