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Les humains sont assez fiers de leur capacité à établir des plans pour l’avenir. Mais il s’avère que nous ne sommes pas les seuls animaux à planifier. Les scientifiques ont observé des orangs-outans sauvages préparer leurs itinéraires un jour à l’avance et le communiquer aux membres de leur groupe.

Au cour de ces dix dernières années, la recherche a commencé à démontrer que certains animaux au grand cerveau ont la capacité de planifier leurs futurs besoins, au moins en captivité. Le plus célèbre exemple vient de Santino, le chimpanzé mâle dominant au zoo Furuvik en Suède. Les responsables du zoo ont constaté que le matin, avant l’ouverture du zoo, Santino collecte et cache des pierres à partir du lit d’un cours d’eau adjacent. Plus tard dans la journée, il utiliserait ces pierres planquées comme munitions contre les visiteurs du zoo. L’an dernier, des scientifiques ont également découvert que Santino dissimule ses pierres derrière des rondins et des roches (image ci-dessous) et sous de petits monticules de foin qu’il crée.
journal.pone.0036782.g003 Dans les expériences de laboratoire, les scientifiques ont constaté que, lorsqu’ils ont le choix entre des outils, les orangs-outans et les chimpanzés ont choisi le bon outil pour obtenir une récompense une heure plus tard. D’autres recherches ont montré que les orangs-outans et les bonobos en captivité pouvaient choisir de transporter et sauvegarder des outils appropriés pour être utilisés jusqu’à 14 heures plus tard.

Certains corvidés sont également connus pour penser à l’avenir. Par exemple, en 2007, les scientifiques ont constaté que le Geai des chênes emmagasine de la nourriture dans des endroits dont ils savent qu’ils y auront accès dès le lendemain matin. Et si on leur donne deux types de nourriture la nuit, ils vont préférentiellement stocker le type de nourriture dont ils savent qu’ils ne la recevront pas le lendemain matin.

En dépit de preuve que les grands singes et les corvidés peuvent planifier pour l’avenir dans des tests expérimentaux, on ne savait pas si les animaux utilisaient cette capacité, qui nécessite la synergie de la maitrise de soi et un voyage mental dans le temps, à l’état sauvage. Et s’ils le font dans leur milieu naturel , quelle forme prend leur préparation ?

Pour le savoir, des anthropologues de l’Université de Zurich en Suisse ont décidé d’observer les orangs-outans de Sumatra (Pongo abelii) dans un marais de tourbe forestière en Indonésie. Les primates sont semi-sédentaires et souvent hors de vue des autres orangs-outans dans leur population, mais ils restent en contact vocal entre eux.

Une fois qu’ils atteignent la maturité sexuelle, les mâles développent des bourrelets /boudins/ brides, qui sont de larges coussinets au niveau de leurs joues. Ces mâles émettent de bruyantes vocalisations, appelées “appels longs", quatre fois par jour en moyenne. Les longs appels sont audibles sur plus de 1 km, attirant les femelles sexuellement actives et chassant les mâles de rang inférieur. Mais ils attirent aussi les mâles de rang supérieur.

Les vocalisations sont différentes dans leur sonorité selon le contexte. Autrement dit, les mâles ont de longs appels qui peuvent être suscités par les cris d’un autre mâle ou quand ils sont à proximité de la chute d’un arbre mort ou encore, quand eux même poussent sur ​​un arbre mort.

Les appels spontanés sont particulièrement intéressants, car les mâles prennent une direction unique tout en effectuant les vocalisations, qui peuvent durer jusqu’à quatre minutes. En outre, leurs joues flasques agissent comme une sorte de mégaphone, amplifiant l’appel vers l’avant. Isler et ses collègues se sont demandé si les mâles utilisaient réellement de longs appels spontanés pour diffuser la direction de leur futur déplacement aux femelles, qui sont chaque jour à la recherche de fruits semi-rares pour survivre. Ils ont estimé que les femelles ne pouvaient rester en contact que si elles savaient où le mâle allait.

Une femelle orang-outan et son petit.
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L’équipe a analysé près de 1200 appels longs de 15 mâles aux grosses joues et elle a examiné comment les appels rentraient en corrélation avec les mouvements des mâles et d’autres orangs-outans dans la communauté. Comme prévu , ils ont trouvé que le sens des longs appels spontanés des mâles pendant la journée prédit la direction que les orangs-outans allaient prendre durant les prochaines heures (ils empruntent plusieurs voies pour atteindre leur destination, car ils ne se déplacent que le long des branches qui peuvent maintenir leur poids). Ils signalaient par un nouvel appel leur changement de direction; mais pourquoi de tels changements, cela reste un mystère. Selon Isle, peut-être qu’ils entendent d’autres orangs-outans que les observateurs humains n’entendent pas. Ou ils ont juste décidé de changer d’endroit pour trouver de la nourriture.

Parfois, les mâles lançaient des appels le soir avant d’aller se coucher, ces vocalisations prédisent le sens de leur déplacement sur une durée maximum de 22 heures. Le lendemain, les femelles se sont rendues dans la même direction que les mâles sans avoir besoin de rappels. Les mâles de rang inférieurs, en revanche, se sont déplacés dans des directions opposées.

L’étude suggère que les mâles à brides planifient leurs voyages un jour à l’avance et communiquent leurs itinéraires à d’autres orangs-outans, les femelles en particulier. Les mâles bénéficient de cette pratique en permettant aux femelles sexuellement réceptives de les atteindre, l’avantage pour les  femelles est de pouvoir rester près du mâle dominant en mouvement et d’éviter d’être harcelés par les mâles subordonnés.

Les chercheurs pensent que cette capacité à planifier peut être commune à tous les grands singes et peut-être même à d’autres animaux sauvages, comme les éléphants ou les baleines.

L’étude publiée sur PlosOne : Wild Orangutan Males Plan and Communicate Their Travel Direction One Day in Advance.

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