Les humains s’entretuent-ils par nature ?
Une nouvelle recherche, qui adopte une approche novatrice pour suivre l’évolution de la violence létale/ mortelle, a constaté que l’Homo sapiens a évolué à partir d’une branche particulièrement brutale des mammifères. Une tendance à nous castagner se trouve dans notre ADN… cependant, les chercheurs ont également constaté que notre propension à nous entretuer s’est atténuée.
Image d’entête : Premier deuil (Abel sur les genoux d’Adam) de William-Adolphe Bouguereau, 1888.
De nombreux scientifiques et philosophes ont tenté de comprendre pourquoi les humains sont enclins à tuer d’autres êtres humains. Le problème réside dans le fait que le sujet même de la violence implique une foire d’empoigne d’influences potentielles qui sont scientifiquement difficiles à distinguer /séparer clairement.
Pour contourner ce problème, le chercheur José María Gómez et ses collègues de l’université de Grenade (Espagne) ont adopté une nouvelle approche en se tournant vers la phylogénie, qui retrace la façon dont une espèce se développe et rayonne dans différentes espèces. Ils ont ainsi trouvé que l’Homo sapiens fait partie d’une lignée particulièrement violente qui remonte à des millions d’années.
Sur l’ensemble des mammifères, le taux de violence meurtrière contre un membre de la même espèce est d’environ 0,30 %, soit 1 chance sur 300 d’être tué par un de vos semblables. Pour l’ancêtre des grands singes (nous compris), il est de 1,8 %. Et pour l’homme au point d’origine de notre espèce, le taux grimpe jusqu’à 2 %, ou 1 chance sur 50 d’être assassiné.
Notre espèce est, en d’autres termes, au niveau le plus haut d’une augmentation constante de violence meurtrière, qui est en cours depuis environ 100 millions d’années.
Pour le déterminer, l’équipe a consulté notre histoire évolutive. La plupart du temps, plus deux espèces sont proches dans l’arbre de l’évolution, plus elles présentent des niveaux similaires d’assassinat interespèces. Sur cette base, Gómez a prédit quel niveau devrait atteindre la violence chez les humains, puis il analysa les causes de décès dans 600 populations humaines entre 50 000 AV JC à aujourd’hui, pour déterminer quel niveau elle atteint réellement.
Ils ont trouvé que les humains étaient environ 6 fois plus meurtriers que la moyenne des mammifères. Ainsi, comme le Guru l’a déjà indiqué, lorsque notre espèce prenait pied, environ 2 % des personnes (ou une sur 50) auraient été assassinés par d’autres humains. Mais ce taux de violence létale a évolué, atteignant les 3,9 % au cours du paléolithique, il y a plus de 10 000 ans.
Puis, au cours de la période médiévale, entre 400 et 1400 ans, ce taux a atteint 12 % environ, avant de chuter au cours des derniers siècles. Ainsi, nous sommes maintenant beaucoup moins violentes que nous l’étions dans notre passé préhistorique, très probablement par le fait que nous soyons plus organisées et que nous ayons mis en place des systèmes juridiques et des lois plus strictes. Sans oublier que la plupart des cultures actuelles rejettent la violence, amenant le taux de meurtres à moins de 1 sur 10 000.
Tous les mammifères ne sont pas violents. L’étude a montré que près de 40 % des 1 024 espèces de mammifères étudiés se tuaient entre elles et les primates étaient particulièrement sanguinaires.
Image tirée de l’étude (clic pour agrandir) : arbre phylogénétique présentant la violence mortelle interespèce chez les mammifères non humains. Plus la couleur est claire, moins l’espèce s’entretue. Et plus la couleur est proche du rouge, plus le sang sera versé. Les humains (triangle rouge, en haut à gauche) émergent d’une lignée particulièrement meurtrière (noter la concentration de jaunes, oranges et rouges chez les primates). (Gomez, et Col./ Nature)
Étonnamment, les humains ne sont pas dans le top cinq, en dépit la dangerosité que nous semblons présenter aux infos du soir et il en va de même pour d’autres espèces de mammifères que nous associons à la violence, comme les lions et les loups.
Non, le numéro un des espèces de mammifères les plus meurtriers est en fait … le suricate (“meerkat” dans le tableau ci-dessous). Eh oui, les adorables suricates sont les mammifères les plus susceptibles de s’entretuer, avec près d’un sur cinq (des jeunes pour la plupart) assassinés par un autre suricate, selon la nouvelle étude.
Pour revenir aux primates, selon Gómez :
Bien que seulement 0,3 % des décès de mammifères soient causés par des membres de la même espèce, ce taux est passé à 2,3 % dans l’ancêtre commun des primates, et a légèrement baissé à 1,8 % chez l’ancêtre des grands singes. Voilà l’héritage mortel dont l’humanité a hérité.
Et Gómez de conclure :
Le message principal de l’étude, de notre point de vue, est que peu importe la façon dont nous sommes violents ou pacifiques à l’origine, nous pouvons moduler le niveau de la violence interpersonnelle en changeant notre environnement social. Nous pouvons construire une société plus pacifique si nous le voulons.
Il y a encore de l’espoir… Ainsi, alors que l’étude présente de solides estimations quant à notre nature, plus violente que la moyenne des mammifères, les chercheurs ont également montré que les systèmes sociaux et les normes culturelles peuvent contenir cette violence innée.
L’étude publiée dans Nature : The phylogenetic roots of human lethal violence.
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