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“Il fait chaud ici ou c’est moi ?”, dans un excès d’anthropomorphisme de la part du Guru, c’est ce que pourrait penser la femelle lamproie, un poisson sans mâchoire mais avec une sacrée bouche, avant l’assaut final. Le mâle lamproie, en quête d’une partenaire, déploiera ses meilleures phéromones pour attirer dans son antre la gent féminine. Une fois le nouveau couple confortablement installé dans le nid, le mâle effectue alors une danse intéressante, en se frottant au ventre de la femelle avec une petite bosse de tissu sur son dos. Si la femelle est satisfaite de ce qu’elle voit et ressent, chaque membre du nouveau couple libéra simultanément leurs gamètes.

Cette inhabituelle routine de séduction est bien caractérisée, mais personne ne sait vraiment quel rôle a cette bosse, appelée “tissu cordon” (rope tissue), qui est impliquée dans la procédure. Les chercheurs pensaient que cette structure était simplement utilisée pour un certain type de stimulation mécanique dont ils avaient besoin pour motiver /déclencher la femelle à pondre, selon Yu-Wen Chung-Davidson de l’Université de l’état du Michigan, États-Unis, qui a étudié les lamproies pendant 10 ans. Cependant, elle ne savait pas si c’était le cas et elle et ses collègues ont décidé d’enquêter. Leurs résultats publiés cette semaine (lien plus bas) indiquent que le tissu cordon est un trait sexuel secondaire générant de la chaleur, le premier du genre jamais identifié.
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Pour commencer son enquête, Chung-Davidson a simplement regardé le tissu cordon au microscope et ce qu’elle a vu l’a surpris :

Il avait l’air opaque et il ressemblait à de la graisse pour moi. Il m’est arrivé d’avoir des tissus des différentes étapes de la vie de ces lamproies ainsi je les aie comparés et il est très intéressant. Quand ils sont à l’état immature, chez les mâles et les femelles ils ressemblent plus ou moins à la même chose. Mais quand je l’ai regardé chez les mâles et de femelles matures, ils étaient très différents. Donc, il y a un dimorphisme sexuel très évident dans leur morphologie et cette partie de leur corps.

Lorsque Chung-Davidson a approfondi ses observations, en regardant les prélèvements du tissu cordon sous un microscope électronique en transmission, elle a de nouveau été surprise. Les cellules n’étaient pas des cellules adipeuses blanches tout à fait normales. Elle explique que les cellules de graisse blanche ont une grande goutte d’huile caractéristique alors que ces cellules avaient clairement plusieurs gouttelettes, plus petites, et elles contenaient beaucoup de mitochondries (les organites qui produisent de l’énergie). En fait, ces cellules de graisses semblaient remarquablement semblables à l’autre type rare de graisse, les adipocytes bruns (ou tissus adipeux bruns).

Pour mieux caractériser cette graisse, Chung-Davidson et ses collègues ont analysé les types d’acides gras et de protéines qui étaient présents dans les cellules. Alors que le profil en acides gras semblait remarquablement similaire à celui des cellules adipeuses brunes des mammifères, le modèle de protéines variait un peu. Dans l’ensemble, cependant, la graisse avait l’air très similaire à la graisse brune, mais il restait à savoir si elle avait le trait caractéristique de celle-ci, la capacité à produire de la chaleur. Chung-Davidson explique que ce type de graisse se trouve généralement chez les mammifères qui ont besoin de maintenir leur température corporelle (contrairement aux lamproies, dont la température corporelle varie en fonction de l’environnement).

D’abord l’équipe a cherché l’UCP-1, une protéine qui permet aux mitochondries d’utiliser les graisses pour produire de la chaleur au lieu d’énergie et ils ont constaté que les lamproies ne l’exprimaient pas, par contre il disposait d’UCP-2, une protéine apparentée.

Pour tester directement les capacités thermogéniques (à produire de la chaleur) du tissu cordon, Chung-Davidson a implanté de minuscules sondes dans le tissu cordon de certains tissus musculaires de lamproies mâles sexuellement matures. L’équipe a constaté que la température du “cordon” a immédiatement augmenté de près de 0,3 °C lorsque les lamproies mâles rencontraient une femelle, certains étant plus chauds que d’autres, peut-être en fonction de la femelle côtoyée. Pour l’instant le rôle de ce tissu reste inconnu.

L’étude publiée sur The Journal of Experimental Biology : A thermogenic secondary sexual character in male sea lamprey.

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