La loterie aérienne de l’araignée et de son parachute fait maison
Par un jour de printemps ensoleillé, une petite araignée grimpe un grand brin d’herbe. Au sommet, l’araignée se cambre vers le haut, pointe son ventre vers le ciel et commence à libérer des fils de soie à partir de ses glandes. Des dizaines de milliers de fils emplissent l’air, en éventail, puis se rassemblent pour former une feuille triangulaire. Une brise qui passe saisit la soie et l’araignée s’envole, attachée à son parachute maison livré aux caprices du vent.
Les araignées utilisent ces vols « à voile » pour échapper au danger et pour coloniser de nouveaux habitats. La plupart du temps, elles ne se déplacent que de quelques mètres, mais les conditions météorologiques peuvent transporter une araignée sur de grandes distances. Les marins en ont vu atterrir sur des navires à des milliers de kilomètres de la côte et les scientifiques ont découvert des voyageurs à huit pattes dans des échantillons d’air recueillis par des ballons de données atmosphériques.
Toutes sortes de minuscules arthropodes voyagent de cette façon, il y a 3 milliards d’insectes passant au-dessus de votre tête dans un mois d’été. Certaines plantes et champignons utilisent aussi le vent pour répandre les petites graines, les spores et le pollen. Les scientifiques appellent cela “la dispersion aérienne passive” et de notre point de vue, passif est le mot clé. Les minuscules insectes semblent laissés à la merci des éléments et ils ont peu de chance d’élaborer des stratégies ou de tirer le meilleur parti de leur voyage. La direction et la distance qu’ils parcourent, à moins qu’ils ne soient coincés au sol en attente de décollage, sont décidées par le mouvement, la direction et la vitesse de l’air.
Certains chercheurs appellent cela : “leur loterie aérienne”. L’aviateur achète un billet (de loterie), attrape une brise et croise les doigts pour débarquer en toute sécurité dans un endroit où il voudrait être. Qu’elles gagnent (nouvel habitat, nouvelle ressource, hors de danger…) ou qu’elles perdent, cela ne leur est pas révélée tant qu’elles n’ont pas atterri.
Le voyage semble totalement hors de leurs contrôles, mais de nombreux “planeurs passifs” se retrouvent exactement là où ils souhaiteraient être : encore à proximité d’où ils sont partis, mais suffisamment à l’écart pour profiter de ressources encore inexploitées et sans la concurrence des autres araignées, prédateurs ou quoi ce soit. Ce jeu gagnant est le “plus court vol unique”, similaire à la « l’unique enchère la plus basse” nécessaire pour gagner des ventes aux enchères et des jeux. Ainsi, en dépit de toutes les apparences, il peut être un moyen d’améliorer ses propres chances de gagner.
Selon les scientifiques, pour gagner à la loterie aérienne, tout est dans le décollage, la dernière étape du jeu où le « joueur” a encore un certain contrôle. Les plantes et les champignons sont connus pour disperser, par le vent, leur pollen, leurs spores et leurs petites graines que dans certaines conditions. Les araignées et les autres insectes en char à voile, quant à eux, peuvent choisir l’heure et le lieu de leur lancement.
Une nouvelle recherche (lien plus bas), réalisée par Andy M. Reynolds de la station de recherche agricole Rothamsted, au Royaume-Uni, suggère qu’une stratégie gagnante repose sur un envol dans des conditions météorologiques particulières. À l’aide de chaudes et douces brises, d’une journée avec une petite couverture nuageuse, qui sont parfaites pour faire le vol le plus court. Dans des conditions plus stables, le vol risque d’être unique, mais durera plus longtemps. Dans des conditions moins stables, les vols sont plus courts, mais moins susceptibles d’être uniques. Pour Reynolds, les meilleures saisons de lancement sont le printemps et l’automne, précisément quand les araignées présentent un comportement qui tend à “l’aérostation ».
Que ces créatures gagnent ou perdent à leur loterie est plus pertinent pour nous, que vous pourriez le penser au premier abord. Les araignées sont d’une grande aide dans la lutte contre les ravageurs, et de savoir où et quand elles s’envolent pourrait aider les agriculteurs.
Dans une déclaration au sujet de son étude Reynolds (lien plus bas) :
Chaque jour de la saison de croissance végétative, près de 1 800 araignées atterrissent dans chaque hectare de terres arables. Si les agriculteurs peuvent prédire l’afflux d’araignées, ils peuvent réduire la quantité de pesticides en conséquence, économiser de l’argent et des soucis.
De même, en étant capable de prédire la propagation des champignons problématiques pourrait les aider à les contrôler ainsi que les maladies qu’ils diffusent, nous donnant un coup de pouce dans ce jeu étrange du hasard.
Le Guru en profite pour ressortir ce petit documentaire dont il avait posé les sous-titres en Français (à activer via les options du lecteur) et détaillé dans son article : L’autoroute atmosphérique des insectes.
L’étude de Reynolds publiée dans la revue The American Naturalist : Beating the Odds in the Aerial Lottery: Passive Dispersers Select Conditions at Takeoff That Maximize Their Expected Fitness on Landing.
En parapente si l’on voit des hirondelles (ou autre oiseau insectivore) chasser en altitude, on s’en approche car c’est le signe de la présence d’un thermique, les hirondelle chassent les malheureux insectes « aspirés » par le thermique