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Une nouvelle recherche suggère que le sommeil nettoie littéralement le cerveau…
Cette nouvelle étude apporte la preuve que nous avons besoin d’une certaine quantité de sommeil chaque nuit, car le cerveau se sert de cette période pour se débarrasser des sous-produits métaboliques toxiques qui, autrement, s’y accumuleraient et perturberaient les fonctions du cerveau, détruisant les neurones et pouvant potentiellement causer des troubles neurodégénératifs.

L’une des principales fonctions du système lymphatique est d’évacuer les déchets du corps. Un liquide appelé lymphe baigne les cellules et les tissus du corps, recueille les déchets cellulaires et les décharges dans la circulation sanguine pour être filtrés par le corps. Mais le cerveau n’a pas de vaisseaux lymphatiques. Il a son propre écosystème interne et il est entouré par la barrière hémato-encéphalique, qui contrôle ce qui entre et sort de l’organe. Ces caractéristiques sont longtemps restées une énigme pour les scientifiques.

L’année dernière, Rashid Deane, chercheur à l’Université de Rochester (New York) et ses collègues ont découvert que le cerveau dispose de son propre système d’évacuation des toxines, qu’ils ont surnommé le système glymphatique (glymphatic system), nommé d’après les cellules gliales qui sont impliquées dans le processus d’élimination des déchets et le système lymphatique. Le système glymphatique est constitué de cellules gliales en forme d’étoile appelées astrocytes, qui forment un réseau de canaux d’eau entourant les vaisseaux sanguins du cerveau.

Le liquide céphalo-rachidien (LCR) circule dans le cerveau le long des canaux qui entourent les artères. Le liquide “nettoie” ensuite en passant à travers les tissus du cerveau et se mélange avec le liquide interstitiel rempli de déchets qui entoure les cellules du cerveau. Enfin, le LCR s’accumule dans les canaux à travers les veines et il est évacué du cerveau, emportant avec lui les déchets métaboliques.

L’équipe a surtout découvert que le système glymphatique est chargé de débarrasser le cerveau d’un peptide, la bêta-amyloïde qui, d’après de nombreux chercheurs, s’il s’accumule et détruit les neurones, pourrait conduire à la maladie d’Alzheimer. Ceci suggère que cette maladie peut survenir à cause d’un mauvais fonctionnement du système glymphatique. Les chercheurs ont montré que la suppression des canaux d’eau chez la souris provoque l’accumulation de la bêta-amyloïde dans le cerveau.

Cette précédente recherche terminée, Deane et ses collègues se demandèrent alors s’il y avait des différences entre le sommeil et l’éveil dans le système glymphatique. Lorsque vous êtes éveillés, les cellules du cerveau en pleine activité produisent des déchets, qu’elles auront besoin d’éliminer. Évacuer ces toxines peut être difficile, voire inefficace si le cerveau reçoit des informations sensorielles et autres.

En outre, les scientifiques ont déjà découvert que les niveaux de bêta-amyloïde sont plus élevés durant la veille, comparativement au sommeil. D’une part, ce changement pourrait signifier que la production de ce peptide et d’autres est différente pendant que vous dormez. Sinon, cela pourrait signifier que le cerveau gère mieux ses déchets lors de cette phase de repos.

Pour tester cette dernière idée, les chercheurs ont formé des souris à se détendre et à s’endormir sur un appareil appelé microscope à deux photons (excitation du fluorophore par deux photons, microscopie en fluorescence) qui peut retracer en haute résolution le mouvement des colorants à travers les tissus vivants. Une fois que les souris se sont endormies, cet état évalué par les chercheurs sur la base de l’activité du cerveau des rongeurs, ils ont injecté un colorant vert dans leur liquide céphalo-rachidien (LCR). Après une demi-heure, ils ont réveillé les souris, pour de nouveau injecter un colorant, cette fois-ci rouge dans le LCR. En suivant le mouvement des deux colorants au cours de la session, les chercheurs ont découvert que le flux de LCR à travers l’espace interstitiel (les espaces entre les cellules) pendant l’éveil n’est que d’environ 5% de ce qu’il est durant le sommeil.

Ensuite, les chercheurs ont décidé de tester si cet espace interstitiel augmentait pendant le sommeil, ce qui pouvait expliquer l’augmentation de l’écoulement du LCR induit par un plus large écart entre les cellules. Ils ont constaté que dans le cerveau éveillé de la souris, l’espace interstitiel représente 13 à 15 % de son volume. Mais quand la souris dort, cet espace passe à 22-24 %. L’équipe ne sait pas très bien pourquoi l’espace augmente pendant le sommeil, mais ils théorisent que les cellules du cerveau se rétrécissent.

A partir d’un document accompagnant l’étude (Suzana Herculano-Houzel) : L’espace extracellulaire (interstitiel) dans le cortex du cerveau de la souris, à travers lequel se déplace le liquide céphalo-rachidien, qui  passe de 14% chez l’animal éveillé à 23% chez l’animal endormi, une augmentation qui permet d’évacuer plus rapidement les déchets métaboliques

Schéma-LCR-souris-endormie-éveillée

Ainsi, le flux de LCR et la taille de l’espace interstitiel augmentent pendant le sommeil, mais cela signifie-t-il que le cerveau est capable d’éliminer davantage de déchets ? Pour le savoir, Deane et ses collègues ont injecté la bêta-amyloïde dans le cerveau en sommeil et à l’éveil des souris. Le système glymphatique a évacué les déchets deux fois plus vite dans les cerveaux en sommeil qu’en état d’éveil.

Enfin, les chercheurs ont tenté de déterminer ce qui motive ces changements du volume de l’espace interstitiel qui mènent à un plus grand dégagement des déchets. Les scientifiques savaient que pendant l’éveil , le cerveau est boosté et actif après la libération d’un composé organique appelé noradrénaline. Ce neurotransmetteur n’est pas très actif pendant le sommeil, mais il est libéré lorsque le cerveau a besoin d’être vigilant, par exemple, face à la peur et à d’autres stimuli externes.

Les scientifiques ont utilisé un inhibiteur pour bloquer la noradrénaline dans le cerveau des souris éveillées, rendant leur activité cérébrale semblable à celle lors du sommeil. L’inhibition de la substance chimique a également provoqué l’élargissement du volume interstitiel des cerveaux, passant de 14,3 % à 22,6 %. Les chercheurs suggèrent que la noradrénaline pourrait jouer un rôle dans la régulation des écarts entre les cellules du cerveau.

Quelle est le lien avec les maladies neurodégénératives ?

La maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives sont associées non seulement à l’accumulation de ses déchets, mais aussi au manque de sommeil. Bien que l’étude précédente de l’équipe suggérait qu’un mauvais fonctionnement du système glymphatique pourrait être à l’origine des maladies neurodégénératives, la nouvelle étude suggère qu’un manque de sommeil pourrait aussi en être à l’origine. Plus précisément, si une personne manque de sommeil, la bêta-amyloïde et d’autres déchets peuvent s’accumuler dans le cerveau et détruire les neurones, menant à la démence.

Les implications de l’étude sont énormes, surtout quand qu’il y a environ 10 millions d’insomniaques en France (50 à 70 millions d’adultes aux États-Unis). Il y a bien certains médicaments pour aider à induire le sommeil, mais, selon Deane, de futurs traitements pourraient également aider le cerveau à évacuer ses déchets.

Pour l’instant, les chercheurs veulent comprendre ce qui provoque l’augmentation et la diminution de l’espace interstitiel avec l’évolution des états de conscience. Mais il y a bien d’autres questions intéressantes à étudier.

L’étude publiée dans Science : Sleep Drives Metabolite Clearance from the Adult Brain.

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