Une théorie complexe fait se rejoindre trous noirs, ondes gravitationnelles et axions pour tenter de définir la matière noire
Des scientifiques ont proposé une nouvelle théorie qui combine certains des plus mystérieux phénomènes de l’Univers : les trous noirs, les ondes gravitationnelles et les axions pour résoudre l’un des plus confondants problèmes de la physique moderne.
La théorie, qui imagine un univers rempli « d’atomes gravitationnels » géants, capables de produire de vastes nuages de matière noire, prédit qu’il pourrait être possible de détecter des types entièrement nouveaux de particules à l’aide d’un détecteur d’ondes gravitationnel géant appelé LIGO.
Pour le physicien des particules Benjamin Safdi du MIT, qui n’était pas impliqué dans la recherche et interviewé par Science :
C’est probablement le papier le plus prometteur que j’ai vu jusqu’à présent sur la nouvelle physique que nous pourrions sonder avec des ondes gravitationnelles.
Avant de nous plonger tête première dans la physique légèrement complexe de cette nouvelle théorie, passons en revu ses principaux protagonistes.
Les trous noirs, ces immenses annihilateurs de matière, si remarquablement étranges que lorsque les équations d’Albert Einstein ont prédit leur existence, il ne croyait pas qu’ils puissent être réelles. Ils maintiennent des champs gravitationnels si puissants, que lorsque deux d’entre eux entrent en collision, ils produisent des ondes gravitationnelles.
Confirmées pour la première fois l’année dernière, mais prédites par Einstein il y a plus d’un siècle, les ondes gravitationnelles sont des ondulations dans le tissu de l’espace-temps qui émanent des événements les plus violents et les plus explosifs dans l’Univers.
Exemple d’objet engendrant des ondes gravitationnelles : représentation d’une étoile à neutrons, extrêmement dense, émettant des faisceaux d’ondes radio comme un pulsar, étroitement associé à une naine blanche compacte. Le fond de la grille illustre les déformations de l’espace-temps provoquées par l’effet gravitationnel des deux objets. (John Antoniadis, Institut Max Planck de Radioastronomie )
En ce qui concerne les axions, c’est un peu plus délicat, car contrairement aux trous noirs et aux ondes gravitationnelles, nous ne sommes même pas sûrs qu’ils existent et nous les cherchons depuis les quatre dernières décennies. Les axions sont l’un des nombreux candidats qui ont été proposés pour la matière noire, une mystérieuse et invisible substance dont la gravité semble maintenir nos galaxies et qui devrait représenter 85 % de toute la matière dans l’Univers.
On prévoit que les axions pèsent environ 1 quintillion (milliards de milliards) de fois moins qu’un électron et si nous pouvons prouver leur existence, ces particules super-légères pourraient résoudre certains problèmes théoriques majeurs avec le modèle standard de la physique.
Maintenant que les présentations sont faites, passons à cette nouvelle théorie.
Une équipe de physiciens dirigée par Asimina Arvanitaki et Masha Baryakhtar du Perimeter Institute for Theoretical Physics au Canada ont proposé que si les axions existent et qu’ils ont la bonne masse, ils pourraient être produits sous la forme de vastes nuages de particules par un trou noir tourbillonnant. Ce processus serait suffisant pour produire des ondes gravitationnelles comme celles qui ont été détectées l’an dernier et, si c’est le cas, nous pouvons utiliser des détecteurs d’ondes gravitationnelles pour enfin observer la signature de la matière noire et combler les lacunes du modèle standard.
Pour la représentation, un trou noir est comme le noyau au centre d’un hypothétique atome gravitationnel géant. Les axions sont bloqués en orbite autour de ce noyau, se déplaçant comme les électrons dans les atomes.
Selon M. Mandelbaum :
Les électrons interagissent par électromagnétisme, alors ils laissent échapper des ondes électromagnétiques ou des ondes lumineuses. Les axions interagissent par gravité et libèrent des ondes gravitationnelles.
Si un axion se déplace trop près de l’horizon des événements du trou noir (la limite à partir de laquelle même la lumière ne peut s’en échapper), le mouvement du trou noir le “surchargera” et grâce à un processus appelé superradiance qui a été démontré dans de nombreuses expériences comme multipliant les photons (particules de lumière), les axions se multiplieront dans un trou noir.
Ces axions en multiplication interagiraient avec le trou noir de la même manière que l’axion d’origine près de l’horizon des événements, ce qui donnerait 1080 axions et, précise Mandelbaum :
Le même nombre d’atomes dans l’Univers entier, autour d’un seul trou noir.
Ces axions multiplicateurs n’apparaîtraient pas n’importe où, ils se regrouperaient en énormes ondes quantiques comme les nuages d’électrons que vous voyez dans un atome.
Un trou noir en rotation (blanc) devrait produire d’énormes nuages de particules appelées axions (bleu), ce qui produirait alors des ondes gravitationnelles détectables. (Masha Baryakhtar)
Dans ce nuage, les axions qui se heurteront produiront des gravitons, une autre hypothétique particule estimée être le médiateur de la force de gravitation.
Les gravitons sont aux ondes gravitationnelles ce que les photons sont à la lumière, et Baryakhtar et son équipe proposent qu’ils produisent des ondes continuelles dans l’Univers à une fréquence fixée par la masse de l’axion.
Les chercheurs prédisent qu’avec une sensibilité améliorée, le LIGO devrait être en mesure de repérer des milliers de signaux d’axions en une seule année, leur donnant finalement un moyen d’observer la signature de la matière noire, qui échappe aux scientifiques depuis des décennies.
Bien sûr, de grandes théories comme celles-ci viennent toujours avec quelques réserves pour être valable. Ainsi, les axions doivent avoir une masse très spécifique et que celle-ci ne correspondent pas nécessairement avec les prédictions actuelles sur la matière noire. Mais les physiciens sont toujours captivés par l’idée et comme le LIGO devrait augmenter considérablement sa sensibilité dans les deux prochaines années, il se pourrait que l’on obtienne assez rapidement une réponse.
L’étude publiée dans la revue Physical Review D : Black hole mergers and the QCD axion at Advanced LIGO.
Bon sang, vous êtes soutenus par le lobby du paracétamol ou quoi? J’ai un de ces mal de crâne!
Petite coquille, je crois. 1080 axions près de l’horizon des événements, ce ne serait pas 10^80 axions plutôt ? ça collerait mieux avec le nombre d’atomes de l’Univers (observable). 😀