La nageoire est-elle l’ancêtre de la main ?
Il y a des millions d’années, nous avons tous été des poissons… tout du moins, les ancêtres de l’homme. Ils s’avancèrent petit à petit sur de nouveaux rivages pour commencer à peupler la terre ferme.
Il leur aurait fallu une certaine dextérité que leurs nageoires n’auraient pas permis et les scientifiques ont longtemps été intrigués par le saut évolutif qui nous a permis de maitriser la terre ferme. Des fossiles comme le Tiktaalik, l’un des membres des « vertébrés à membres charnus » les plus convaincants de cette transition, indiquent la voie empruntée par l’évolution qui a conduit aux animaux terrestres. Le passage de délicates nageoires aux robustes membres n’a pas eu lieu en une seule fois, mais il est clair que nos appendices sont des cousins éloignés des nageoires des poissons.
En utilisant des techniques de cartographie de l’ADN, des chercheurs de l’université de Chicago ont observé des nageoires et des doigts émerger du même groupe de cellules embryonnaires, faisant la lumière sur la façon dont nos premiers ancêtres ont touché terre.
Ils ont concentré leur étude sur les gènes Hox, qui sont connus pour influencer le plan de formation d’un embryon. Un sous-ensemble de ces gènes contrôle le développement des membres et des nageoires et les chercheurs ont sélectivement désactivé des gènes uniques chez le poisson-zèbre pour voir comment ils se développaient.
Ils ont combiné leur technique avec un processus appelé cartographie du destin (fate mapping), qui suit le développement d’un groupe de cellules de l’embryon à l’âge adulte. Ils ont marqué des cellules embryonnaires avec une protéine fluorescente qui a permis le suivi du mouvement des cellules alors qu’elles grandissaient et se mettaient en position dans les nageoires en développement. La double approche a permis d’identifier le groupe de cellules responsables de la formation des mains et des doigts ou des nageoires des poissons, et elle a indiqué que le même groupe de cellules jouait un rôle clé dans le processus de développement.
Les mêmes cellules qui, chez les mammifères, forment les mains et les doigts sont regroupées à la fin des nageoires dans de fines structures appelées rayons de nageoire. Ce fut une surprise pour les chercheurs, car personne n’avait fait le lien entre les rayons de nageoire et les doigts des mammifères.
Les marqueurs des poignets et des doigts dans le membre d’une souris (à gauche) sont présents chez les poissons et délimitent les rayons de nageoire (à droite). Le poignet et les doigts de tétrapodes sont les équivalents cellulaires et génétiques des rayons de nageoire du poisson. (Shubin Laboratory)
Les nageoires et les doigts sont, au final, composés de “matériaux” différents, mais à un stade très précoce, alors que l’embryon indique aux cellules où elles doivent aller, les nageoires et les doigts partagent le même point de départ. C’est seulement plus tard, lorsque les gènes du développement sont activés, que les cellules commencent à se différencier.
Les gènes Hox étudiés ici se retrouvent de manière analogue chez la souris et de précédentes études ont montré que lorsque ces mêmes gènes sont désactivés chez la souris, cela empêche le développement des poignets et des doigts. Le lien clair entre les souris et les poissons, des espèces séparées par près de 400 millions d’années, montre que nos membres et leurs nageoires commencent par le même petit amas de cellules.
Quand les scientifiques ont désactivé plusieurs de ces gènes, le poisson-zèbre a développé des rayons de nageoires très court, tout en présentant également un plus grand nombre de cellules endochondrale, qui se chargent de rendre les membres matures, notamment par l’ossification. Le fait que les poissons aient seulement perdu les extrémités de leurs nageoires représente la preuve que les rayons de nageoires sont l’équivalent des mains et des doigts chez les mammifères modernes.
L’étude publiée dans Nature : Digits and fin rays share common developmental histories.