Sélectionner une page

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Alors que tromper son / sa partenaire est assez mal vu dans la société moderne, de remonter aux origines de la monogamie chez les mammifères est comme traverser un labyrinthe aux milliers de voies formées par l’évolution. Mais certains s’en tiennent donc à un partenaire sexuel pour toute une vie. C’est pourquoi l’évolution de la monogamie chez les mammifères est vivement débattue. Deux études publiées cette semaine n’affaiblissent pas la controverse.

L’évolution dicte que les gènes ont le dernier mot. Et si il y a une chose que les gènes veulent, c’est de se propager le plus largement possible. C’est pourquoi la monogamie est rare chez les mammifères. Les femelles doivent attendre une longue période de gestation avant d’avoir un enfant, alors les mâles peuvent aller féconder d’autres femelles pendant ce temps. La plupart des mammifères mâles se comportent de cette manière, mais certains ne le font pas, et sont donc monogames.

Pour comprendre pourquoi, trois hypothèses ont été proposées. Tout d’abord, il se peut que dans le cadre d’un couple monogame, le père pourrait aider dans les soins à prodiguer aux nourrissons, ce qui augmente leurs chances de survie et donc la propagation de ses gènes à travers ses petits-enfants. Deuxièmement, la monogamie pourrait être choisi parce que les femelles font en sorte d’être très éloignées les unes des autres (théorie des femelles solitaires), disposant ainsi d’un grand territoire pour maximiser les ressources de leur environnement, ce qui rend difficile, pour les mâles, de trouver plus d’une partenaire. Troisièmement, il se peut que la monogamie signifie que le père pourrait rester dans les parages pour éviter que ses jeunes soient tués par d’autres mâles de la même espèce. Ceux-ci peuvent chercher à empêcher la propagation des gènes du père.

Malgré des années de débats sur ces théories, aucun consensus n’a encore émergé. Les résultats des deux études publiées cette semaine font avancer la science, mais un accord reste hors de portée.

couple manchot 

I – Laisse pas trainer ton fils

Dans une étude qui vient d’être publiée (lien plus bas) Christopher Opie et ses collègues de l’University College London ont testé les trois hypothèses chez les primates. Leur analyse révèle que la raison la plus probable de la monogamie est la nécessité de protéger les enfants.

La descendance est plus vulnérable aux “mâles infanticides” quand ils sont encore nourris au sein. Au cours de l’allaitement, la mère retarde son retour à l’ovulation, et c’est ce délai qui mène à la menace d’infanticide par les mâles non apparentés. Si l’enfant est tué, la femelle commence à ovuler plus tôt qu’elle ne l’aurait fait si l’enfant avait vécu. Ceci est avantageux pour un mâle infanticide, car il peut alors s’accoupler avec elle, et avoir une plus grande chance de passer ses gènes à la génération suivante. Lorsque le développement du nourrisson est lent et que la mère allaite pendant une longue période, d’avoir un père aux alentours offre une plus grande protection et un apport de soins supplémentaire à la progéniture.

Intermède musical… 
 

Donc, pour cette analyse, l’équipe de Christopher Opie a recueilli des données comportementales de 230 espèces de primates. Ces comportements ont ensuite été retracés sur un arbre phylogénétique, qui, comme un arbre généalogique, montre les relations entre ces espèces. Ils ont ensuite utilisé les mêmes méthodes bayésiennes (utilisées pour déduire la probabilité d’un évènement) que le statisticien américain Nate Silver avait utilisées pour prédire avec succès le résultat de la dernière élection présidentielle américaine. Sauf qu’ici, les biologistes ont tenté de définir le passé, plutôt que l’avenir.

Ils ont simulé des millions de fois l’évolution à travers l’arbre phylogénétique pour savoir si les différents comportements ont évolué ensemble à travers le temps, ou séparément. S’ils avaient coévolué, ils pouvaient alors découvrir quel comportement a évolué en premier.

Fondamentalement, c’est la capacité à déterminer le moment où a évolué un trait qui nous permet d’expliquer comment l’émergence d’un comportement prédit de manière fiable l’autre. De cette façon, nous avons pu démontrer que , alors que les soins paternels et les distances exclusives des femelles ont coévolué avec les mécanismes de reproduction, ils sont apparus suite à l’émergence de la monogamie, tandis que l’infanticide l’a précédé.

couple macaque1 

II – Trouvez la femelle

Contrairement à la précédente étude, Dieter Lukas et Tim Clutton-Brock de l’Université de Cambridge qui recherchent la cause de la monogamie chez toutes les espèces de mammifères, y compris les primates, en viennent à une conclusion différente. Leur analyse publiée ce mois-ci (lien plus bas) estime que la monogamie chez les mammifères pourrait avoir évolué en raison des “femelles solitaires”.

Leur étude a porté sur les données de 2500 espèces de mammifères de tout ordre. Ils ont effectué leur analyse en utilisant des méthodes différentes de l’équipe précédemment citée, mais toujours en traçant le comportement sur les arbres phylogénétiques et en simulant l’évolution.

Quand les scientifiques ont cherché un dénominateur commun parmi ces mammifères, ils ont conclu que dans les espèces où les femelles sont intolérantes à leur congénère du même sexe, elles-ci ont tendance à prendre leur distance. De si grandes distances que les mâles deviennent incapables d’empêcher d’autres mâles de se reproduire avec elles. Si un mâle veut s’assurer qu’une femelle donne naissance à sa progéniture, il doit se tenir prêt d’elle et seulement elle, ou bien il risque que sa femelle se fasse imprégnée par un autre mâle, alors que celui-ci est parti faire des courses. Comme pour l’hypothèse de la protection de la progéniture, les chercheurs concluent que “le soin paternel est une conséquence plutôt qu’une cause de la monogamie sociale.”

Il est possible que les différentes espèces de mammifères aient évolué vers la monogamie pour des raisons différentes. La monogamie chez les mammifères est inégalement répartie. Par exemple, la formation des gros cerveaux des primates et une longue période pour arriver à une certaine maturité, ont rendu le nourrisson beaucoup plus vulnérable aux mâles infanticides et pourraient avoir contribué à cette particularité chez les primates.

En ce qui concerne les implications de la monogamie pour l’évolution humaine, Lukas et Clutton-Brock suggèrent que le passage à la monogamie chez l’homme a été déclenché par des femelles solitaires, mais pour Christopher Opie cela ne peut pas rentrer en ligne de compte pour l’espèce sociale que nous sommes. Voilà, le débat se poursuit, ce qui donnera sûrement le meilleur résultat pour la science.

L’étude de Lukas et Clutton-Brock publiée dans Science : The Evolution of Social Monogamy in Mammals, et l’étude de Chritopher Opie et son équipe dans la dernière édition de PNAS : Male infanticide leads to social monogamy in primates.

Pin It on Pinterest

Share This