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antechine sombre

Vaut-il la peine de mourir pour le sexe ? Pour quelques espèces de marsupiaux masculins, ça l’est, quand ils savent que leur progéniture survivra, selon une nouvelle étude.

Bien que très rare chez les mammifères, ce qui est appelé sémelparité ou reproduction suicidaire est fréquent dans la nature. Beaucoup de plantes, incluant toutes celles qui ne vivent qu’un an, se reproduisent de cette façon, tout comme le saumon, les insectes et une poignée de grenouilles et de lézards.

Seulement quatre espèces de mammifères sont connues de la science pour se reproduire de cette façon et tous sont de rares marsupiaux insectivores (comme l’antechine sombre en image d’entête). Ces pères meurent après avoir consacré toutes leurs ressources et leur énergie à l’accouplement, un effort qui permet à leur sperme (et donc à leurs gènes) de l’emporter.

Depuis les années 1970, les scientifiques ont soupçonné que les femelles synchronisent l’accouplement afin qu’elles sèvrent leur progéniture en même temps que les pics d’abondance d’insectes chaque année. Pendant cette courte et frénétique période d’accouplement, la compétition pour les femelles et les méthodes pour y parvenir sont utilisées à l’extrême.

L’écologiste Diana Fisher et ses collègues de l’Université du Queensland en Australie semble avoir prouvé une partie de cette théorie avec une grande quantité de données obtenues de 52 espèces à travers l’Australie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Amérique du Sud. Se déplaçant des tropiques aux régions tempérées, les données présentent la disponibilité de la nourriture qui devient plus saisonnière et donc prévisible et qui rentre en corrélation avec l’utilisation d’une stratégie de reproduction suicidaire chez ces espèces.

Selon Fisher :

Nous avons constaté que les mâles d’espèces ayant de plus courtes saisons des amours sont moins susceptibles de survivre après l’accouplement. L’effort concurrentiel a un cout pour la survie, les espèces qui dépensent plus d’énergie à l’accouplement, dans la première saison de reproduction, risquent de ne jamais avoir une autre chance de se reproduire.

Pendant cette période, certains duos s’accouplent pendant 14 heures d’affilée.
Dans ces espèces qui ont complètement adopté un système d’accouplement court, tous les mâles meurent : les niveaux élevés de stress provoquent un effondrement fatal du système immunitaire conduisant à la mort par hémorragie et par infection.

Avant la saison des amours, les mâles cessent de produire des spermatozoïdes et leurs testicules se désintègrent, ce qui les rend dépendants de spermatozoïdes stockés. De plus, le temps est compté, car le sperme qu’ils ont produit avant que leurs testicules ne cessent de fonctionner est maintenant perdu dans leur urine. La saison des amours ne dure que quelques semaines et les mâles meurent généralement avant que les jeunes naissent.

Les mâles produisent autant de sperme qu’ils le peuvent, faisant grossir leurs testicules dans des proportions hors-normes, puis ils en dispersent un maximum (de spermatozoïdes…) en s’accouplant avec autant de femelles que possible. Certaines espèces ne brulent pas que leur graisse dans cet effort, les muscles y passent aussi.
Les deux sexes doivent être dans une certaine promiscuité pour maximiser ces avantages et les femelles semblent en tirer tous les profits.

Selon Fisher :

Les mâles avec de grands testicules, une meilleure qualité de sperme et une meilleure endurance réussissent à plus de fécondations en compétition avec le sperme d’autres mâles, lorsque les femelles s’accouplent avec plusieurs d’entre eux.

L’étude pourrait appuyer la théorie selon laquelle une mince chance de survie globale a conduit ces mammifères à adopter, en premier lieu, l’accouplement suicidaire. Étant donné qu’il y a probablement un compromis entre la quantité d’effort que vous mettez dans la reproduction et vos chances de survie pour l’année suivante, il est beaucoup plus facile de faire le choix de tout mettre dans la reproduction maintenant, si vos chances de survie l’année suivante sont très faibles. La vie future pour ces mammifères n’a, en réalité, pas beaucoup de valeur face à l’absence de descendance.

L’équipe de Fisher a également une nouvelle théorie, légèrement différente, pour expliquer pourquoi les mâles abandonnent leur propre vie. Leurs résultats suggèrent que le sperme des mâles marsupiaux, qui sont les plus efficaces lors d’un accouplement suicidaire, supplante le sperme d’autres mâles, ce qui vaut, pour ce petit mammifère, la peine de mourir.

Quoi qu’il en soit, alors que le système semble ne laisser aucune chance pour les mâles, il semble bénéficier à la fois à la prochaine génération et aux femelles, qui selon les théories de l’équipe de Fisher, pourraient être le moteur de la compétition. Les femelles auront toujours le dernier mot…

L’étude publiée sur PNAS : Sperm competition drives the evolution of suicidal reproduction in mammals.

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