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Pithovirus-sibericum

Profondément emballé dans le pergélisol de Sibérie, un virus géant est resté en sommeil pendant des siècles et des siècles. Maintenant, il a été décongelé et “relancé”, grâce à une équipe de scientifiques français. Sa résurrection tend à montrer que les microbes peuvent subsister beaucoup plus longtemps que ce qui avait été précédemment estimé par les scientifiques.

Pendant des dizaines de milliers d’années, le virus est resté entièrement gelé. Cependant, il n’était pas tout à fait mort, en partie parce que comme tout virus, selon les normes de la biologie, il ne peut pas être véritablement décrit comme vivant. Tous les virus ont besoin de cellules hôtes pour se reproduire et, entre les cycles de reproduction, ils subsistent en tant que particule inerte appelée virion, que l’on pourrait comparer à la semence d’une plante.

En 2000, les scientifiques, dirigés par Jean-Michel Claverie et Chantal Abergel de l’Institut Méditerranéen de microbiologie (CNRS), sont arrivés à Anyuysk, une ville isolée dans la région de Tchoukotka en Sibérie, à la recherche de nouveaux virus dans des milieux inexplorés. Il avait été auparavant estimé (et depuis prouvé) que des organismes pourraient être congelés pendant des dizaines de milliers d’années, puis relancé avec succès. C’est ainsi que des chercheurs ont foré en profondeur dans un affleurement de sol gelé en permanence le long des rives de la rivière Anuy, pour en trouver.

Après avoir utilisé la datation au radiocarbone, les scientifiques ont fixé l’âge de leur échantillon à, entre 34 000 et 37000 années. Les années ont passé et les scientifiques ont finalement analysé l’échantillon avec d’autres et ils ont finalement annoncé qu’ils avaient trouvé un virus viable dans l’échantillon de pergélisol et qu’il était beaucoup plus rare que ce qu’ils avaient prévu.

Jusqu’en 2003, on pensait que tous les virus étaient minuscules, complètement invisibles sous un microscope optique standard et une fraction de la taille de la plupart des cellules bactériennes. Depuis, plusieurs virus géants ont été découvert, comme le pandoravirus, par Claverie et Abergel, dans un échantillon d’eau prélevé au large des côtes du Chili, qui a détenu le record de taille avec une longueur d’environ un micromètre, soit un millième de millimètre. Mais leur nouveau virus, Pithovirus sibericum, décrit dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), fait 1,5 micromètre de long, entre 10 et 100 fois plus grand qu’un virus de taille moyenne. Au microscope , il est facilement reconnaissable à sa forme ovale bordée par une enveloppe noir foncé avec un bouchon perforé à son extrémité (image d’entête), de la taille d’une cellule bactérienne.

Il n’est pas dangereux pour les humains, car il infecte exclusivement des organismes unicellulaires appelés amibes. C’est ce que les scientifiques ont découvert quand ils ont rétabli le microbe, à partir de sa forme inerte de virion, par son réchauffement dans une boîte de Pétri accompagné d’amibes vivantes. Une fois “relancé”, le virus a pénétré les amibes, détourné le métabolisme des cellules pour créer de nombreuses copies de lui-même et il a fractionné les cellules ouvertes pour les tuer en se libérant afin d’infecter d’autres cellules.

Les virus géants déjà connus infectent aussi les amibes, probablement en raison de la facilité à les pénétrer. Les amibes se nourrissent par phagocytose, en utilisant leurs membranes cellulaires pour engloutir les particules et les organismes. C’est ainsi que les  virus géants pénètrent à l’intérieur d’une amibe, en se laissant “avaler”. Comme la plupart des cellules animale et humaine ne récupèrent pas les particules de cette manière, les virus qui nous infectent utilisent généralement des méthodes d’entrée plus complexes, qui interdisent une si grosse taille.

Pour les scientifiques, l’aspect le plus important de la nouvelle découverte est ce qu’ils ont trouvé quand ils ont isolé l’ADN du virus et séquencé ses gènes. La taille du génome est beaucoup plus petite que prévu, avec seulement 500 gènes, là où les deux autres familles de virus géants en ont plus d’un millier. De plus, le processus de réplication du nouveau virus est beaucoup plus semblable à celui des virus de taille standard, plutôt qu’aux autres virus géants, ce que Claverie décrit comme une sorte de transition / pont entre ces deux familles de virus.

Jusqu’à présent, les deux types de virus géant découvert (megavirus et pandoravirus) étaient génétiquement très semblables. Selon les chercheurs, la découverte d’un virus géant radicalement différent dans un échantillon, choisi au hasard du pergélisol, indique qu’ils sont beaucoup plus fréquents et plus diversifiés qu’on ne le pensait auparavant.

Il y a aussi le fait que ce virus a survécu pendant au moins 30 000 ans dans le sol gelé. Il est ainsi probable qu’ils restent beaucoup plus longtemps dans un état inerte que toute autre forme de vie. Si la seule limite est la détérioration de leur ADN, il est possible qu’ils puissent survivre plusieurs millions d’années, avant qu’il (ADN) ne soit irrémédiablement endommagé par la radioactivité naturelle de la Terre. Claverie et Abergel continuent à échantillonner les anciennes couches de sol gelé à la recherche de virus encore plus anciens.

Mais même si ce virus ne pose pas de menace pour la santé humaine, sa découverte soulève des questions troublantes, car il n’y a pas forcément que de gentils virus qui attendent la décongélation. Pour Claverie, c’est une bonne démonstration que la notion d’un virus qui pourrait être “éradiqué” de la planète est simplement fausse et nous donne un faux sentiment de sécurité. Le risque d’une contamination reste faible, mais l’exploitation minière et le forage de ces zones signifient apporter des structures humaines et creuser à travers ces couches de glace pour la première fois depuis des millions d’années et selon les chercheurs : “Si de viables virions sont toujours là, c’est une bonne recette pour la catastrophe.”

La description de ce virus géant dans les Proceedings of the National Academy of Sciences : Thirty-thousand-year-old distant relative of giant icosahedral DNA viruses with a pandoravirus morphology.

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