Votre nez contient un antibiotique qui vient à bout d’une superbactérie
Le nez humain est un champ de bataille pour les bactéries et certaines pourraient se révéler être nos alliées. Nous savions que son mucus (morve pour les intimes) disposait de son propre système immunitaire et très récemment des chercheurs ont découvert un nouvel antibiotique, produit par des bactéries du nez, qui tue les superbactéries résistantes aux antibiotiques, comme le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM).
L’étude montre que le microbiome humain, les micro-organismes vivant sur et en nous, pourrait être une source importante de nouveaux antibiotiques dont nous avons désespérément besoin alors que les bactéries infectieuses deviennent de plus en plus résistantes à nos antibiotiques actuels. Ces superbactéries pourraient ainsi tuer jusqu’à 10 millions de personnes par an d’ici à 2050.
Selon Andreas Peschel, responsable de l’étude et microbiologiste à l’université de Tübingen, en Allemagne :
Il fut tout à fait inattendu de trouver une bactérie associée à l’humain produisant de véritables antibiotiques. C’est non seulement une nouvelle molécule, c’est également un nouveau mode d’action qui donne de l’espoir.
Peschel et ses collègues ont récuré 37 nez pour constater que certains contenaient la bactérie Staphylococcus lugdunensis, qui stop la croissance d’un grand nombre de bactéries infectieuses, y compris le Staphylococcus aureus, l’agent pathogène responsable d’infections au SARM. Pour ce faire, la bactérie Staphylococcus lugdunensis produit un antibiotique, la lugdunine, son arme évolutive contre d’autres bactéries concurrentes vivant dans le nez humain.
Les chercheurs montrent que le S. lugdunesis ou la lugdunine inhibe la croissance de S. aureus dans des cultures cellulaires sur la peau de souris et dans les nez de rats. Ils montrent aussi que les personnes qui ont naturellement le S. lugdunesis dans leurs nez sont moins susceptibles d’avoir S. aureus. En outre, le S. aureus n’a pas développer de résistance à la lugdunine, comme il l’a fait avec d’autres antibiotiques, lorsqu’ils sont exposés à des quantités sous le seuil létal au fil du temps.
Selon Peschel :
S. lugdunesis et S. aureus sont naturellement exposés l’un à l’autre parce qu’ils se rencontrent dans le nez. Le nez est un écosystème de 50 espèces bactériennes différentes avec une forte différence individuelle d’une personne à l’autre.
Environ 30 % des humains hébergent clandestinement la bactérie S. aureus dans leur nez, mais les bactéries peuvent se propager comme les infections, en particulier dans les hôpitaux, chez les personnes ayant des plaies ouvertes et des déficiences immunitaires. Les souches résistantes aux antibiotiques, SARM, font apparaitre des furoncles défigurant sur la peau, provoquent pneumonies et 11 000 américains en meurt par an. C’est une superbactérie qui est maintenant résistante à la méthicilline, l’amoxicilline, la pénicilline et l’oxacilline… tous les “cillines”.
Mais le S. aureus a un ennemi naturel, S. lugdunesis et nous pouvons l’utiliser à notre avantage.
Le nez est relativement pauvre en ressources pour les bactéries, par rapport à d’autres niches écologiques du corps humain, comme l’intestin ou l’estomac. Les bactéries qui tentent de coloniser le nez sont en forte concurrence entre elles pour la place et les ressources. Le S. lugdunesis a probablement évolué la capacité à produire la lugdunine parce qu’il tue d’autres bactéries qui loge dans le nez.
Selon Peschel.
Dans le nez il y a simplement quelques fluides salés et peu de bactéries peuvent y survivre.
Les bactéries résistantes aux antibiotiques sont en augmentation et il y a peu de nouveaux antibiotiques en développement et il faudra des années de recherche et de développement avant que des médicaments soient approuvés pour la consommation humaine.
La plupart des antibiotiques ont été trouvés dans des bactéries vivant dans le sol, mais il peut être difficile ou impossible de les amener à “travailler” dans les conditions que présente un corps humain. C’est pour cette raison que les chercheurs sont très intéressés par cette étude, car elle fournit “une voie claire dans un territoire complètement nouveau dans la recherche de nouveaux antibiotiques”.
Les chercheurs ont découvert la lugdunine selon une méthode qui peut être appliquée au-delà du nez, à travers le microbiome humain pour y rechercher dans des « armes similaires pour éliminer les agents pathogènes”. Des travaux expérimentaux ont montré que la lugdunine tue les bactéries infectieuses dans un certain nombre de conditions.
Pour la lugdunine, les chercheurs ont déposé une demande de brevet afin de commencer à négocier avec les compagnies pharmaceutiques pour développer un médicament, ce qui devrait prendre de nombreuses années et beaucoup d’argent.
L’étude publiée dans Nature : Human commensals producing a novel antibiotic impair pathogen colonization.
Si un antibiotique à la lugdunine est commercialisé et donc utilisé pour traiter les infections à S. aureus, il y a bien sur un risque pour que la bactérie développe une résistance à cet ATB … Dans ce cas, les souches de S. aureus présentes dans nos nez, qui ne sont pas directement pathogène pour le porteur, ne risque-t-elle pas de créer des infections, peut-être graves, si elles résistent à nos moyens de contrôle naturels (c’est à dire à la régulation de la population d’un souche grâce à la production d’ATB par les autres bactéries présentes) ?
En d’autre termes, les porteurs sain de S.aureus dans le nez risquent de se prendre un retour de bâton à long terme si on se met à utiliser cet antibiotique ?