D’immenses coulées de lave détectées sur la lune de Jupiter, Io
Si on décernait des récompenses pour le volcan actif le plus puissant et le plus persistant du système solaire, le premier prix irait au Loki Patera, sur la lune de Jupiter, Io.
Il y a deux ans, des chercheurs ont profité d’un rare événement astronomique pour créer une carte détaillée de ce roi des volcans, en trouvant une coulée de magma frais dégoulinant sur la surface de la lune.
L’équipe d’astronomes dirigée par l’université de Californie, à Berkeley, n’a publié que récemment ses mesures du phénomène géologique, en s’appuyant sur une séquence d’images de la carte thermique obtenue par l’intermédiaire du Grand télescope binoculaire en Arizona en mars 2015. Ainsi, les mesures n’ont pas été prises par une sonde ou un satellite, mais par un télescope sur une montagne à plusieurs centaines de millions de kilomètres !
Il s’est aidé de la lune glacée Europe qui passait devant Io et qui, grâce à son revêtement d’eau gelée ne reflétant pas les longueurs d’onde infrarouges, a pu fournir une sorte d’ombre permettant de faire ressortir le modèle des températures de la surface d’Io.
A partir de l’étude, séquence d’images obtenue par le Grand télescope binoculaire avant pendant et après l’occultation d’Io par Europe.
Selon le chercheur, Michael Skrutskie de l’université de Virginie :
Il y avait tellement de lumière infrarouge disponible que nous pouvions sectionner les observations en intervalles d’un huitième seconde pendant lesquels le bord d’Europe n’a avancé que de quelques kilomètres à travers la surface d’Io.
Bien que ces types d’éclipses aient déjà été utilisés pour étudier Io, la technologie avancée d’optique utilisée a permis aux scientifiques de cartographier les points chauds avec une résolution d’environ 10 kilomètres.
Plusieurs décennies d’études ont décrit un volcan actif entouré d’une dépression, ou “patera”, d’environ 200 kilomètres de diamètre, rempli de roche refroidit qui refait surface tous les 400 à 600 jours avec des vagues de lave qui coulent autour du bassin à une vitesse d’environ 1 à 2 km par jour. Mais une question demeurait : d’où vient cette lave fraîche ?
La première théorie était que la lave fut le résultat d’éruptions régulières émanant du Loki Patera. La deuxième fait appel à ce qui est appelé un “renversement” (overturning). Alors que la roche fondue se refroidit à la surface, elle augmente en densité, jusqu’à ce que la croûte froide s’effondre dans la roche encore en fusion. Chaque effondrement peut rendre la prochaine section instable, créant une coulée rampante de magma sur le terrain refroidissant. Il s’avère que c’est précisément ce qui se passe autour du plus grand volcan du système solaire.
Selon la responsable de la recherche, Katherine Kleer, de l’université de Californie à Berkeley :
Si Loki Patera est une mer de lave, elle englobe plus d’un million de fois celle d’un typique lac de lave. Dans ce scénario, des parties de crête fraîche tombent, exposant le magma incandescent en dessous et provoquant un éclat dans l’infrarouge.
Les différences de température ont révélé à quel moment le magma avait été exposé récemment, permettant de retracer l’histoire d’une coulée de magma à partir du coin nord-ouest du bassin environnant, se déplaçant progressivement dans le sens des aiguilles d’une montre et une autre plus récente commençant à l’est.
Selon Kleer :
Ces résultats nous donnent un aperçu du système de tuyauterie complexe sous Loki Patera.
La vidéo ci-dessous tirée de l’étude nous donne une idée de la patera et du volcan, avec des vagues de magma prenant entre 180 et 230 jours pour couler autour de son périmètre :
Alors que davantage d’observations fourniront plus de détails sur la « tuyauterie » du Loki Patera, l’équipe devra patienter jusqu’en 2021 qu’Europe soit de nouveau alignée avec Io.
La lave s’est répandue et s’est refroidie autour du volcan avant que la sonde Viking ne la photographie en 1979, donc il est peu probable qu’elle disparaisse de si tôt.
La lune est constamment “massée” par les forces de marée de Jupiter, engendrant la formation de centaines de volcans sur toute sa surface qui canalisent la roche fondue et le soufre, tout en envoyant occasionnellement des panaches de poussière et de gaz sulfureux dans sa mince atmosphère.
Ce montage d’images présente Jupiter avec sa lune volcanique Io au premier plan. Les images ont été prises en 2007 lors du survol de la sonde New Horizons. (NASA/ Université Johns Hopkins/ Southwest Research Institute/ Goddard Space Flight Center)
L’étude publiée dans Nature : Multi-phase volcanic resurfacing at Loki Patera on Io.
Bonjour,
Un très bon article. J’ai relevé une petite erreur à l’avant-dernier paragraphe : il ne s’agit pas de la sonde Viking (sonde martienne) mais des sondes Voyager.
Cordialement.