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Mars-atmosphère
…d’une vie martienne.

Le Guru a un peu de retard, quelques occupations imprévues pourraient ralentir ses publications durant 2-3 jours…

Après presque un an de recherche, le Curiosity de la NASA n’a détecté aucune trace de  méthane sur Mars. Cette molécule particulière est considérée par beaucoup comme la signature chimique d’une vie passée ou présente sur la planète rouge, mais cela signifie-t-il forcément qu’il n’y a pas de vie sur Mars ?

Il faut quand même rappeler que ce n’est pas la première fois que la NASA signal une absence de méthane (CH4) sur Mars. L’Agence a pratiquement fait la même annonce en novembre dernier, lorsque les analyses initiales de l’atmosphère de la planète par le Curiosity n’ont pas réussi à détecter de signe de la molécule organique dans le firmament martienne. Les résultats publiés récemment sont essentiellement une confirmation de ces premières observations. Le Curiosity a eu quelques mois de plus pour rechercher du CH4 avec son arsenal de matériel scientifique hautement sensible (notamment son spectromètre à absorption laser modulable TLS de sa suite d’instrument SAM), pour ne rien trouver.

Cette image présente un essai en laboratoire de la chambre de mesure, à l’intérieur du Spectromètre laser réglable (TLS), un instrument qui fait partie du mini-laboratoire SAM du Curiosity.
Plus précisément, le responsable scientifique Chris Webster et son équipe ont rapporté que s’il y a du méthane sur Mars, il existe en plus petites quantités, 1,3 partie par milliard par volume (ppmv). C’est la plus faible quantité que le spectromètre laser peut détecter avec précision. C’est aussi à peu près six fois plus faible que d’autres récentes estimations.
Mais que cela signifie-t-il pour la recherche de la vie sur Mars ? Selon Webster et ses collègues, la conclusion " réduit fortement " la probabilité qu’il y ait des micro-organismes producteurs de méthane vivant actuellement sur ​​la planète Mars. C’est évidemment une importante constatation, mais ce n’est pas une conclusion définitive dans le débat sur la vie passée et présente sur Mars.
Le méthane n’est pas la preuve ultime d’un pour ou contre la vie sur Mars, comme une trace positive de méthane ne serait pas la preuve concluante qu’il existe des microbes martiens. Pour citer Michael Meyer, responsable scientifique de la NASA pour l’exploration de Mars (Mars exploration), les résultats ne concernent "qu’un seul type de métabolisme microbien et il y a beaucoup de types de microbes terrestres qui ne génèrent pas de méthane”. De même , il existe des procédés non biologiques capables de produire et de consommer le méthane. le méthane n’est donc pas un indicateur solide de la présence (ou de l’absence) de vie.
Ce qui est vraiment intéressant dans ces résultats, c’est qu’ils semblent s’opposer avec beaucoup d’autres données recueillies récemment concernant la composition de l’atmosphère Martienne. En 2009, des chercheurs dirigés par le planétologue Michael Mumma, concluent que du méthane sous la surface de la planète est libéré sous la forme de grands panaches (très localisés) de façon sporadique. Depuis lors, des observations supplémentaires, réalisées depuis la Terre et l’orbite de Mars, ont soutenu l’existence de concentrations de méthane localisées, jusqu’à 45 parties par milliard dans l’atmosphère martienne. Même si le Curiosity peut mettre son nez scientifiquement sophistiqué dans l’air et flairer la composition chimique, il le fait à l’intérieur du cratère Gale. Même si cette approche “in situ” offre aux chercheurs un degré de spécificité qui est inégalée par les observations faites avec les télescopes terrestres ou satellites en orbite autour de Mars, elle est assez localisée, comme le méthane qui est diffusé sous forme de panaches dans l’atmosphère et qui est très rapidement éliminé. Qui peut dire que le cratère Gale n’est pas une zone méthaniques morte ? Le Curiosity, dont des échantillons ont été recueillis dans les premiers mètres d’air au-dessus du plancher du cratère Gale et que l’équipe de Webster avoue être “la partie la plus basse de l’ atmosphère de Martienne, peut il vraiment évoquer la composition de l’atmosphère de la planète dans son ensemble ?
Selon Webster et son équipe, il le peut. Leur raisonnement est le suivant : il faut plusieurs centaines d’années pour que le méthane disparaisse par des procédés photochimiques, mais seulement quelques mois pour circuler dans l’atmosphère martienne et se mélanger uniformément avec des poches d’air dépourvues de méthane. Ceci, écrivent les chercheurs, suggère que la limite supérieure mesurée de 1,3 ppmv  est représentative du niveau moyen global. De plus, selon la coauteure Sushil Atreya de l’Université du Michigan, le méthane peut être produit par différents mécanismes : biologique, géologique, ou par la dégradation induite par les rayons ultraviolet sur des matières organiques fournis par la chute de météorites ou des particules de poussières interplanétaires.

Michael Mumma (l’auteur de l’étude de 2009, concernant les panaches de méthane sur Mars) adopte une attitude résolument différente. Pour lui, ces résultats sont effectivement conformes aux leurs :

Nous avons signalé que les émissions de méthane sont susceptibles d’être sporadiques et qu’il est rapidement éliminé dans l’atmosphère.

Les conclusions de Mumma et son équipe sont largement tributaires de l’élimination rapide du méthane dans l’atmosphère. Ce qui nous amène au cœur du mystère controversé de toute cette histoire.

Dans le document de Mumma, son équipe propose une très courte durée de vie du méthane dans l’atmosphère martienne, entre 0,4 et 4 ans. Cette durée de vie, critiquée par l’équipe de Webster, exigerait “de puissants mécanismes de destruction qui n’ont pas été identifiés à ce jour”. Et tandis que plusieurs modèles de ces mécanismes ont été proposés, Webster et son équipe affirment qu’il ne reste aucune preuve de leur existence sur Mars, ni pour leur capacité à réduire la durée de vie du méthane par un facteur de 100, ou plus, par rapport à sa durée de vie photochimique :

Avec une durée de vie photochimique du méthane dans l’atmosphère martienne évaluée à des centaines d’années, il ne reste actuellement aucune explication approuvée pour l’existence et la distribution des panaches signalés, ni de la disparition apparente de méthane au cours des dernières années.

Cette opposition scientifique montre que la vraie nature de méthane martien reste un mystère planétaire accompagné désormais, d’au moins deux explications étonnamment divergentes. Il faudra des années d’enquête approfondie, menée à partir de la surface de Mars , de l’orbite de la planète et même ici sur Terre pour éclaircir cette énigme. Il y a tout un tas de processus chimique sur la planète rouge que nous commençons tout juste à comprendre…

L’étude de Christopher R. Webster et son équipe (Jet Propulsion Laboratory, Université du Michigan) : Low Upper Limit to Methane Abundance on Mars

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