Des fourmis qui sautent avec leurs mandibules le font désormais aussi avec leurs pattes
Les fourmis du genre Odontomachus, encore appelées en anglais “trap-jaw ant” (fourmi mâchoire-piège), sont connues pour utiliser leurs puissantes mandibules pour s’éjecter dans les airs afin d‘échapper à leur prédateurs. Mais certaines de ces fourmis ont un autre truc dans leur arsenal d’évasion. Les scientifiques ont récemment découvert une espèce d’Odontomachus qui saute avec ses pattes, un comportement qui est extrêmement rare chez les fourmis et jusqu’alors inconnu dans cette famille.
Magdalena Sorger de l’université de Caroline du Nord (Etats-Unis) et auteur de l’étude décrivant ce comportement inhabituel, recueillait des fourmis Odontomachus rixosus pour étudier leurs sauts à mâchoires, qui propulsent généralement les fourmis en arrière, à Bornéo, quand avec ses collègues elle a remarqué quelque chose de « très étrange » : elles sautaient avec leurs pattes vers l’avant.
Pour “sauter” avec leurs mâchoires, ces fourmis étendent leurs grandes mandibules et les rabattent brutalement. Agissant comme une catapulte à ressort, le claquement de fermeture éjecte la fourmi loin danger.
Cette fourmi utilise ses grandes mandibules pour s’éjecter de situations délicates :
D’autres espèces de fourmis emploient également de nouvelles solutions pour se déplacer. Des fourmis tropicales aptères (sans ailes) se lancent de leurs arbres lorsqu’elles sont menacées, en utilisant leurs pattes de derrière comme gouvernails pour les aider à planer. Certaines espèces de fourmis sont des nageuses, alors que d’autres affrontent les obstacles aquatiques en reliant leurs pattes pour former des radeaux et des ponts vivants.
Mais le saut avec les pattes chez les fourmis est exceptionnellement rare : des 326 genres de fourmis, seulement trois sont connus pour sauter ainsi.
Sorger a d’abord soupçonné que les fourmis sautaient pour facilité leur périple à travers leur habitat feuillu, mais après une nouvelle analyse, elle s’est vite rendu compte que les fourmis sautaient en réponse à des perturbations.
L’écologiste a constaté que le fait de toucher les pattes des fourmis induisait le saut. Certaines utilisaient leurs mandibules pour s’éjecter, mais la plupart du temps, elles sautaient avec leurs pattes ce qui, pour Sorger, a des avantages évidents. Bien qu’aussi rapide et puissant, le saut par mâchoires est difficile à contrôler. Le mouvement propulse généralement les fourmis en arrière, en les retournant à l’envers et en exigeant un temps de récupération, ce qui pourrait être critique quand il s’agit d’échapper à un prédateur affamé.
Image tirée de l’étude : (a) saut vers l’avant avec les pattes; (b) saut vers l’arrière avec culbutes à l’aide des mandibules.
Les quelques autres fourmis qui sautent avec leurs pattes, l’utilisent pour chasser des proies, ce qui nécessite une très bonne vision, ce dont ne dispose pas l’Odontomachus rixosus. Sorger suggère que les mandibules de l’Odontomachus représentent un avantage pour la chasse, de sorte qu’elle n’a pas besoin des capacités visuelles de ses cousines aux petites mâchoires.
Sorger prévoit qu’une étude plus approfondie confirmera si les sauts vers l’avant de ces fourmis sont utilisés uniquement pour échapper à un danger ou pour aussi tendre des embuscades à leur proie.
L’étude publiée dans Frontiers in Ecology and the Environment. : Snap! Trap-jaw ants in Borneo also jump using their legs.