Les araignées mâles ne possèdent pas de pénis, leur sexualité est “digitale”. Après avoir éjaculé, le mâle positionne son sperme dans une chambre à l’extrémité d’un de ses pédipalpes, des membres courts situés sur sa tête. Une fois qu’il a convaincu une femelle de l’accepter, il va pousser cet appendice à l’intérieur de son orifice génital et, espérons-le, procréer.
L’embolus, ou encore ici appelé “organe palpal” (image d’entête… et surtout pas papal !) est une chambre qui stocke le sperme et qui se trouve à l’extrémité des pédipalpes, des pièces buccales semblables à deux petites pattes.
Chez certaines espèces d’araignées, l’embolus est incroyablement complexe, avec des joints et des cavités qui se verrouillent avec les parties génitales de la femelle. Mais les biologistes n’y avaient jamais trouvé de neurones, ou des indices indiquant qu’elles (les mâles) disposaient de structures sensorielles sur ces organes. Ils ont supposé que toutes les araignées avaient une sexualité dépourvue de sensation.
Une nouvelle étude montre qu’au moins une espèce d’araignée peut sentir ce qu’elle fait. Lorsque Elisabeth Lipke et ses collègues de l’université de Greifswald (Allemagne) ont jeté un coup d’œil précis sur l’organe palpal, relativement simple et en forme de tube (image d’entête et ci-dessous), d’araignées mâles des grottes de Tasmanie, Hickmania troglodytes, ils y ont trouvé un groupe de neurones à l’intérieur.
Hickmania troglodytes (M.J. Ramirez)
Certains neurones étaient rattachés à l’exosquelette de l’organe, à l’endroit même où les forces sur la pointe de l’organe feraient étirer la cuticule.
Image d’entête : un zoom sur l’embolus. Ci-dessous, vue avec le tarse du pédipalpe, à partir de l’étude : reconstruction 3D de l’embolus (l’organe copulateur mâle rattaché au tarse du pédipalpe), de l’araignée Hickmania troglodytes. En blanc, la cuticule; en gris conduit glandulaire; en vert, spermatophore; en jaune, neurones et nerfs; en orange, glande embolus. (Elisabeth Lipke, Jorg Hammel et Peter Michalik)
Cela suggère que ces mâles peuvent sentir ce qui se passe alors qu’ils “sondent” la femelle pendant les rapports sexuels. Qui plus est, les scientifiques ont également trouvé une paire, encore inconnue, de glandes à l’intérieur de l’organe palpal : ils proposent que les mâles pourraient les utiliser pour modifier leurs spermes, selon ce qu’ils ressentent une fois à l’intérieur de la femelle.
L’étude publiée dans Biology Letters : First evidence of neurons in the male copulatory organ of a spider (Arachnida, Araneae).
