Sur ce qui a modifié l’emplacement des pôles de la Lune, il y a 3 milliards d’années
Une nouvelle étude suggère que les pôles de la lune ont évolué au fil des éons, probablement en raison de l’activité géologique sous la croute lunaire.
Cette conclusion, qui est basée sur une analyse de la répartition de glace d’eau à proximité du pôle Nord et Sud lunaire, met en lumière la structure et l’évolution de la lune et fournit également des indices sur la provenance de l’eau sur Terre.
Les observations réalisées par une variété de sondes spatiales, au cours des dernières décennies, suggèrent que la lune recèle beaucoup de glace d’eau dans des cratères en permanence à l’ombre près des pôles, qui sont parmi les endroits les plus froids dans le système solaire.
Matt Siegler, de l’Institut des sciences planétaires à Tucson (Arizona) et ses collègues ont étudié les mesures effectuées par deux sondes : le Lunar Prospector (LP), un vaisseau spatial de la NASA placée en orbite autour de la la lune de janvier 1998 à juillet 1999, et la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) qui est toujours en opération.
Les données des orbiteurs ont révélé, comme prévu, des dépôts de glace aux deux pôles. Mais il y avait également une surprise : une grande plaque de glace près de chaque pôle, dans une zone décalée de 5,5 degrés par rapport aux véritables pôles. De plus, ces dépôts « déplacés » sont positionnés de telle sorte qu’une ligne droite tracée à travers le centre de la lune pourrait les relier.
Siegler et son équipe ont une explication à cette constatation. Dans leur étude, ils indiquent que l’axe de rotation de la lune s’est modifié de 5,5 ° au fil du temps et les plaques de glace (décalés) indiquent les « paléopôles”.
Les travaux de modélisation suggèrent que ces paléopôles étaient les vrais pôles, il y a environ 3 milliards d’années. Les chercheurs estiment que les pôles lunaires se sont ensuite décalés d’environ 200 kilomètres au cours d’un milliard d’années, soit de 2,5 centimètres tous les 126 ans.
L’image d’entête présente les anciens (paléo) et nouveaux pôles de la Lune, selon les estimations de cette étude. (James Keane, université d’Arizona)
Selon les chercheurs :
Ce serait comme si l’axe de la Terre s’était déplacé de l’Antarctique en Australie.
Pour les chercheurs, l’instigateur le plus probable de ce “vagabondage polaire” fut un changement dans la répartition interne de la masse lunaire.
Selon Ian Garrick-Bethell, de l’université de Californie :
Les planètes peuvent modifier leur orientation si la distribution de leur masse interne change. Des poches de matériau dense ont tendance à être près de l’équateur pour minimiser l’énergie de rotation de la planète.
Si un énorme poids de plomb apparait soudainement à New York, la latitude de la ville finirait par passer dans une position légèrement vers le sud, en raison de la réorientation de la planète.
Siegler et son équipe pensent avoir déterminé où ce changement de masse sur la lune a eu lieu. Ils pointent du doigt la région appelée le Procellarum KREEP Terrane (PKT) sur le côté sombre de la lune. Une activité volcanique à eu lieu il y a environ 3,5 milliards années dans la région PKT et a commencé à chauffer le manteau, et comme les roches chaudes sont moins denses que les froides, cela aurait engendré le déplacement polaire.
La formation de la région PKT qui a modifié l’axe de la Lune de la ligne verte à la bleue (James Keane, université d’Arizona)
Les scientifiques estiment que la glace polaire, qui représentait par son emplacement les anciens pôles, serait donc très ancienne. Ainsi, les nouveaux résultats pourraient aider les scientifiques à obtenir de nouveaux indices (par son analyse) sur l’origine de l’eau sur Terre.
Mais si l’interprétation avancée par Siegler et ses collègues est correcte, elle soulève une nouvelle question :
Comme le volcanisme de la lune s’est arrêté il y a 3 milliards d’années, la zone PKT a probablement été plus froide et plus dense depuis lors et pas plus chaude. La direction du cheminement polaire au cours de cette période aurait donc dû emprunter le sens opposé à celui qui a produit le décalage des paléopôle de glace.
Ainsi, les chercheurs précisent qu’ils n’ont, pas encore, tous les éléments entre leurs mains pour expliquer ce “vagabondage polaire » ou les mécanismes qui l’animent, mais ils y travaillent.
L’étude publiée dans Nature : Lunar true polar wander inferred from polar hydrogen.