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Anomalospiza_imberbis

Tout comme les coucous, les Anomalospize parasites se reproduisent en s’accaparant quelque chose de très inhabituel chez d’autres oiseaux : leur compétences parentales. Ces volatiles pondent leurs œufs dans les nids d’autres espèces d’oiseaux, en espérant que leur(s) rejeton(s) passe inaperçu et soit nourri. Même si d’autres oiseaux ont évolué pour détecter des différences minimes entre les œufs et éjectent de leurs nids ceux qui leur semble étranger, quelque parasite passe entre les mailles du filet.

Les parasites de couvée sont des organismes qui trompent d’autres animaux, parfois des individus d’une espèce différente, parfois des membres de leur propre espèce, pour élever leur petit à leur place. Pour les oiseaux, cela signifie pondre leurs œufs dans le nid d’un autre oiseau pendant son absence. Mais l’exacte stratégie évolutive utilisée par des parasites de couvée aviaire et les contre-mesures adoptées par les parents d’accueil, varient considérablement.

Dans certains cas, les œufs d’un parasite de couvée ne ressemblent en rien aux œufs de l’hôte, ainsi le véritable propriétaire peut les différencier. Mais dans d’autres cas, en particulier ceux impliquant des coucous, les œufs du parasite et les œufs de l’hôte se ressemblent par leur forme ou leur coloration, ce qui entraine une sorte de course aux armements entretenus par l’évolution.

Un cas particulièrement intéressant implique donc des Anomalospize parasites (Anomalospiza imberbis, en entête) et l’un de ses nombreux hôtes, l’oiseau d’Afrique, le Prinia subflava (ci-dessous).
Prinia subflava

Selon l’écologiste Martin Stevens de l’Université d’Exeter (Angleterre), Il y a un très haut niveau de variation d’un œuf de prinia à l’autre. Certains ressemblent à la surface de Mars, tandis que d’autres peuvent être de couleur verte avec des taches brunes.

L’Anomalospize a évolué pour produire des œufs qui ressemblent aux œufs du prinia. Mais plutôt que de chercher des nids de prinia contenant des œufs qui ressemblent aux siens, l’oiseau parasite laisse faire le hasard, en pondant ses œufs dans les nids prinia de manière aléatoire. En réponse à ce mimétisme, le prinia, comme beaucoup d’autres espèces hôtes (Voir : Les oiseaux inventent un système antifraude pour lutter contre le Coucou), a développé des mécanismes pour différencier ses œufs de ceux de l’imposteur.

Les oeufs (parasite) de l’anomalospize
Anomalospize parasite-oeufs

Les scientifiques ont conclu que ces mécanismes de défense entraient dans l’une des deux catégories suivantes : la discordance ou basée sur un modèle. Le mécanisme de discordance implique le rejet des œufs qui sont en minorité, alors que le mécanisme basé sur le modèle implique le rejet des œufs qui ne correspondent pas au modèle interne (dessins, couleurs) d’un parent.

Alors, Stevens et ses collègues ont voulu connaitre le(s) mécanisme défensif qu’utilisait le prinia d’Afrique, et si, face à celui-ci, l’Anomalospize parasite avait encore un moyen de tromper son hôte.

L’équipe a commencé par échanger des œufs dans les nids des parents prinia afin de simuler le rôle du parasite. Ils ont fait varier le ratio des oeufs hôtes par rapport aux œufs étrangers. Si les prinias utilisaient le mécanisme de discordance, ils devraient rejeter leurs propres œufs s’ils étaient en minorité. Il s’avère que les Prinias ont principalement utilisé leur propre modèle pour prendre des décisions, mais ils semblent également prendre en considération le nombre d’oeufs (dans quelques cas, les oiseaux ont rejeté leurs propres œufs quand ils étaient plus nombreux).

Les chercheurs ont ensuite cherché à déterminer quelles caractéristiques physiques les Prinias prenaient en compte lorsqu’ils essayaient de séparer leurs œufs de ceux des imposteurs. Ils ont combiné leurs nouvelles données de rejet avec des données provenant d’une précédente étude sur les oiseaux, et observèrent l’importance relative des différents dessins et couleurs des œufs (la taille des marques, leurs dispersions, le contraste…) quand il s’agit de discrimination fondée sur l’œuf.

Différence-oeufs-Prinia-AnomalospizeIls ont constaté que la différence de couleur est vraiment importante, ainsi que la différence de taille des marques et comment celles-ci étaient dispersées sur ​​les œufs. Ils ont également découvert que, alors que le nombre d’œufs étrangers augmentait dans un nid, la mère d’accueil avait besoin qu’il y ait de grandes différences de couleurs pour déterminer quels œufs devaient être mis à part. En utilisant cette information, les chercheurs ont créé un modèle qui prédit si un parent d’accueil rejettera un œuf ou non.

Ci-contre, la différence entre les oeufs du Prinia et de l’Anomalospize parasite (Cuckoo Finch).

Ils ont observé que les œufs du parasite sont moins susceptibles d’être éjectés quand ils sont plus nombreux dans le nid, surtout si le mimétisme est bon. Par exemple, lorsque les œufs sont très similaires et que les œufs originaux sont plus nombreux que les étrangers (3 pour 1), ceux-ci ont 64 % de chance d’être rejetés par le parent d’accueil. Mais cette probabilité tombe à seulement 9 % s’il y a deux fois plus d’œufs étrangers qu’il n’y a d’œufs de l’hôte.

Ainsi, l’hôte sait à quoi ses œufs doivent ressembler, mais il voit un plus grand nombre d’œufs qui ne cadrent pas avec son modèle interne, l’amenant à douter. Autrement dit, les deux mécanismes de défense de l’oiseau, basés sur le modèle et la discordance, ne s’accordent pas. Ils obtiennent des informations contradictoires parce que la majorité des œufs ne correspondent pas à leur modèle. Les oiseaux ne savent plus si les œufs sont vraiment les leurs, ce qui les conduit à tous les garder dans leur nid.

Comparaison entre un poussin d’Anomalospiza imberbis (parasite) à gauche et prinia subflava, à droite.Anomalospiza imberbis gauche-Prinia subflava droite

Qui plus est, les Anomalospize à l’état sauvage pondent souvent un œuf ou deux dans un nid de prinia, puis reviennent plus tard pour en pondre d’autre. Ils semblent chercher délibérément à dépasser en nombre les œufs du prinia avec les leurs, ce qui suggère aux chercheurs que ce comportement est une stratégie d’adaptation.

Les chercheurs s’intéressent maintenant à voir si les Prinias ont une contre-stratégie pour équilibrer la balance dans cette course aux armements et si cette stratégie est utilisée par d’autres parasites de couvée.

Egalement victime du parasitisme de couvée, vous pouvez aussi découvrir comment le mérion apprend à ses œuf une identité sonore secrète pour éviter les impostures du coucou.

L’étude publiée dans Nature : Repeated targeting of the same hosts by a brood parasite compromises host egg rejection.

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