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Astyanax mexicanus

*Réponse rapide : parce qu’ils n’en ont pas besoin…

Il y a très longtemps, un groupe de poissons s’est retrouvé coincé dans une grotte de calcaire, quelque part dans le nord du Mexique. Sans aucun moyen d’en sortir et avec justes quelques fientes de chauves-souris à manger, les poissons ont commencé à s’adapter à leur nouveau mode de vie troglodytique. Ne pouvant voir les autres membres de leur groupe dans l’obscurité, ils ont perdu leur pigmentation colorée. Ensuite, ils ont perdu leur vision, leurs yeux se sont progressivement réduits, puis disparurent.

Tout cela a été accompagné par une réduction spectaculaire de la taille du système visuel du cerveau. Pourtant, la question de savoir pourquoi les poissons cavernicoles aveugles ont perdu leurs yeux et une grande partie de leur cerveau est restée en suspens. Dernièrement, des biologistes en Suède pensent avoir trouvé la réponse. Dans une nouvelle étude publiée la semaine dernière, ils signalent que la perte du système visuel des poissons permet d’économiser une quantité importante d’énergie et cela a probablement été la clé de la survie de leurs ancêtres échoués.

Le poisson Astyanax mexicanus (image d’entête) s’est adapté à son environnement souterrain par d’autres moyens. Comme sa vision a régressé, il est devenu plus tributaire de l’odorat et du goût, et ses papilles se sont agrandies et sont plus nombreuses. Ils ont également développé une capacité accrue pour détecter les changements de pression mécanique, ce qui les rend plus sensibles aux mouvements de l’eau.

L’année dernière, Damian Moran, de l’université de Lund et ses collègues ont rapporté que les poissons aveugles ont éliminé le rythme circadien dans leur métabolisme durant leur évolution et que cela a conduit à une importante réduction de 27% de leurs dépenses d’énergie. Cette nouvelle étude a été réalisée afin de savoir s’ils ont perdu leur système visuel pour la même raison.

Le cerveau humain illustre parfaitement à quel point le tissu cérébral est énergétiquement coûteux. Il consomme un quart de l’énergie du corps, bien qu’il constitue seulement 2% de la masse corporelle et près d’un tiers du cortex cérébral est consacré au traitement de l’information visuelle.

Il est difficile de trouver des preuves convaincantes pour cette «hypothèse du cerveau gourmand”, surtout parce qu’il est généralement impossible de comparer le taux de consommation d’énergie dans un organisme vivant avec celui de son ancêtre évolutif. Mais les poissons cavernicoles aveugles sont idéaux pour tester cette idée, parce que leurs ancêtres habitent encore les rivières en surface au nord du Mexique et au Texas.

Moran et ses collègues ont ainsi recueilli des spécimens de poissons aveugles de la grotte, leurs homologues vivant à la surface, en plus d’une forme hybride avec quelques restes de pigmentation et des yeux. Ils les ont emmenés dans leur laboratoire en Suède, où ils ont utilisé un appareil de respirométrie, construit spécialement pour mesurer et comparer la taille et les taux métaboliques des poissons et de tous leurs organes internes.

Leurs résultats montrent que bien que le cœur, le système digestif et les gonades étaient à peu près de même taille et de même poids et qu’ils utilisaient à peu près les mêmes quantités d’énergie, les branchies des poissons des cavernes étaient beaucoup plus grandes que ceux des deux autres, leur permettant de respirer dans l’environnement privé d’oxygène de la grotte.

Le cerveau des poissons vivant à la surface étaient également d’environ 30% plus grands que ceux des poissons aveugles, tandis que ceux des hybrides étaient de taille intermédiaire. Pour les poissons habitant à la surface, la taille du cerveau augmente par rapport à la masse du corps, ainsi les plus grands individus ont un plus gros cerveau. Dans les cavernes, cependant, aucune relation n’existe, tous les poissons aveugles avaient des cerveaux significativement plus petits, en raison de la réduction de la taille d’une région du mésencéphale appelé le tectum optique, qui reçoit normalement les entrées visuelles des yeux.

Ces réductions de taille ont diminué de façon significative les couts énergétiques. Les chercheurs ont calculé que ceux du cerveau étaient d’environ 15% du taux métabolique au repos pour un poisson vivant à la surface et pesant 1g, diminuant à 5% chez les poissons de 8,5 g, comparativement à 4% et 3% pour les hybrides de taille et de masse respective. Et les yeux consomment environ 8% du métabolisme au repos pour les poissons de surface pesant 8,5 g, diminuant à 5% chez les plus gros spécimens.

Dans l’ensemble, le cerveau représente environ 23% du taux métabolique au repos chez les poissons de surface, comparativement à seulement 10% chez le poisson aveugle des cavernes. Ainsi, la taille réduite des parties visuelles du cerveau diminue la consommation totale d’énergie d’environ 30% par rapport aux poissons vivants à la surface.

C’est une preuve significative que les organismes cavernicoles ont perdu leurs systèmes visuels afin d’économiser de l’énergie afin d’assurer leur survie. Les résultats fournissent également des indications sur la façon dont différents types de pression évolutive peuvent influencer l’évolution du cerveau.

L’étude publiée dans Science Advances : The energetic cost of vision and the evolution of eyeless Mexican cavefish.

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