Des scientifiques ont “produit” des souriceaux sans utiliser de cellules reproductrices féminines
Pour la première fois, des scientifiques ont produit des souris vivantes sans féconder un ovocyte. La nouvelle étude remet en cause près de deux siècles de sagesse conventionnelle, montrant qu’il est possible de produire une descendance de mammifère en bonne santé sans avoir à féconder un ovule.
En 1827, le biologiste Karl Ernst von Baer est devenu le premier scientifique à observer sciemment des ovules de mammifères, chez le chien, concluant que tous les animaux se développent à partir d’un ovule. Jusqu’à présent, personne n’a été en mesure de montrer que toute cellule autre qu’un ovocyte peut se combiner avec le sperme pour produire une descendance.
Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Auparavant, les chercheurs ont « dupé » des ovocytes pour qu’ils se développent en embryon sans fécondation, mais les embryons ainsi obtenus (appelés embryons parthénogénétiques) sont morts après quelques jours.
On retrouve souvent la parthénogenèse (“naissance vierge”) dans la nature : chez les plantes, certains insectes, chez certaines espèces de vertébrés, comme les geckos par exemple. Dans ce dernier cas, les embryons parthénogénétiques peuvent se développer pleinement pour produire des jeunes en bonne santé, mais il n’y a pas d’exemples de mammifères parthénogénétiques connus de la science.
Selon le responsable de cette recherche, Antony Perry de l’université de Bath (Angleterre), cela a beaucoup à voir avec la nécessité d’avoir deux ensembles distincts de génomes, l’une de la mère et l’autre du père, ce qui, pour les mammifères, est essentiel pour l’équilibre de l’expression génique.
Fondamentalement, le sperme des mammifères ne peut se transformer en une cellule spermatique mature, capable de se diviser et de produire des cellules pour former un organisme complexe, sans un ovocyte… enfin, c’est ce qui était estimé. Voilà pourquoi cette nouvelle étude est si importante. Les chercheurs ont montré qu’une cellule non-ovocyte peut relancer ce processus et complètement « reprogrammer » une cellule de sperme, entrainant une naissance vivante.
Perry et ses collègues ont exposé des ovocytes de souris à un bain chimique contenant un sel appelé du chlorure de strontium (SrCl2). Comme de précédentes recherches l’ont montré, ce composé empêche les embryons parthénogénétiques d’entrer dans un “état d’arrêt”. (De brèves expositions au chlorure de strontium induisent une activation parthénogénétique d’ovocytes utilisés, notamment,dans la recherche biologique du développement.)
Selon Perry
Essentiellement, pour que l’œuf soit “trompé” afin qu’il initie le développement parthénogénétique, il faut supprimer l’activité qui maintient son arrêt dans le cycle cellulaire méiotique et c’est ce que le SrCl2 fait.
Par cycle cellulaire méiotique, Tony Perry se réfère à la phase de la reproduction lorsqu’une cellule “mère” commence à se diviser en cellules “filles”, donnant des cellules de reproduction, à savoir le sperme et les ovocytes.
Ensuite, les chercheurs ont injecté des noyaux de spermatozoïdes dans ces embryons de souris modifiées chimiquement, déclenchant le processus de reprogrammation. Les embryons ainsi obtenus ont ensuite été implantés dans des mères porteuses.
Images tirées de l’étude : partie haute, diagramme présentant les différentes phases jusqu’à l’injection de sperme dans un embryon à une cellule. Partie basse, l’ADN du sperme (en bleu) injecté dans un embryon de souris à une cellule. (Toru Suzuki et col., 2016/ Nature Communications)
Les souriceaux étaient normaux et en bonne santé et leur espérance de vie était similaire à celle du groupe de contrôle (issue d’une reproduction “naturelle”). Plus âgées, les souris se sont même reproduites, donnant une descendance parfaitement saine.
(Toru Suzuki et col., 2016/ Nature Communications)
Les chercheurs ne sont pas entièrement sûrs de savoir comment le génome du sperme a été reprogrammé, mais les résultats préliminaires suggèrent un processus différent de ce qui se produit lors d’une fécondation classique. D’autres recherches seront donc nécessaires pour répondre à ces questions.
Pour l’instant, on ne sait pas si ce procédé pourra être reproduit chez l’humain, mais c’est très probable. De toute évidence, de nombreux obstacles techniques et éthiques devront être surmontés si cela devait être utilisé pour permettre à des couples homosexuels d’obtenir une descendance portant le patrimoine génétique de chacun (avec l’aide de mères de substitution), ou carrément d’avoir des hommes et des femmes qui “s’autofécondent”. D’ici là, cette technique, si rapportée à l’homme, pourrait être utilisée pour traiter l’infertilité et d’autres problèmes de reproduction. Elle pourrait même s’appliquer aux efforts de conservation d’espèces en voie de disparition.
Les chercheurs de l’université de Bath, quant à eux, espèrent découvrir si leurs embryons modifiés peuvent reprogrammer d’autres types de cellules et pas seulement le sperme et à l’inverse, si d’autres types de cellules peuvent reprogrammer les spermatozoïdes.
L’étude publiée dans Nature Communications : Mice produced by mitotic reprogramming of sperm injected into haploid parthenogenotes.
Je ne comprends pas que cette avancée scientifique majeure soit passer si inaperçue, on remet quand même un principe important de la biologie en cause…
Bonjour,
Tout d’abord, je tiens à féciliter le Guru pour ces articles tout plus intéressant les uns que les autres. C’est mon premier message et je tenais à le dire.
J’en viens donc à me question. Après avoir lu cet article, j’ai l’impression d’avoir de gros problèmes de compréhension.
En effet, il est dit que ces chercheurs sont arrivés à reproduire des souris sans utiliser d’ovocyte essentiel à la reproductin des mamifères.
Mais ensuite, ils expliquent avoir utilisé des ovocytes de souris pour ensuite les féconder avec des noyaux de spermatozoides. Je ne comprends pas donc la différence ?
Il y a toujours utilisation d’ovocytes ? Ou est-ce que ces embryons parthénogénétiques peuvent proviennir de mâles comme de femelles ?
Merci pour la réponse !
Peut-être que cette description du Monde peut éclaircir certains points, sans vouloir offenser le Guru : http://www.lemonde.fr/medecine/article/2016/09/13/des-chercheurs-sont-parvenus-a-reproduire-des-souris-sans-recourir-a-des-ovocytes_4997176_1650718.html?xtmc=ovocyte&xtcr=1
Oui il y a une erreur effectivement. D’apres la source de Bright side:
« les scientifiques ont utilisé des embryons de souris à un stade très précoce, avant la première division cellulaire [qui ont subit] un traitement chimique afin d’activer la division cellulaire pour qu’ils ne possèdent plus qu’un seul jeu de chromosomes et donc qu’une moitié de matériel génétique. »
Ils ont donc utilisés une cellules oeuf rendue artificiellement haploide, et pas des ovocytes.