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Certaines abeilles ont perdu leur capacité à se défendre par l’intermédiaire d’un douloureux dard et elles utilisent désormais leurs puissantes Mandibules qu’elles ne relâcheront pas…

Le dard de l’abeille Trigona hyalinata (image d’entête), est vestigial et il a ainsi, au fil du temps, perdu sa fonction défensive, mais ce n’est pas ce qui retient cette abeille colérique et altruiste. Les abeilles sans dard sont étroitement liées à leurs cousines mieux connues, les abeilles domestiques, qui sacrifient leur vie lorsqu’elles piquent les animaux qui constituent une menace pour la ruche. Quand une abeille déploie son aiguillon, elle s’ampute de celui-ci, lui provoquant des blessures mortelles. Bien que les abeilles sans dard ont perdu cette capacité, elles souffrent encore de la prédation et de l’attaque d’animaux allant des fourmiliers à d’autres abeilles et elles se sont mises à mordre à la place.

Les comportements défensifs sont bien connus chez les insectes sociaux, qui partagent entre elles un haut degré de parenté génétique et agissent par altruisme pour le bien de la ruche ou colonie.

Kyle Shackleton et Francis Ratnieks de l’université du Sussex, à Brighton, Royaume-Uni et leurs collègues, ont identifié un nouveau comportement kamikaze chez ces abeilles sans dard, mordant jusqu’à la mort. C’est suite à une douloureuse rencontre avec des abeilles sans dard que Ratnieks a décidé de les étudier :

Les abeilles Trigona ont de douloureuses et de très, persistantes morsures. J’ai permis à une ouvrière de me mordre aussi longtemps qu’elle le voulait. Elle a persisté dans sa morsure pendant 30 minutes et elle a laissé une grande marque rouge sur mon bras.

Ils ont décidé d’étudier ce comportement chez 12 espèces d’abeilles sans dard au Brésil. Ils agitaient des petits drapeaux à proximité de l’entrée d’une colonie pour provoquer les abeilles, puis ils ont mesuré le temps consacré par chaque abeille pour le drapeau. Pour évaluer le niveau de douleur infligée par chaque espèce, les chercheurs ont soumis leurs propres avant-bras et noté chaque morsure selon une échelle de cinq points allant de “ne pouvait pas pincer la peau", à "douleur désagréable et capable de déchirer la peau si persistante". Ils ont constaté que plus l’espèce était agressive, plus douloureuse était sa morsure.

Les pires de toutes appartiennent à trois espèces Trigona qu’ils ont étudiées, qui comprenaient un individu qui a attaqué un drapeau pendant plus d’une heure. Les membres de ces espèces ont toutes obtenu un 5 sur l’échelle de la douleur. Un examen plus approfondi en a révélé la raison : ces espèces ont cinq “dents” sur leurs mandibules. Avec des dizaines de milliers d’abeilles par nid, ceci en fait un puissant moyen de dissuasion.

Images tirées de l’étude : Quelques mandibules des 11 espèces étudiées et celles de l’abeille commune (apis mellifera, au milieu en bas) à titre de comparaison, indiquant la présence de dents, en particulier sur l’espèce Trigona. La douleur causée par la morsure est indiquée sur une échelle de 0 à 5 (pain).

Trigona-machoires

Selon Ratnieks :

Je me suis fait piquer par des abeilles (domestiques) plus de 10 000 fois, ainsi je suis assez endurci à la douleur. Mais même si une morsure de Trigona est beaucoup moins douloureuse qu’une piqûre d’abeille, lorsque des dizaines d’entre elles commencent à vous mordre, vous avez à battre en retraite. Ce n’est pas agréable du tout.

Pour voir jusqu’où les abeilles étaient prêtes à aller, l’équipe a conçu un test qui a offert aux abeilles un choix : cesser de mordre et survivre, ou rester et subir des blessures mortelles.
Les chercheurs ont d’abord brossé une abeille en train de mordre avec un pinceau, ne lui causant aucun dommage. Ils ont ensuite intensifié les choses en saisissant ses ailes avec une pince. Enfin, ils ont commencé à tirer sur les pinces, en essayant de tirer l’abeille par ses ailes et ainsi, la mettre en danger de les perdre si elle ne desserrait pas sa morsure.

Selon Shackleton :

Lorsque les abeilles ont été tirées par les ailes, de larges segments de la membrane de l’aile se détachaient ou se séparaient à l’articulation, de sorte que l’abeille ne pouvait plus voler. Dans cet état, l’abeille ne peut plus revenir au nid ou autre , et s’est elle-même sacrifiée fonctionnellement.

De nombreuses espèces disposent d’individus qui étaient prêts à mourir, mais la proportion la plus élevée a été observée chez l’espèce super-agressive, Trigona hyalinata, où 83 % des abeilles conservaient leur morsure jusqu’à ce qu’elles aient subi un préjudice corporel irréparable. Ce comportement de morsure pourrait avoir évolué en tant qu’adaptation aux ennemis des abeilles.

Piquer provoque une plus grande douleur, mais le venin est métaboliquement coûteux à produire.

Alors que la piqure est un excellent moyen de se défendre contre les grands prédateurs vertébrés, les principales menaces pour les abeilles sans dard sont les fourmis et d’autres abeilles.

Mordre est probablement plus efficace contre les ennemis plus nombreux dont l’objectif est de ne pas chasser un seul ennemi à travers la douleur, mais à combattre des centaines pour les tuer.

Il admet cependant que de son expérience personnelle, mordre est encore un puissant moyen de dissuasion pour les grands intrus. Mais comme les abeilles, Shackleton et le reste de l’équipe montrent un niveau élevé de persistance à l’autosacrifice et à l’audace.

"En dépit d’être mordu des centaines de fois et chassé à plus d’une occasion, je pense que nous avons tous beaucoup apprécié ce travail”, dit-il, ajoutant qu’ils ont l’intention de retourner au Brésil l’année prochaine pour en savoir plus.

L’étude publiée dans la revue Behavioral Ecology and Sociobiology : Appetite for self-destruction: suicidal biting as a nest defense strategy in Trigona stingless bees.

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