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Optogenetiques

Dans une percée digne de la science-fiction, des chercheurs disent qu’ils ont mis au point une technique pour changer les mauvais souvenirs d’une souris de laboratoire en de bon souvenir et vice versa.

Les scientifiques savent depuis longtemps que le contenu émotionnel d’un souvenir peut se dégrader du positif au négatif. Par exemple, quand un lieu de vacances bien-aimé devient le lieu d’une rupture (sentimentale ou d’anévrisme…) ou inversement du négatif au positif. Mais dans une étude publiée la semaine dernière, des chercheurs disent qu’ils ont mis le doigt pour la première fois sur les circuits du cerveau impliqués dans une telle transformation. Et ils ont manipulé précisément les circuits du cerveau pour basculer le bagage émotionnel du souvenir de la douleur au plaisir.

Selon le neuroscientifique Steve Ramirez, coauteur de la nouvelle étude et étudiant diplômé du MIT :

Le souvenir n’est pas un magnétophone ou un caméscope du passé. C’est une reconstruction du passé à chaque fois que vous vous rappelez d’un souvenir. Nos nouveaux résultats sont un témoignage de l’instabilité de certains souvenirs, en dépit de nos convictions.

Une technique du domaine de l’optogénétique 

Les cerveaux des souris ont été modifiés de sorte que, si un antibiotique, la doxycycline  était retirée de leur régime alimentaire, certains neurones dans le cerveau pourraient exprimer une protéine appelée channelrhodopsin 2-(CHR2) qui déclenche l’activité neuronale en réponse à une lumière bleue.

Ce système a permis à l’équipe d’utiliser la doxycycline comme une sorte de bouton d’ "enregistrement/ pause" pour l’activité neuronale dans le cerveau des animaux. Les chercheurs pouvaient éliminer les antibiotiques du régime alimentaire des souris, puis commencer à leur redonner de la doxycycline; créant ainsi des groupes de neurones sensibles à la lumière qui étaient activés pendant des périodes et des tâches spécifiques.

Les chercheurs ont commencé leurs expériences en supprimant la doxycycline de l’alimentation de leurs souris, appuyant sur le bouton ‘enregistrement” et en donnant aux animaux, soit une peur conditionnée sous la forme d’un léger choc électrique, ou une récompenser conditionnés sous forme de jeu avec une souris femelle. L’expression du ChR2 à induit une sensibilité à la lumière aux neurones qui avaient été activés au cours de ces activités dans une région du cerveau appelée l’hippocampe pour placer le souvenirs, et dans une zone appelée l’amygdale pour les souvenirs de la peur.

(Image MIT)

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Au début de l’expérience, un groupe de souris, toutes des mâles, ont reçu un léger choc électrique, formant un souvenir négatif. Ensuite, elles ont été libérées dans une grande chambre/ cage expérimentale. Elles ont vite appris que chaque fois qu’elles s’aventuraient dans une certaine section de la chambre, appeler la zone cible, elles étaient envahies par le mauvais souvenir du choc électrique. Naturellement, les souris ont évité cette partie de la chambre.

Les mauvaises vibrations étaient en réalité l’œuvre des scientifiques, qui ont délibérément activé le douloureux souvenir avec l’aide d’un laser qui a activé les cellules du cerveau où était stocké le souvenir douloureux. Le laser a activé le souvenir des décharges électriques uniquement dans la zone cible, en veillant à ce que les souris lient l’émotion négative et le lieu. La lumière laser atteint les cellules de la mémoire d’un animal au moyen d’un câble allant de l’extérieur du corps à travers le crâne et dans le cerveau des souris.

Les scientifiques ont ensuite placé les souris hors de la chambre et leur ont “donné” à chacune un souvenir positif infaillible : du bon temps avec deux souris femelles. Dans le même temps, les scientifiques ont utilisé le laser pour réactiver les mauvais souvenirs pour promouvoir l’échange du négatif en positif.

Ensuite, les souris mâles ont été replacées dans la chambre expérimentale. Lorsque les souris se sont aventurées dans la zone cible, les chercheurs ont de nouveau utilisé un laser sur les cellules du cerveau où la mémoire négative avait été stockée. Au cours de cette phase, plutôt que de fuir la zone cible, les souris s’y sont attardées. Pour les scientifiques, c’est parce que les souvenirs négatifs des rongeurs de la zone cible ont été remplacés par des souvenirs agréables, grâce à leurs dernières frasques avec les femelles.

Des expériences similaires ont montré que de bons souvenirs pouvaient être remplacées par des souvenirs désagréables, mais c’est le remplacement de mauvais souvenirs par de bon qui pourrait être utile pour les personnes souffrant de dépression liée au stress et d’autres maladies psychiatriques. Il faudra des années avant que ces nouvelles découvertes puissent être appliquées à l’homme, selon le coauteur de cette étude Susumu Tonegawa du MIT, mais il se dit "optimiste" quant aux perspectives de la nouvelle technologie pour porter ces résultats chez l’humain.

D’autres scientifiques ont salué l’étude comme une importante confirmation des estimations de longue date sur les endroits dans le cerveau où les souvenirs sont stockés. La nouvelle recherche est "une démonstration beaucoup plus claire que ce qu’il n’a été réalisé avant" que la plupart des informations sur un lieu soient stockées dans une région du cerveau et que le fret émotionnel attaché à cet endroit (lieu) est stocké dans une autre région, affirme le neuroscientifique Loren Frank de l’université de Californie à San Francisco.

Il y a des problèmes d’éthiques avec la modification des souvenirs d’un patient comme forme de traitement médical. Par exemple, est-ce que la modification d’un souvenir peut avoir des effets secondaires, peut-être sur l’identité d’un patient et ses interactions avec les autres ? Les chercheurs pensent qu’il vaut la peine de poursuivre ces résultats, en particulier pour leur application possible à ceux qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique.

L’étude publiée sur Nature : Neuroscience: Shedding light on a change of mind.

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