Sélectionner une page

ratatouille_resto

Au départ, David Redish et son étudiant diplômé, Adam Steiner, de l’université du Minnesota n’avaient pas orienté leur recherche sur le regret, s’il y en avait un, chez les rongeurs. Ils étudiaient la prise de décision chez les rats. Mais une partie du comportement de leurs sujets leur semblait intéressant. Quand un rat faisait une erreur, il s’arrêtait et regardait en arrière. Pour Steiner et Redish, avec un œil anthropomorphique, le rat avait l’air d’éprouver du regret.

Cette observation a conduit les chercheurs à concevoir une expérience visant à induire le regret chez le rat, puis à mesurer les marqueurs comportementaux et neurophysiologiques compatibles avec le regret.

Le regret est la reconnaissance que vous avez fait une erreur, que si vous aviez fait quelque chose d’autre, cela aurait été sans doute mieux. A la différence de la déception, quand les choses ne vont tout simplement pas.

Steiner et Redish ont formés des rats pour accomplir une tâche qu’ils appellent "la queue au restaurant." Le rat court dans un circuit en cercle disposant de quatre sorties, des chemins conduisant à une saveur différente de nourriture. Alors que le rat approche de l’entrée de chaque voie, Une tonalité retentit indiquant combien de temps il lui faudra attendre pour recevoir cette aliment à la saveur spécifique. Le rat pouvait choisir de rester ou de partir, en fonction de son attrait pour la nourriture et du temps qu’il lui faudra attendre. Redish compare l’expérience au fait d’ouvrir la porte d’un restaurant et de voir combien de temps il faudra attendre pour être assis. Vous pouvez attendre et y manger, ou vous pouvez estimer que l’attente sera trop longue et aller au restaurant d’en face.

Tout comme vous ne savez pas si l’attente au restaurant en face sera plus courte que le temps d’attente au restaurant que vous venez de quitter, les rats dans cette tâche ne savaient pas le temps qu’ils devraient attendre pour la prochaine saveur.

Il s’avère que chacun des rats avaient un seuil de tolérance en fonction de leurs préférences distincts pour les différentes saveurs. Steiner et Redish ont utilisé ces seuils individuels pour identifier ce qui était une bonne affaire et une mauvaise affaire pour chaque rat. Par exemple, un rat pouvait-être prêt à attendre 20 secondes pour une pastille à la saveur cerise (une bonne affaire), mais cette même attente pour une pastille chocolatée pourrait être trop long (une mauvaise affaire).

Steiner et Redish voulaient savoir ce qui se passerait si un rat manquait une bonne affaire  en découvrant que le restaurant était une mauvaise affaire. (Dans un exemple, un rat qui avait un seuil de 18 secondes pour la cerise et pour la banane a évité l’option de la cerise alors que l’attente était de seulement 8 secondes. Ensuite, il a prit l’option de la banane et l’attente était de 25 secondes). Dans ces situations, le rat s’arrêtai et regardai le restaurant précédent, qu’il avait évité, avec un air de regret.

Steiner et Redish ont comparé le comportement des rats dans des conditions de regret (sauter une bonne affaire pour se retrouver avec pire) a ce qu’ils ont fait dans des conditions de déception (ils ont fait le bon choix, de saisir la bonne affaire ou de sauter une mauvaise affaire, mais le restaurant en était une mauvaise de toute façon).

Les rats ont montré trois comportements cohérents avec le regret. Tout d’abord, ils ont seulement regardé en arrière dans des conditions de regret et pas dans des conditions de déception. Deuxièmement, ils étaient plus susceptibles de faire le mauvais choix s’ils venaient de passer une bonne affaire. Et la troisième, au lieu de prendre leur temps à manger et à se toiletter après, les rats dans les conditions de regret ont engloutis sans tarder la nourriture et ont immédiatement quitté le restaurant.

Steiner et Redish ont également enregistré l’activité neuronale du cortex orbitofrontal des rats, une zone du cerveau impliquée dans l’expérience humaine du regret. Certaines cellules se sont activées en réponse à des saveurs particulières, et d’autres lorsque le rat est entré dans un restaurant en particulier. Les saveurs et le moment où le rat entrait dans un restaurant étaient représenté dans le cerveau par des modèles spécifiques d’activité neuronale.

Dans les conditions de regret, Steiner et Redish ont vu une faible activation pour la saveur précédente (la bonne affaire que le rat avait laissé passer). Lorsque les rats ont regardé en arrière le restaurant où ils auraient reçu une bonne affaire, mais qu’ils ont choisi de ne pas attendre, les neurones dans le cortex orbitofrontal représentaient le moment où ils avaient pris la mauvaise décision. Pour Redish, cela correspond à l’expérience humaine du regret :

Vous ne regrettez pas les choses que vous n’avez pas eu, vous regrettez la chose que vous n’avez pas faite.

Bien que leurs résultats comportementaux et neurophysiologiques suggèrent des similitudes avec le regret humain, Redish dit qu’il ne sait pas si les rats ont la même expérience introspective de celui-ci. Ils ne savent pas si leurs cerveaux sont en train d’exécuter le même calcul de “ce qui aurait pu être” et que les humains font quand il ressentent du regret.

Ce traitement est la reconnaissance de l’option précédente et ce que vous auriez dû faire.

Redish pensent que leurs résultats évoquent une continuité entre les humains et les autres animaux. Cela ne signifie pas que le regret est le même chez les humains et les rats; précise le chercheur, le fait de délibérer sur le choix de la boulette de nourriture aromatisée n’est pas la même chose que de choisir un collège à assister, ce que ne fait pas le rat.

Mais même si nous ne pouvons pas dire, avec certitude, ce que ces rats ressentent, leur comportement et les modèles d’activité neuronale reflètent les subtilités du regret observées chez l’homme. Leur activité neuronale ne représentait pas la récompense qu’ils avaient manqué, mais l’action qu’ils n’avaient pas prise. Et ils ont changé leur comportement, en prenant de mauvaises affaires et en précipitant au travers comme s’ils essayaient juste d’en finir avec, au plus vite.

Ils ne vont sans doute pas jusqu’à ruminer leurs regrets toute la nuit, mais les rats montrent certainement qu’ils peuvent reconnaitre le “ce qui aurait put être”.

Les résultats de leur recherche ont été publiés ce mois-ci dans Nature Neuroscience : Behavioral and neurophysiological correlates of regret in rat decision-making on a neuroeconomic task.

Pin It on Pinterest

Share This