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Voyage-interstellaire1

En 2002, John Moore, un anthropologue à l’université de Floride, a calculé qu’un vaisseau spatial pourrait quitter la Terre avec 150 passagers pour un voyage de 2000 ans vers un autre système d’étoile et, à l’arrivée, les descendants de l’équipage d’origine pourraient coloniser un nouveau monde, tant qu’ils évitent toute consanguinité en cour de route. C’était déjà une courageuse tentative de résoudre l’épineuse question de l’avenir de l’homme dans l’espace.

La diversité génétique préserve les groupes de populations de maladies génétiques : plus nombreux ils seront, plus importante sera cette diversité. Dans les groupes isolés ou petits, le croisement entre de proches parents réduit la diversité génétique et rend commune des maladies qui seraient autrement rares parmi ces populations (comme la maladie de Tay Sachs ou la mucoviscidose). Sur de nombreuses générations, la consanguinité cause la perte de plus de 80 % de la diversité originale. Ainsi la suggestion de Moore, de 150 personnes, n’est pas assez haute pour maintenir une variation génétique.

En outre, le système d’étoile le plus proche du notre, Proxima du Centaure, est à 4,2 années-lumière, si loin que pour l’atteindre il faudrait un “vaisseau générationnel”. Des générations entières de personnes naitraient, vivraient et trépasseraient avant que le navire ait atteint sa destination.

Alors, de combien personnes aurions-nous besoin pour une hypothétique mission interstellaire afin de maintenir une diversité génétique suffisante ?

En avril 2014, Cameron Smith, anthropologue à l’université d’État de Portland dans l’Oregon a pensé qu’il était temps de refaire le calcul en fonction de nos nouvelles connaissances en génétique. Des résultats qu’il a de nouveau détaillés ce mois-ci, lors d’une réunion avec le groupe de travail Future In-Space Operations (FISO) de la NASA.

Pour son étude (lien plus bas), Smith suppose un voyage interstellaire d’une durée d’environ 150 ans. Ce délai est conforme à celui envisagé par les chercheurs de l’Icarus interstellar, une organisation à but non lucratif dédiée à la poursuite d’un voyage vers une autre étoile. Les calculs de Smith, qui combinent l’information tirée de théories de la génétique des populations et de modélisations informatique, pointent vers une population fondatrice de 14 000 à 44 000 personnes. Pour 40 000, environ 23 000 seraient des hommes et des femmes en âge de procréer.

Diversité-génétique-voyage-interstellaire

Selon Smith :

Ce nombre maintiendrait en bonne santé cinq générations malgré :
– l’augmentation de la consanguinité résultant d’une population humaine relativement petite
– le déclin de la diversité génétique due à l’effet fondateur
-  les changements démographiques dans le temps
– la perspective d’au moins une grave catastrophe de la population au cours du voyage de cinq générations.

Pratiquement aucune population naturelle de vertébrés ne descend au-delà des cinq à sept mille individus. Il y a des raisons génétiques à cela. Et lorsqu’elles passent en dessous de ce nombre, parfois, ils survivent, mais le plus souvent ils tombent dans ce qu’on appelle un vortex démographique ou d’extinction.

L’envoi de sperme et d’ovules congelés, pour un voyage avec un nombre limité d’humains, est également une option, mais le scientifique ne l’a pas jugé sérieuse dans son étude.

Un très gros vaisseau ?

Les dizaines de milliers de pionniers ne devraient pas tous être logés dans le même vaisseau selon Smith. Le fait de répartir les humains dans de multiples navires réduit aussi le risque : ce qui arrivera comme catastrophe à l’un de ceux-ci, ne s’appliquera pas aux autres. Des navires modulaires pourraient s’arrimer entre eux pour permettre les échanges commerciaux et sociaux, mais voyageraient séparément.

Vaisseaux-voyage-interstellaire

Et sur Mars ?

Le même type de raisonnement s’applique à la conception d’une colonie sur Mars, a déclaré Smith. La présence d’une grande population sur la planète rouge aiderait la colonie à atteindre l’autosuffisance par l’extrême spécialisation des compétences, même si cela implique un plus grand coût.

Les résultats de cette étude ont été présentés ce mois-ci lors de la réunion du groupe de travail Future In-Space Operations (FISO) de la NASA et publiée dans la revue Acta Astronautica : Estimation of a genetically viable population for multigenerational interstellar voyaging: Review and data for project Hyperion.

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