Une galaxie aussi grande que la nôtre et composée à 99,99% de matière noire
Une galaxie inhabituelle, composée presque entièrement de la mystérieuse et tant convoitée « matière noire« , a laissé perplexes astronomes et physiciens. Connue sous le nom de Dragonfly 44, elle est située à environ 300 millions d’années-lumière de notre propre Voie lactée et fait la même taille que notre galaxie, sauf qu’elle n’est composée que de 0,01 % de matière ordinaire. Le reste, soit 99,99 %, est de la matière noire.
Dragonfly 44 a, à peu près, autant de matière noire que notre galaxie, mais elle a beaucoup moins d’étoiles. En conséquence, la matière noire domine presque totalement. C’est une sorte de double/ jumelle sombre de la Voie lactée pour le chercheur principal Pieter van Dokkum, de l’université de Yale qui l’a étudié.
D’abord proposée dans les années 1930, la matière noire est une forme mystérieuse de matière censée représenter plus d’un quart de la masse et de l’énergie dans l’univers (une plus grande proportion, soit plus de deux tiers, est de l’énergie sombre et seulement 5 % de l’univers est constitué de matière visible ordinaire). La matière noire n’a pas d’interaction avec la matière ordinaire, elle ne peut être vue avec nos optiques ou nos radiotélescopes, mais sa présence peut être déduite par l’attraction gravitationnelle qu’elle exerce.
Le fait que la matière noire domine sur la matière ordinaire n’est pas une surprise en soi : dans la plupart des galaxies, il y a environ 50 fois plus de matière noire que de matière ordinaire. Mais dans Dragonfly 44, ce ratio est encore plus extrême, en raison de l’absence d’étoiles.
Les seules autres galaxies, connues pour être aussi fortement dominées par la matière noire, sont les petites galaxies naines en orbite autour de la Voie lactée. Mais Dragonfly 44 ne ressemble pas à ces galaxies, comme préciser plus haut, elle est aussi grande et massive que notre Voie lactée. Le mystère demeure quant à la façon dont elle s’est retrouvée avec si peu d’étoiles et autant de matière noires.
En raison de la rareté des étoiles, Dragonfly 44 est extrêmement pâle. Elle fait partie d’une nouvelle classe de galaxies sombres (Ultra diffuse galaxy) découvertes récemment à l’aide du réseau de télescopes Dragonfly, un système d’imagerie innovant qui utilise des téléobjectifs commerciaux ultras »rapides » (du genre qu’utilisent les photographes de sport) pour trouver des objets sombres dans le ciel nocturne. Le Dragonfly, par Van Dokkum et l’astronome Roberto Abraham de l’université de Toronto, a été conçu pour détecter des objets avec une « faible luminosité de surface”.
Plus tard, les chercheurs ont braqué le télescope de l’observatoire W. M. Keck à Hawaii sur Dragonfly 44 pour peaufiner leurs observations et comme la galaxie est si obscure, elle a nécessité la collecte de données durant 6 nuits. Ils ont pu mesurer les vitesses de quelques-unes de ses étoiles, à partir desquelles la masse totale de la galaxie a pu être calculée. De la luminosité et de la masse, ils ont déterminé la masse “manquante”. Ensuite ils ont estimé la masse que devait avoir la matière noire, de manière à maintenir la galaxie. Des observations réalisées avec l’observatoire Gemini, également à Hawaï, ont révélé un halo d’amas d’étoiles entourant le noyau de Dragonfly 44, similaire au halo galactique connu pour entourer notre propre Voie lactée.
Image d’entête : à gauche, une vue large de la galaxie Dragonfly 44 et à droite, un gros plan de la même image, révélant sa grande forme allongée et le halo d’amas d’étoiles autour de son noyau. (Pieter van Dokkum/ Roberto Abraham/ Observatoire Gemini/ AURA)
Mais le plus grand mystère de tous reste l’identité de la matière noire elle-même. Selon les meilleures estimations de la science, elle serait constituée d’une sorte de particule primordiale, peut-être créée à l’époque du Big Bang, mais de nombreuse tentative de les détecter directement n’ont rien donné. Et Dragonfly 44 étant si loin, elle ne pourra pas beaucoup aider. Mais en principe, d’autres galaxies beaucoup plus proche et dominée par la matière sombre pourraient encore être détectées. Elles seraient très utiles pour, à la fois étudier les propriétés de la matière noire et améliorer nos connaissances sur la formation des galaxies.
Les résultats ont été publiés cette semaine dans la revue Astrophysical Journal Letters : A high stellar velocity dispersion and 100 globular clusters for the ultra diffuse.