L’économiste anglais, Max Roser, de l’université d’Oxford a minutieusement construit plusieurs graphiques (clic pour agrandir), notamment celui en entête qui présente le taux de mortalité global de la guerre au cours des 600 dernières années et il dresse un tableau étonnamment optimiste.
Chaque cercle représente un conflit (de 1400 à 2000, ne comprenant pas les 15 dernières années). Leur taille correspond au nombre absolu de décès (militaires et civils), tandis que leur position le long de l’axe vertical représente le taux de mortalité. L’échelle en bas indique quand le conflit est apparu. Les lignes rouges représentent les décès de militaires et civils, tandis que la ligne bleue (qui apparait seulement après la Seconde Guerre mondiale) représente uniquement les décès militaires.
Ressortant de manière saisissante, il y a la guerre de Trente Ans, la guerre de Succession d’Espagne, la Révolution française, les guerres napoléoniennes, la révolte des Taiping, les deux guerres mondiales et l’Holocauste. Mais après 1946 les choses s’apaisent de façon spectaculaire.
Le pourquoi de la chose reste une question ouverte. L’arrangement géopolitique bipolaire pendant la guerre froide a certainement servi de force stabilisatrice. Nous devenons une civilisation moins combattive avec, par exemple, de meilleures institutions, plus de démocraties, moins d’illettrisme et donc plus d’éducation.
Baisse de l’illettrisme (Max Roser)
“Comme la théorie de la paix démocratique le prédisait, nous observons un déclin des morts due à la guerre.” (Max Roser)
Il est également possible que le ralentissement ne soit que temporaire. Cette légère hausse des décès militaires en 2000 est représentatif d’une tendance plus large à la hausse depuis ce moment-là, comme en témoigne la guerre civile en Syrie et les activités de l’ISIS (État islamique en Irak et au Levant) dans ce pays et en Irak.
Ce tableau est évidemment ouvert à de nombreuses interprétations.
Vous pouvez consulter toute les cartes sur ce thème sur le site Our World in Data : The Visual History of the Rise of Political Freedom and the Decrease in Violence.
Je me demande d’où Max Roser tire son optimisme. Ce que l’on voit dans les chiffres, c’est une augmentation permanente du nombre de morts dans les guerres, avec des explosions de mortalité pendant des guerres particulièrement violentes (guerre de 30 ans, Première et Seconde Guerres Mondiales).
Nombre de morts à la guerre d’après la source citée par Max Roser (http://www.cgeh.nl/sites/default/files/Conflict%20Catalog%2018%20vars.xls) :
1400-50 411 610
1450-00 297 022
1500-50 1 522 754
1550-00 1 126 729
1600-50 11 323 569 (x10, guerre de 30 ans)
1650-00 1 827 306
1700-50 2 944 122
1750-00 6 278 737
1800-50 9 197 914
1850-00 8 146 522
1900-50 85 429 918 (x10, Première et Seconde Guerres Mondiales)
1950-00 20 922 897 (sans compter les 5 millions de morts de la Deuxième Guerre du Congo, à cheval sur deux siècles)
Même en rapportant ces chiffres à la population mondiale, le bilan reste très erratique, et aucune tendance claire ne se dégage :
Le nombre de morts des guerres de 1500-1550 représente 0,35 % de la population mondiale de 1500.
Le nombre de morts des guerres de 1600-1650 représente 2 % de la population mondiale de 1600.
Le nombre de morts des guerres de 1700-1750 représente 0,5 % de la population mondiale de 1700.
Le nombre de morts des guerres de 1800-1850 représente 0,9 % de la population mondiale de 1820.
Le nombre de morts des guerres de 1850-1900 représente 0,7 % de la population mondiale de 1870.
Le nombre de morts des guerres de 1900-1950 représente 5 % de la population mondiale de 1900.
Le nombre de morts des guerres de 1950-2000 représente 0,85 % de la population mondiale de 1950.
(Source pour la population : horizontal-file_02-2010.xls, Maddison)
Ce qui peut donner l’impression d’une diminution du taux de mortalité par conflit ces dernières décennies, c’est… La Révolution Verte, qui a engendré une explosion démographique. On peut donc dire qu’il y a 6 fois plus de morts dans les guerres du 20ème siècle que dans celles du 19ème siècle, mais que la croissance démographique a largement compensé ces pertes, diminuant mécaniquement le taux de mortalité par conflit.
Tout cela n’a bien sûr strictement rien à voir avec la démocratie ou la culture.
(Sous réserve de vérification)
Il suffit de regarder le dernier graphique pour voir une accalmie niveau débilité humaine.
regivanx Tes chiffres sont totalement faux, rien que la révole de taiping (1851-1864) a causé entre 20 et 30M ( https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_des_Taiping) soit entre 1,8 et 2,3 % de la population mondiale de 1850 (https://en.wikipedia.org/wiki/World_population_estimates) soit 3 fois plus que le chiffre présenté par ta source.
La population mondiale est passée de 2,5 à 6 milliards de 1950 à 2000.
Or le pourcentage de la population mondiale est basé sur le début de la période et non la fin ce qui fausse la statistique en cas de très forte démographie.
J’aurai pensé que la force de disuasion nucléaire y est aussi pour beaucoup…
Hmmm…. attendont la 3ème guerre mondial ou le prochain conflit intercontinental et je parie que les graphique remonterons en flèche ! max semble avoir oublié plusieurs génocide ==>
Regivanx récapitule bien la situation
Guru est-il possible de traiter quelques sujet de politique actuelle majeur sur le forum ?
Je partage tout à fait l’analyse de Regivanx.
Personnellement il me semble percevoir dans cet « optimisme » (recherché?) une volonté de vanter les mérites du système dominant actuel… (Cela m’a mis mal à l’aise de découvrir ce genre d’étude « orientée » ici).
Par contre j’ai été très surpris de constater que les conflits les plus meurtriers sont pour la plupart d’origine occidentale (et pas seulement pour les derniers siècles).
Cela me rappelle la thèse de J.Diamond qui pose que la géographie particulière de l’Europe (un espace à la fois contigu et fragmenté) est à l’origine d’un climat politique perpétuellement instable.
La prépondérance de l’Europe est sûrement due au manque de données précises concernant les autres continents.
Et au choix de la période prise en compte: Au VIIIe siècle, la guerre civile en Chine a fait plus de 30 millions de victimes. Au XIVe siècle, les conquêtes de Timur Lang avaient fait au moins 15 millions de victimes. Par ailleurs, l’importance de la révolte des Taiping est sous-estimée car elle a fait au moins 20 millions de morts du fait de la guerre et au moins le double du fait des exactions, des épidémies et des famines qui ont suivies le conflit par conséquences.
La chose n’est pas nouvelle et est toujours d’actualité; Selon rapport Global Burden of Armed Violence de 2011, les morts violentes découlant d’un conflit armé comptent pour 10% de l’ensemble des morts violentes. Ainsi, le rapport comptabilise 526 000 morts violentes entre 2004 et 2009. Parmi elles, 55 000 sont le résultat direct d’un conflit armé.
Je rebondis sur la conclusion : « Le pourquoi de la chose reste une question ouverte. L’arrangement géopolitique bipolaire pendant la guerre froide a certainement servi de force stabilisatrice. Nous devenons une civilisation moins combattive avec, par exemple, de meilleures institutions, plus de démocraties, moins d’illettrisme et donc plus d’éducation. »
Je partage tout à fait le constat (mortalité faiblissante des conflits). Par contre j’en attribue la cause à des facteurs beaucoup moins « humanistes », que « humains ». J’en vois plusieurs :
Le premier : la guerre perd son intérêt pour les combattants. Pendant longtemps (disons jusqu’au XIXème) on allait faire la guerre pour y rester ou revenir riche. Dans un monde ou la pauvreté était le lot commun, c’était une sorte de loterie. Le pillage était normal, on s’appropriait les terres des vaincus qui étaient réduits en esclavage (pour être vendu ou rançonné), etc.
Aujourd’hui (depuis l’ère industrielle) la richesse ne vient plus de la terre et l’esclavage est devenu rare. La richesse est liée à l’aménagement des territoires (industrie, services, stabilité politique, tourisme etc) qui sont en général réduits à néant après une guerre. Le vainqueur ne récupère donc qu’un pays dévasté peuplé de gens mécontents qui menacent de se révolter contre le nouveau pouvoir en place. Le combattants n’ont donc plus aucune raison « rationnelle » (fortune) de faire la guerre. Il ne reste plus que les raisons irrationnelles (religion, idéologie, patriotisme, etc) ce qui est peu. Enfin les plus pauvres ayant tendance à disparaître au profit d’une « classe moyenne mondiale », la tentation de risquer sa vie pour trouver de quoi s’acheter une ferme est moins intéressante.
Deuxième argument : la létalité des armes modernes et leur taux de « coup au but » plus élevé chez les pays riches (et ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas). Jusqu’à l’invention de la bombe atomique et des missiles balistiques on pouvait espérer envoyer ses soldats faire la guerre et limiter les pertes aux premiers rangs. Aujourd’hui il ne viendrait pas à l’idée d’un grand pays d’envoyer ses troupes contre un autre grand pays puisque le premier missile ne serait pas dirigé contre les combattants mais contre les dirigeants (qui n’aurait d’autre solution que de vivre planqué, « à la Ben laden ». Ça démotive les dirigeants…
Bref, comme je le disais en introduction, je ne partage pas la conclusion « humaniste » de Guru (Civilisation moins combatives, meilleures institutions plus démocratiques, etc). La cause me parait plus humaine (les dirigeants ont la trouille, et le troufion n’a plus rien à gagner à égorger son voisin) et heureusement, car ainsi elle ne sera que plus pérenne.
J’ai toujours pensé que j’avais eu beaucoup de chance de naître à l’ère atomique car ça avait apporté la paix (relative, mais la paix néanmoins) à mon époque, mais je manquais d’arguments chiffrés jusqu’à ce que je tombe sur cette étude de « Guru ». Merci à lui.
Le pattern semble net tout de même : un ou des gros conflits suivis d’une chute, puis d’une reprise. Le cycle semble même avoir grosse modo la même durée. Étant donné qu’on a atteint le bas de la courbe et que nous sommes en pleine remontée, est ce que la guerre en Ukraine sera notre pic générationnel ? Je pense néanmoins que nous pourrions cette fois ne remonter tout en haut de la courbe.