Sur le destin d’un corps mort reposant au fond de la mer
En tant qu’adepte du Guru (!!??!!), taphonomiste (qui étudie le devenir des organismes après leur mort) ou tueur à gages de cochons ou d’humains, vous vous êtes certainement déjà demandé ce qui se passe quand vous mettez un cochon mort sous 300 mètres d’eau ?
Une équipe de chercheurs canadiens ont récemment submergé deux carcasses de porcs dans le détroit de Géorgie, entre l’île de Vancouver et de la Colombie-Britannique, pour voir comment ils se décomposaient en eau profonde. Les carcasses de porc sont à peu près aussi semblables que celles d’humains morts et que vous pouvez légalement obtenir pour réaliser ce genre d’expérience.
Le dispositif avant la plongée (Gail S. Anderson/ Lynne S. Bell/ université Simon Fraser/ PlosOne)
Les résultats de cette expérience, dont les résultats ont été récemment publiés, montrent que les corps des animaux, et sans doute le nôtre, se décomposent beaucoup plus rapidement que prévu en eau profonde.
Même si elle titille notre morbidité latente, cette étude est avant tout destinée à savoir quel état prendra un corps immergé, une prévision importante pour les plongeurs sauveteurs/ enquêteurs/ criminologues en fonction du nombre de jours de disparition. Ils pourraient ainsi être à la recherche d’un corps intact, ou d’un tas d’os.
L’expérience a été effectuée deux fois, une fois au cours du printemps dans l’hémisphère Nord et à nouveau en automne, et les corps des porcs ont été surveillés en permanence par des caméras et d’autres instruments pendant environ 150 jours. Les porcs ont été utilisés en raison de leur ressemblance avec les humains à la fois par leur taille, leur type de peau et leurs bactéries internes.
De précédentes études sur les baleines et d’autres grands animaux marins ont montré que certaines grandes carcasses pourraient passer par quatre grandes étapes de décomposition et prendre des décennies à être complètement rongées. Mais pour les porcs ou les humains, il n’en faudra pas autant.
Selon Gail Anderson, criminologue à l’université Simon Fraser (Colombie-Britannique, Canada) :
Des études antérieures à Saanich Inlet (100 mètres) et Howe Sound (7-15 mètres) indiquent qu’une carcasse … serait susceptible de survivre pendant des semaines ou des mois, en fonction des niveaux d’oxygène, de la saison, de la profondeur, et si elle est restée en contact avec les fonds marins.
Cependant, nous avons constaté que, dans des eaux plus profondes hautement oxygénées, on peut prévoir qu’un tel organisme serait rendu à l’état de squelette en moins de quatre jours, et les os pourraient être récupérés pendant six mois ou plus.
Le temps de décomposition dépend aussi de la période de l’année. Lorsque l’équipe a terminé l’expérience au printemps, la carcasse a été réduite à l’état d’os en seulement quatre jours, mais à l’automne, il n’en a fallu que trois.
Alors, pourquoi les porcs ou les humains qui se retrouvent au fond de l’eau se décomposent-ils beaucoup plus vite que les mammifères marins ? Et bien c’est parce que nous sommes le repas préféré des amphipodes de la famille des Lyssianasidae, qui sont de petites créatures ressemblant à des crevettes qui ont été repérées partout sur et dans les carcasses.
Non seulement ils sont impitoyables, ils terminent une carcasse de taille humaine en trois jours, mais au lieu de manger le porc de façon habituelle, la peau en premier, ils ont d’abord mangé les organes et les tissus internes, le grignotant de l’intérieur.
Après les lyssianasidae, d’autres crevettes plus grandes (Pandalus platyceros) terminent le travail. Le cartilage restant a été dévoré par ces prédateurs légèrement plus grands au 10e jour. Après cela, il ne restait plus des pauvres cochons, que les os.
(Gail S. Anderson/ Lynne S. Bell/ université Simon Fraser/ PlosOne)
Dans la vidéo ci-dessous, tirée de l’étude, 6 heures après le début de l’expérience, un autre visiteur marin, un requin hexanchus, a décidé de participer au macabre festin.
(Gail S. Anderson/ Lynne S. Bell/ université Simon Fraser/ PlosOne)
L’étude publiée dans PlosOne : Impact of Marine Submergence and Season on Faunal Colonization and Decomposition of Pig Carcasses in the Salish Sea.