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Molothrus ater

Dans un milieu contrôlé par la Mafia, si le propriétaire d’un commerce ne paie pas l’argent qui lui est demandé pour assurer sa protection, il peut s’attendre à voir ses locaux saccagés. Cette dernière action est rarement nécessaire, la peur des conséquences suffit aux propriétaires pour payer.

Ce comportement mafieux est également observé chez les oiseaux parasites, les coucous, qui pondent leurs œufs dans les nids d’autres oiseaux. Si les oiseaux d’accueil se débarrassent de l’œuf du coucou, celui-ci se venge en détruisant le nid. Par conséquent, il vaut mieux que les hôtes parasités soient capables d’apprendre et de coopérer. Jusqu’ici observés uniquement en milieu naturel, les scientifiques de l’Institut Max Planck pour la biologie évolutive à Plön (Allemagne) ont modélisé mathématiquement ce comportement pour  confirmer de l’efficacité de cette stratégie.

Certains oiseaux parasites, comme le vacher à tête brune d’Amérique du Nord (Molothrus ater en image d’entête), punissent les oiseaux d’accueil en détruisant leurs nids et tout ce qu’il contient, si leurs œufs sont rejetés. Par conséquent, les hôtes acceptent plus ou moins ce parasitisme tant qu’ils peuvent élever leurs propres petits aux côtés des poussins parasites. Selon la principale auteure de l’étude (lien plus bas), Maria Abou Chakra, l’hypothèse de la mafia, est controversée chez les scientifiques.

Pour que la théorie fonctionne, deux points sont absolument nécessaires : les oiseaux d’accueil doivent être capables d’apprendre et les parasites doivent aborder les mêmes nids plus d’une fois. C’est seulement alors que le comportement mafieux a l’effet désiré.

Le principe sous-jacent à leur modèle mathématique simple était que chaque parasite ne pond pas plus d’un œuf dans le nid d’un autre oiseau, que celui-ci peut accepter ou éjecter. Un modèle plus complexe permettait aux parasites de pondre plusieurs oeufs, chacun pouvant être détruit ou accepté individuellement.

Les biologistes préfèrent le modèle complexe, car il est plus proche de la réalité, mais nous sommes arrivés à la même conclusion avec les deux modèles : la dynamique d’interaction entre l’hôte et le parasite est cyclique.

Ainsi, un équilibre n’est jamais vraiment établi; il y a des cycles réguliers en termes de fréquence de parasitismes mafieux et non mafieux et des hôtes qui acceptent un œuf étranger immédiatement ou seulement après avoir subi des représailles. Si le nombre de parasites de couvée non mafieux est élevé, l’avantage réside dans une acceptation sous condition, que les hôtes qui laissent l’œuf du parasite dans leur nid aient eu leur nid détruit. Ce comportement augmente donc parmi les oiseaux d’accueil. Et ce, à son tour, améliore le taux de survie des parasites de couvée mafieux. Dès que ceux-ci sont en majorité, il est logique pour les hôtes d’accepter sans condition ce qui, à son tour, rend le comportement mafieux inutile et le cycle recommence.

Graphiques tirés de l’étude : fréquence théorique du comportement mafieux dans une population (modèle simple avec un seul œuf par saison). Les parasites de type mafieux (partie haute) apparaissent cycliquement plus ou moins fréquemment. De même, la fréquence des oiseaux hôte (partie basse) à accepter un œuf étranger immédiatement ou seulement après que leurs oeufs aient été détruits, varie.

Mafia-coucou-cycles

Le premier chercheur à émettre l’hypothèse de la mafia fut le biologiste évolutionniste Amotz Zahavi, en 1979. Elle a été très discutée depuis. Les critiques soutiennent que les représailles ne laissent aucun avantage aux parasites, impliquant une dépense d’énergie inutile. Toutefois, les futurs oisillons bénéficient du comportement impétueux si les parents d’accueil conservent le prochain œuf du coucou, de peur que leur nid soit à nouveau détruit.

Au lieu de représailles, les parasites pourraient tenter d’imiter les œufs des oiseaux d’accueil (des contres mesures existent déjà : Les oiseaux inventent un système antifraude pour lutter contre le Coucou). Il est ainsi plus difficile pour les hôtes d’identifier et de détruire l’œuf étranger. Mais Abou Chakra voit un avantage dans le comportement mafieux : les oiseaux (parasites) qui n’adaptent pas la taille et la couleur de leurs œufs à tout hôte en particulier peuvent imposer leur progéniture chez presque toutes les espèces d’oiseaux et utiliser leur comportement pour forcer les parents d’accueil à l’élever. Pour la biologiste, la question est : quelles sont les conditions dans lesquelles il est préférable pour les parasites de se spécialiser et quand le comportement mafieux est-il le plus avantageux ? C’est ce que les scientifiques ont l’intention de tester prochainement.

L’étude publiée dans Scientific Reports, Nature : Plastic behaviors in hosts promote the emergence of retaliatory parasites.

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