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L’homme est un loup pour l’homme et ça marche aussi pour certains poissons qui font preuve d’un degré extrêmement élevé de trahison envers leur petit camarade de banc.

Partout dans le monde, de nombreux animaux vivent en groupes, surtout parce que cela leur permet de trouver de la nourriture et d’éviter les prédateurs. Mais la vie en groupe n’est pas sans ses propres tragédies. Il y a davantage de concurrence pour la nourriture que vous pouvez en trouver. De plus, en étant constamment à l’étroit avec d’autres individus cela augmente votre risque de contracter des maladies.

Pire que tout, la vie en groupe devient difficile lorsque des individus "égoïstes" prennent le rôle du loup dans la bergerie. Les scientifiques constatent le comportement égoïste (passif ou indirecte) chez des animaux. Par exemple, ils peuvent observer un animal se cacher derrière son voisin pour échapper à un prédateur.

C’est une observation fréquente pour Robert Young, biologiste à l’Université de Salford Manchester au Royaume-Uni :

Ils peuvent se cacher derrière quelqu’un d’autre, mais ils ne le poussent pas activement en avant.

Mais un comportement égoïste actif, lorsqu’un individu trouve un avantage à blesser ou à exposer un membre du groupe à un prédateur, n’a jamais été enregistré jusqu’à maintenant.

Il y a quelques années, Young et sa collègue Flavia de Oliveira Mesquita pensaient qu’ils avaient observé un tel comportement en faisant des recherches pour entrainer des poissons à éviter certains dangers humains. Les scientifiques ont essayé de trouver des façons de garder les poissons en dehors des zones de risque : comme les turbines, en utilisant différents moyens de dissuasion, comme des lumières stroboscopiques et de faux prédateurs. À leur grande surprise, ils ont vu les membres du groupe devenir agressifs les uns envers les autres lors de la présence de prédateurs actifs (en chasse).

Les scientifiques savent depuis longtemps que de nombreux poissons disposent de cellules spécialisées qui libèrent des signaux d’alarme chimiques lorsque leur peau est endommagée (mais sans saignement). Ces substances provoquent une réaction de peur et un comportement anti-prédateur des individus à proximité qui deviennent plus attentifs, plus conscients de leur environnement et nagent plus vite. Mais cette alarme à prédateurs peut aussi les attirer, ciblant ainsi le poisson blessé libérant les substances chimiques. Young s’est alors demandé si certains poissons de son étude tentaient de blesser la peau de leur congénère pour détourner l’attention des prédateurs.

Pour le savoir, Young et le zoologiste Vinicius Goulart ont examiné le comportement anti prédateur du poisson d’eau douce, Astyanax bimaculatus. Il s’agit d’un poisson qui vit en banc, disponible dans le commerce, une espèce endémique au Brésil. Ils sont essentiellement et très fréquemment la proie d’autres espèces de poissons.

Les chercheurs ont recueilli 64 astyanax de piscicultures, ce qui assurait que les poissons n’avaient pas eu de précédentes interactions avec des prédateurs. Ils ont divisé les poissons en huit groupes égaux et puis ils ont observé comment les poissons réagissaient en réponse à quatre stimuli : un prédateur actif, un prédateur passif, un prédateur aviaire et un contenant en plastique blanc. Les groupes sont passés par trois essais (toutes les cinq minutes) pour chaque stimulus.

Pour les tests avec un prédateur actif, ils ont mis une réplique en résine d’un prédateur indigène, un Trahiras (Hoplias malabari), dans l’aquarium et ils ont ensuite fait la chasse aux petits bancs de poissons avec le faux prédateur déplacé à l’aide d’un fil invisible. Dans les essais avec un prédateur passif (qui regarde et attend), ils ont placé un ressort dans un tuyau en PVC relier à la réplique d’un Trahiras et l’ont fait surgir à chaque fois que le poisson passait près de l’extrémité du tube.
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Et ils ont utilisé une réplique générique en résine d’un héron pour les essais d’oiseau pécheur, le faux prédateur a picoté l’eau toutes les 15 secondes.

Les chercheurs ont constaté que les poissons se poursuivaient et se mordaient quand il y avait un prédateur actif dans le réservoir, cela s’est produit dans chaque épreuve pour chaque groupe. Cependant, ce n’était une bagarre générale, un poisson s’en prenait à un autre, ou deux se liguaient contre un. Après avoir été mordu, le poisson quitte le banc momentanément, pour revenir quelques secondes plus tard. Comparativement, cette agression n’a pas augmenté dans les autres essais, dans lesquels ils présentaient d’autres comportements d’anxiété comme de se mettre à nager très rapidement.

D’habitude les poissons ne font pas preuve d’agressivité entre eux, c’est vraiment très sporadique selon Young. De plus, les poissons ont présenté ce comportement agressif dès le premier essai de prédateur, démontrant que le comportement est inné, et non appris. Cependant, les poissons ont de plus en plus mordu au fil des essais suggérant qu’ils pourraient améliorer leur technique dans la nature au fil du temps.

Ces poissons ne se mordent pas entre eux avec les essais d’autres types de prédateurs (passif et aviaire) car "le prédateur actif, d’un point de vue biologique, est le plus logique”, dit Young, expliquant que si un prédateur chasse votre groupe, vous voudrez rendre un seul individu plus attrayant pour le chasseur. Mais les prédateurs passifs ne chassent pas, ils attrapent juste le poisson le plus proche d’eux, ainsi mordre son camarade, dans cette situation, serait inutile. Les oiseaux prédateurs, d’autre part, ne seront pas en mesure d’utiliser les signaux chimiques pour trouver le maillon le plus faible dans le groupe, donc dans ce cas l’agression est également inutile.

Young tente maintenant d’identifier les individus impliqués par les attaques dans son étude, à savoir si certains poissons sont les principales cibles des membres de leur propre espèce. Il est également curieux de savoir si cela arrive dans de très grands bancs de poissons :

Alors que la taille du groupe s’agrandit, peut-être qu’ils ne sentent pas la nécessité de le faire. Cela pourrait nous donner une bonne indication sur la façon dont les individus peuvent percevoir leur risque de prédation.

Leur étude publiée dans la revue Animal Behaviour : Selfish behaviour as an antipredator response in schooling fish ?

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