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Les guêpes parasitoïdes, notamment celles qui s’attaquent aux coccinelles, sont parmi les parasites les plus fascinants de la planète. En tant qu’adultes, elles sont de petites guêpes vivant en liberté et vaquant à leurs occupations d’hyménoptères. Mais quand vient le temps de pondre leurs œufs, elles ne construisent pas de nid; à la place, elles pondent leurs œufs à l’intérieur d’une autre créature. Les larves éclosent dans leur hôte, et commencent à le manger vivant de l’intérieur avant d’émerger du corps.

Sans surprise, la plupart des espèces d’accueil ne seraient pas particulièrement d’accord avec une telle utilisation invasive de leurs organes, sauf que les guêpes prennent en quelque sorte le contrôle des cerveaux de leurs hôtes. Alors que certaines espèces tranquillisent l’hôte durant leur séjour à l’intérieur tout en le conduisant à sa perte, d’autres transforment leurs hôtes en gardes du corps, qui défende la nymphose/ pupaison de la guêpe qui “grignotera son chemin” afin d’émerger du corps de l’insecte. Une telle relation de garde du corps se trouve entre la guêpe Dinocampus coccinellae et ses hôtes, les coccinelles, comme la Coleomegilla maculata que votre Guru avait d’ailleurs décrit dans son article : “La coccinelle transformée en garde du corps zombi, par une guêpe.”mais on ne connaissait pas encore le processus qui permettait à la guêpe de prendre le contrôle de la coccinelle.

La guêpe utilise son dard / ovipositeur (structure de ponte) pour pondre ses œufs à l’intérieur de la coccinelle. Les larves se développent à l’intérieur de l’insecte et après environ 20 jours, une seule larve émerge, prête à la pupaison et à sa transition en une guêpe adulte. Elle forme son cocon entre les pattes de la coccinelle et commence sa transformation.

Image ci-dessous, la larve émerge de la coccinelle et image d’entête après avoir formé son cocon entre les pattes de la coccinelle.

Voici où les choses deviennent bizarres : plutôt que d’attaquer le parasite qui vient de s’extraire de son corps ou de laisser la guêpe en pupification se débrouiller par elle-même, la coccinelle reste avec le cocon, le protégeant jusqu’à ce que la guêpe émerge de celui-ci. Ensuite, la coccinelle retourne à son état normal et peut même continuer à vivre une vie régulière de dendroctone. Jusqu’à présent, les scientifiques ne savaient pas comment la larve parvient à maitriser son hôte si longtemps après avoir quitté son corps.

Cycle de vie du parasitoïde exploitant son hôte (dessin de Franz Vanoosthuyse à partir de l’étude) parasite-coccinelle1

Mais de nouveaux résultats suggèrent qu’un virus à ARN symbiotique collabore avec la guêpe pour prendre en charge le système nerveux des coccinelles.

Des scientifiques français et canadiens ont d’abord découvert la présence d’un virus à ARN précédemment inconnue, qu’ils nommèrent D. coccinellae Paralysis Virus (DcPV), dans le cerveau des coccinelles parasitées. Mais pour fixer le virus à la guêpe parasite, ils devaient montrer que celui-ci est présent dans les ovaires du parasite, qu’il est transféré dans l’hôte lorsque les œufs sont pondus et que le virus se trouve dans le tissu neural lorsque le comportement de l’hôte est modifié. En utilisant une approche multidimensionnelle combinant séquençage de l’ARN, PCR quantitative et la microscopie électronique à transmission, ils ont pu montrer que le virus est le principal acteur quand il s’agit du comportement de gardes du corps des insectes parasités. 

Ce comportement est essentiellement un trouble neurologique : le dendroctone subit une paralysie partielle et des tremblements. Soit il est partiellement paralysé et riposte tout simplement en défense à tout ce qui s’approche, ou ses neurones sont définis pour se déclencher alors quelles ne devraient normalement pas, conduisant à dévier le comportement qui est perçu comme défensif. L’équipe a analysé le tissu neural des coccinelles parasitées et a constaté que l’infection par DcPV provoque le gonflement des axones et d’autres traumatismes, et que l’infection par le virus est responsable du comportement de gardes du corps.

Les cycles de vie du parasitoïde D. coccinellae et son virus endosymbiotique (D. coccinellae paralysis virus, DcPV) avec les réponses au parasitisme et à l’infection de la coccinelle hôte C. maculata (dessin de Franz Vanoosthuyse pour l’étude).

parasite-coccinelle2

Les scientifiques de conclure :

Nos résultats suggèrent que les changements de comportement de la coccinelle sont probablement le résultat de la réplication du DcPV dans les ganglions cérébral plutôt que par une manipulation directe par la guêpe parasite. Les résultats suggèrent que le DcPV est utilisé comme une arme biologique par la D. coccinellae pour manipuler le comportement du C. maculata.

Ils ont également examiné les ovaires des guêpes et ils ont trouvé de petits paquets de virus qui attendaient d’être transférés avec le prochain lot d’œufs. Quand ils ont quantifié le nombre de virus dans divers tissus, ils ont constaté que les oeufs transféraient une très faible charge virale, mais alors que les larves éclosent à l’intérieur de l’insecte, le virus et sa propagation double. Au moment où la larve se dégage de son hôte, les virus sont bien présents dans le cerveau et d’autres structures neurologiques. Les tentatives visant à débarrasser le virus par le système immunitaire de l’hôte augmentent le gonflement neural associé au comportement de gardes du corps. Finalement, le système immunitaire de l’hôte gagne et les virus sont détruits, c’est ainsi que la coccinelle peut revenir à une activité normale après l’infection, mais dans 75% des cas, le dendroctone meurt, probablement du traumatisme lié au fait de se faire grignoter par une larve de l’intérieur.

Ce n’est pas la première étude à relier la manipulation parasitaire à un virus, mais dans d’autres espèces de guêpes, les types de virus en cause et ce qu’ils font sont très différents. D’autres guêpes utilisent des polydnavirus pour lutter contre le système immunitaire des hôtes au cours de la croissance des larves, mais, le cas échéant, le rôle qu’ils jouent dans la modification du comportement n’est pas connu. Dans de nombreux cas, les polydnavirus semblent être devenus une partie de la guêpe, avec leurs importantes protéines incorporées dans le génome des guêpes. Les "virus" n’agissent plus comme des virus vivants et s’appuient sur la guêpe pour les créer. Mais la Dinocampus coccinellae ne possède pas de polydnavirus symbiotes ou des protéines de polydnavirus dans son génome. Au lieu de cela, elle incube le DcPV : un virus à ARN pleinement opérationnel, qui est passé non seulement de l’œuf à la coccinelle, mais aussi de la mère à l’œuf et de l’œuf à la larve qui émerge, pour éventuellement trouver son chemin vers l’ovaire de la guêpe.

Pour les biologistes, il reste encore de nombreuse chose à découvrir, comme comment le moment de l’émergence de la larve de guêpe est parfaitement en phase avec la charge virale qui attaque les voies neurales de l’insecte. Et il reste également à voir si l’action virale est nécessaire pour la survie de la guêpe parasite.

L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B : Who is the puppet master? Replication of a parasitic wasp-associated virus correlates with host behaviour manipulation.

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