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Hypodermic self-insemination

Le platyhelminthe (ou ver plat), Macrostomum hystrix, n’est pas spécialement passionnant à regarder. Son régime alimentaire de microalgues est banal et vous n’y prêteriez même pas attention si vous le croisiez dans son habitat naturel. Mais, dans l’intimité, quand ils ne peuvent pas trouver de partenaire, ils se transpercent la tête avec leur pénis en forme d’aiguillon et s’injectent du sperme pour s’autoféconder.

En principe, c’est ce que les scientifiques appellent “l’insémination hypodermique” : une pratique qui consiste à déposer (de force) du sperme en dehors d’un tractus génital de la femelle et c’est aussi brutal que cela parait. Ce type d’insémination (également appelé copulation traumatique) cause des dommages importants à la femelle et réduit ses aptitudes, même si un certain nombre d’espèces se reproduisent de cette manière, y compris les vers plats. Votre Guru à d’ailleurs déjà décrit cette prise de tête chez des limaces de mer où le sperme injecté dans la tête contient des protéines qui pourraient “influencer” la reproduction.

Comme la plupart des espèces de vers plats sont hermaphrodites (possédant deux parties sexuelles mâles et femelles), la décision de qui insémine l’autre est réglée d’une manière assez particulière : un combat d’escrime au pénis. Deux individus utilisent leurs parties copulatoires masculines (appelés stylets) dans un combat jusqu’à ce que l’un des protagonistes arrive à plonger son organe dans le corps de l’autre. Le “mâle”, ainsi désigné dans cet échange, injecte son sperme puis se désengage, laissant désormais la lourde tâche à la nouvelle femelle d’élever la progéniture.

Lorsqu’il n’y a pas un partenaire dans les parages et bien, selon une nouvelle étude, ils se l’injectent à eux même.

Les scientifiques de l’université de Bâle en Suisse et de l’université de Bielefeld en Allemagne ont récemment démontré que le M. hystrix était capable d’autofécondation, ce qui n’est pas rare chez les espèces qui possèdent simultanément des organes reproducteurs mâles et femelles. Mais ils ne savaient pas comment les vers plats déplaçaient leur sperme, qui est soigneusement stocké dans le sexe masculin situé au bout de la queue de leur corps, à un endroit où le sperme pourrait migrer vers leurs parties femelles situées plus près de la tête. Heureusement, la nature transparente de ces vers plats a permis aux scientifiques d’observer le sperme se déplacer à l’intérieur de leur corps. Ainsi, pour leur expérience, ils ont isolé des vers plats matures et ils en ont regroupé d’autres par équipe de 3 et observé ce qui se passait au fil du temps.

Image d’entête, à partir de l’étude : un ver plat, Macrostomum hystrix. Dans le carré qui entoure sa queue, ses parties masculines injectant le sperme (stylet vésicule séminale), ses gonades au milieu u corps avec ses parties féminines. Ci-dessous, zoom sur les parties masculines injectant le sperme et situé dans la queue (Ramm et col 2015)

Hypodermic self-insemination

Les vers plats en trio, sans surprise, contenaient du sperme injecté dans leurs corps, le plus souvent dans la queue et le milieu du corps, après treize jours d’orgie. Les vers isolés avaient également des spermatozoïdes dans leur corps, mais bizarrement, le sperme a été trouvé ailleurs : dans la tête des animaux.

Selon les chercheurs :

Un tel schéma suggère fortement que la fécondation croisée dans les trios de vers se produit normalement par insémination hypodermique dans la région de la queue du ver, alors que l’autofécondation, chez les vers isolés, est probablement engendrée par le mécanisme extraordinaire d’auto-insémination hypodermique.

L’équipe n’a pas directement observé cette auto-injection, mais le curieux placement du sperme a fortement suggéré que l’autoagression au stylet était survenue. Si le sperme était en mesure de contourner les organes pour se diriger vers les œufs, alors il devrait se concentrer dans la queue où le sperme est stocké. Si le sperme venait de la queue (!), pourquoi contourneraient-ils les œufs pour se diriger vers la tête pour refaire le trajet en sens inverse ? Ils devaient être placés directement à partir de la queue dans la tête (donc auto-insémination hypodermique).

Pourquoi la tête et pas le milieu du corps ? Et bien tout simplement parce que c’est le seul endroit qu’ils peuvent atteindre, ou par anthropomorphisme, il est difficile de se poignarder avec ces pieds, ou encore, comme le disent les auteurs :

Vraisemblablement en raison de contraintes anatomiques qui limitent les sites possibles de l’injection de sperme dans cette région.

L’équipe a également montré que plus il y a de sperme dans la tête d’un ver plat isolé, plus de descendants il produit, ce qui suggère que non seulement ils s’auto-inséminent, mais que leurs spermatozoïdes sont capables de trouver leur chemin vers les œufs, même s’ils commencent par le mauvais bout.

L’équipe a également démontré la flexibilité des vers plats en prenant des individus qui s’étaient reproduits normalement (entre deux partenaires) et de les isoler. Ils ont ensuite attendu six jours pour voir si ces vers plats s’auto-insémineraient également et ils l’ont fait.

Et les auteurs de conclure :

Ceci est à notre connaissance le premier cas décrit d’individus solitaires s’injectant apparemment du sperme dans leur propre tête ou de la région du haut du corps.

L’étude publiée dans Proceedings of the Royal Society B : Hypodermic self-insemination as a reproductive assurance strategy.

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