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Megalomyrmex (H)- Gnamptogenys (B)

La colocation peut s’avérer difficile, surtout quand l’invité joue les pique-assiettes. Mais des fourmis, qui pratiquent l’agriculture de champignon, utilisent leurs invités comme une armée permanente, pour protéger leur colonie contre les dangereuses menaces extérieures, selon des chercheurs danois. Ils ont étudié une guerre entre trois groupes de fourmis, pour découvrir que celles qui squattent le nid d’une autre famille, peuvent leur servir de première ligne de défense, employées comme mercenaires à armes chimiques.

Alors que les fourmis ne sont pas sujettes aux maladies infectieuses, leurs sociétés sont souvent envahis par des parasites sociaux, des insectes qui exploitent les ressources des colonies de fourmis pour leur propre bénéfice et les  forcent à travailler encore plus dur. Certains squatteurs trompent leurs hôtes en imitant leurs signatures biochimiques, la carte d’identité du système immunitaire de la colonie, tandis que d’autres utilisent la force ou de désagréables produits chimiques pour infiltrer ou usurper la colonie d’accueil.

Quand elles ne sont pas anéanties, celles-ci se révoltent parfois ou, comme dans ce cas, les avantages de la cohabitation font oublier les larcins, surtout pendant les périodes de menaces extérieures.

Des chercheurs de l’Université de Copenhague (Centre for Social Evolution) ont étudié une colonie de fourmis pacifique et cultivatrice de champignon (Sericomyrmex) qui doit faire face à deux ennemis naturels.

Les assaillantes, du genre Gnamptogenys hartmani, qui cherchent à pénétrer leur demeure, adoptent un style d’attaque rapide pour tuer les défenseurs, pillant ensuite la fourmilière. Mais les attaquants n’auront pas à faire face aux fourmis cultivatrices de champignons, celles-ci disposant de puissants protecteurs, les impitoyables invités parasites, Megalomyrmex symmetochus. Face à l’attaquant, elles lèvent leurs dards et libèrent un puissant venin directement dans l’air, des armes chimiques aéroportées qui tuent l’ennemie et surprend les survivants (image ci-dessous).

Megalomyrmex symmetochus à gauche, en pleine attaque d’une Gnamptogenys hartmani à droite.Megalomyrmex (G)- Gnamptogenys (D)

Malgré cette aide précieuse, les fourmis Megalomyrmex (mercenaires) sont le deuxième ennemi naturel des agricultrices et elles utilisent leur poison alcaloïde pour s’installer définitivement dans une colonie de Sericomyrmex (agricultrices) afin d’exploiter à loisir sa ferme de champignons. Bien qu’elles pourraient totalement dépouiller la ferme, elles assurent une juste répartition de la nourriture, même si parfois elles abusent un peu. Elles coupent également les ailes de certaines futures reines Sericomyrmex, pour les contraindre à rester dans la colonie, au lieu de s’envoler pour constituer ailleurs une nouvelle colonie, et enfin, les mercenaires mangent aussi parfois les larves des agricultrices.

Ces fourmis parasites sont un fardeau à vie pour les agricultrices, mais elles peuvent se révéler être un atout vital lors des raids d’ennemis étrangers, celles-ci s’activant corps et âme pour la défense de leurs hôtes.

Les scientifiques ont constaté que les fourmis parasites /mercenaires sont si efficaces qu’elles ne tuent pas seulement les voleurs, mais leur simple présence diminue considérablement la probabilité d’un raid. Leur étude a montré que les éclaireuses des fourmis assaillantes, dans la planification d’une attaque, peuvent détecter si une colonie de Sericomyrmex (agricultrices) accueil des Megalomyrmex (mercenaires), avant de décider de lancer l’assaut.

La biologiste Rachelle Adams, principale auteure de l’étude (lien plus bas) évoque l’exemple d’une fourmi mercenaire Megalomyrmex qui découvre à l’extérieur de la fourmilière (de Sericomyrmex) la préparation d’un raid. Elle est rapidement revenue à l’entrée de la colonie pour exciter ses sœurs, et une par une elles sont sorties, accablants bientôt les envahisseurs, empêchant ainsi l’attaque.

Les résultats de l’étude permettent d’expliquer pourquoi ces fourmis parasites sont si présentes dans certaines zones du Panama où les fourmilières ont été collectées ; une situation très inhabituelle alors que les fourmis parasites sociales sont normalement très rares. L’étude présente ainsi de subtils processus de coévolution entrainés par la sélection naturelle.

Les scientifiques comparent les fourmis mercenaires à une maladie humaine du sang, appelé la drépanocytose. C’est une maladie génétique héréditaire qui altère la forme des globules rouges qui transportent l’oxygène dans le sang. La mutation du gène qui se cache derrière cette maladie est commune en Afrique parce qu’une de ses formes protège de la malaria : les personnes atteintes de la drépanocytose homozygotes (S/S), un polymorphisme génétique entrainé par une sélection naturelle. De même la M.symmetochus ressemble à une maladie chronique légère qui exerce une ponction sur son hôte tout en la protégeant d’une infection aiguë et plus destructive, l’assaillante Gnamptogenys.

Les scientifiques veulent maintenant étudier comment cette alliance varie au fil du temps et dans l’espace. Il pourrait être plus facile, par exemple, de trouver les mercenaires dans le nid des fourmis agricultrices ou les raids d’assaillantes sont les plus fréquents.

L’étude publiée sur PNAS : Chemically armed mercenary ants protect fungus-farming societies.

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