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Généralement, nous prenons des décisions basées sur nos précédentes expériences. Mais que dire de ces situations qui sont complètement nouvelles ou imprévisibles ? Une nouvelle étude suggère que face à un scénario trop incertain ou difficile, le cerveau choisit l’aléatoire comme meilleure stratégie.

Quand il s’agit de prendre des décisions, nos cerveaux sont extrêmement dépendants des expériences passées. En fait, certains chercheurs en sciences cognitives spéculent que le cerveau dispose d’un mécanisme pour l’évaluation (ou pesée) de l’efficacité d’une décision fondée sur les précédentes (du passé). C’est aussi quelque chose dont nous pouvons être conscients afin d’améliorer notre prise de décision rationnelle. Il est important que nous utilisions de nouvelles informations pour changer notre confiance dans nos convictions. Mais, comme une expérience récente menée par Alla Karpova du campus de la Janelia Farm Research (Virginie, États-Unis) le démontre, le hasard peut être privilégié par le cerveau quand les choses deviennent particulièrement difficiles ou lorsque la situation est sans précédent.

Cependant, ce n’est pas nécessairement une bonne chose. Cela peut conduire à une prise de risque et pire encore, à l’impuissance apprise.

L’expérience de Karpova a montré que les rats, face à un concurrent qui est difficile à battre, vont abandonner leur tactique normale, acquise par les expériences passées, pour prendre des décisions et faire des choix qui seront plutôt aléatoires. Ce changement de stratégie, dit-elle, est commandé par un circuit dédié du cerveau, une indication que le cerveau peut activement se déconnecter de ses expériences passées et entrer dans une sorte de mode de prise de décision aléatoire dans une tentative désespérée de conférer un avantage concurrentiel.

Cela a effectivement du sens du point de vue de l’évolution. Lorsque les animaux rencontrent des situations nouvelles et imprévisibles,comme : dans un environnement complètement nouveau, coincé, ou en faisant face à une proie qui se déplace de façon erratique, il est souvent intéressant de faire varier aléatoirement le comportement. Cela peut conduire à des décisions risquées qui autrement ne seraient pas tentées. Le problème, c’est qu’il est souvent difficile pour certains animaux de sortir de ce mode, qui peut être interprété comme étant inadapté.

Pour l’expérience, l’équipe de Karpova a formé des rats pour qu’ils collent leur nez dans l’un des deux orifices qui leur était présenté pour potentiellement recevoir une récompense sucrée. Un concurrent simulé par ordinateur, qui a été programmé pour analyser les expériences passées pour prédire les choix futurs, a surveillé les rats. Les rats ont reçu la récompense que lorsque l’orifice choisi était différent de celui prédit par l’ordinateur. Lorsque le concurrent était faible, les rats ont fait des choix sur la base des expériences passées (comme d’habitude). Mais quand un concurrent redoutable utilisait des algorithmes complexes pour faire des prédictions solides basées sur des modèles de comportement subtils, les rats ont ignoré leurs expériences passées et, à la place, ils ont choisi les orifices au hasard. En fait, bon nombre d’entre eux sont restés coincés dans ce mode, un comportement qui rappelle l’impuissance apprise.

Karpova indique que le mécanisme derrière ce changement se trouve dans le cortex cingulaire antérieur (CCA), une structure du cerveau impliquée dans l’utilisation de l’expérience pour prendre des décisions. Et en effet, lorsque les chercheurs ont manipulé l’activité des neurones qui ont libéré une hormone de stress dans le CCA, ils ont réussi à inverser les stratégies comportementales des rats. Lorsque ces neurones étaient stimulés, les rats ont abandonné la stratégie fondée sur l’expérience et ont commencé à se comporter de manière aléatoire dans des situations où ce n’était pas prévu. Encore plus surprenante, l’inhibition de l’hormone du stress, la noradrénaline, a poussé les rats à s’appuyer sur leurs expériences, même lorsqu’ils étaient confrontés à une concurrence difficile.

Comme toujours, les études sur les rats doivent être prises avec des pincettes. Mais comme Karpova le souligne dans son document :

Face à des concurrents virtuels, les primates ont recours à une stratégie basée sur la contreprédiction,  plutôt qu’à des choix stochastiques (aléatoire). Il est donc très probable que nous soyons également exposés à ces processus cognitifs. 

Ces résultats pourraient inspirer des recherches liées. Par exemple, l’article de Karpova, peut avoir des implications pour le traitement de maladies humaines comme la dépression.

Nous avons découvert que les animaux peuvent se “coincer” dans un mode aléatoire de comportement qui d’une certaine manière ressemble à l’impuissance apprise, qui est liée à la dépression et qui est déclenchée lorsque des efforts répétés s’avèrent inefficaces.

Nos résultats peuvent faire la lumière sur les origines de l’impuissance apprise et sur les déficiences associées à la prise de décision stratégique.

Ses résultats suggèrent que les changements dans le CCA pourraient empêcher des convictions erronées de guider les décisions et promouvoir un comportement exploratoire où les règles environnementales sont incertaines.

Mais parfois, ces changements dans l’activité des neurones peuvent aller trop loin et devenir inadaptés, conduisant à l’impuissance apprise ou même à la dépression. Dans ces cas, la suppression de la libération de la norépinéphrine dans le cortex cingulaire antérieur peut servir de thérapie efficace pour restaurer une prise de décision stratégique.

L’étude publiée dans Cell : Behavioral Variability through Stochastic Choice and its Gating by Anterior Cingulate Cortex.

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