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Bourdon14

Nous savons depuis un certain temps que les abeilles et les bourdons choisissent leurs fleurs en se basant sur ce que les autres abeilles font. Ce type d’apprentissage par l’observation est un comportement social assez complexe. Alors, comment les bourdons le maitrisent-ils ? Aujourd’hui, pour un groupe de scientifiques, tout se résume à la façon dont les abeilles utilisent la logique.

De nombreuses espèces à travers le règne animal apprennent de nouvelles choses en observant le comportement des autres. Les chimpanzés, par exemple, peuvent apprendre à utiliser un nouvel outil pour obtenir de la nourriture en observant leurs congénères, ou même en regardant les humains. Et dans les années 1920, les mésanges charbonnières en Angleterre ont appris à briser les capsules des bouteilles de lait pour obtenir la crème au sommet, cette technique est devenue populaire parmi les oiseaux en quelques décennies (je me demande d’ailleurs si ces mésanges ne prendraient pas d’autres oiseaux pour des bouteilles de lait, où la crème est remplacée par leur cerveau, enfin, c’est un autre sujet….)

Mais cette capacité d’apprentissage n’est apparemment pas réservée à quelques animaux “intelligents”.

Une étude, en 2005, a démontré que le bourdon utilise aussi l’apprentissage par l’observation. Dans leur recherche les scientifiques ont permis à des bourdons d’observer les comportements alimentaires d’autres bourdons à travers un écran en plexiglas. Lorsque les bourdons spectateurs ont été autorisés à butiner seul (avec un nouveau réseau aléatoire de fleurs artificielles colorées), ils ont copié les préférences de couleur des bourdons qu’ils regardaient.

Dans le monde des insectes, "l’apprentissage par l’observation a été démontré chez les bourdons”, explique Elli Leadbeater, un zoologiste de la Zoological Society of London. Étant donné que le cerveau des abeilles est minuscule, de déterminer où trouver le nectar, tout en observant les autres, semble être un comportement assez complexe. Mais Leadbeater se  demanda : est-ce vraiment si complexe ou y a-t-il une explication plus simple à tout cela ?

Pour le savoir, Leadbeater et son équipe ont effectué des expériences dans une arène en bois, qui contenait un mur en carton avec six plates-formes incolores servant de “fleurs”. Certaines plates-formes étaient remplies avec du délicieux saccarose et les autres avec de l’amère quinine. Ils ont recueilli près de 160 jeunes bourdons qui n’avaient aucune expérience dans la recherche de nourriture, pour les diviser en trois groupes. Les bourdons dans le groupe saccarose étaient autorisés à visiter individuellement les plates-formes, de faux bourdons "butinaient" sur les plates-formes contenant du saccarose, tandis que les plates-formes de quinine restaient vides. Après de multiples essais, les bourdons ont appris à associer la nourriture avec les autres (faux) bourdons.

Dans une seconde série d’essais, les chercheurs ont seulement mis les faux bourdons sur les plates-formes avec la quinine, ce qui a conduit les bourdons dans le groupe quinine à associer la repoussante substance avec les autres bourdons.

Selon Leadbeater :

Les bourdons ont appris : si je veux du sucre, je devrais me rendre sur les fleurs sans autres bourdons.

Un troisième lot de bourdons, le groupe naïf, a également visité les différentes fleurs, mais sans les modèles de bourdons, ainsi ils n’ont fait aucun lien entre les boudons et les produits alimentaires.

Les chercheurs ont ensuite enrichi les choses en ajoutant de la couleur aux fleurs : ils ont marqué la moitié des plates-formes avec une couleur, et l’autre moitié avec une autre couleur. Ils ont placé individuellement des bourdons dans une pièce adjacente séparée par un paravent, et leur ont permis de voir ce que les modèles de bourdons butinaient (les faux bourdons collés à la couleur d’une fleur) pendant 10 minutes. L’idée ici, est d’avoir des bourdons qui apprennent désormais à associer les répliques avec une couleur particulière.

Ci-dessous : de faux bourdons sont placés sur les plateformes alors que des vrais observent la scène derrière une vitre en plexiglass.

Bourdons observateurs-plateforme colorée

Leadbeater et ses collègues ont enlevé les faux bourdons, remplacé les plates-formes avec des pistes d’atterrissage propres dans un arrangement différent et libérés les bourdons dans l’arène. Ceux du groupe saccarose ont préférés les fleurs qui étaient de la couleur privilégiée par les modèles de bourdon qu’ils avaient vu, alors que le groupe quinine évita les couleurs des fleurs “visitées” par les faux bourdons. D’autre part, les bourdons naïfs, n’avaient que faire de la couleur des fleurs. 

En fonction de ces résultats, Leadbeater suggère que les bourdons utilisent une forme de raisonnement déductif qu’on appelle, loi du syllogisme (Déduction logiqueSyllogisme). Elle dicte essentiellement ceci : Si A est égal à B et B est égal à C, alors A doit être égale à C. Dans le groupe saccarose, la nourriture équivaut à la présence d’autres bourdons. Mais les autres bourdons sont reliés à une certaine couleur, comme l’orange. Par conséquent, l’alimentation doit être égale à l’orange. Le cas est similaire pour le groupe quinine.

Ci-dessous : un bourdon choisi la plateforme orange simulant la fleure après avoir observé les fausses abeilles “la choisir”.

Abeille-plateforme colorée

Cependant, parce que le groupe naïf n’a jamais appris par l’intermédiaire d’autres bourdons où trouver de la nourriture, ils n’ont jamais été en mesure de faire le deuxième lien entre la couleur des fleurs et la nourriture.

Les bourdons utiliseraient donc la logique pour trouver de la nourriture ou comme Leadbeater l’explique :

D’une certaine façon, nous parlons de quelque chose qui semble vraiment sophistiqué : Le minuscule cerveau du bourdon peut apparemment déduire, ‘Oh, je peux trouver du sucre en copiant’. Cela semble intelligent, mais c’est simplement une capacité Pavlonienne.

La capacité à faire des associations entre des éléments est en fait assez répandue, note Leadbeater. Ce genre de "conditionnement de second ordre” est souvent utilisé dans des études scientifiques et a été démontré dans tout, des rats aux mouches des fruits. Maintenant, il semble que ce simple cadre associatif pourrait être à l’origine de certains cas d’apprentissage par l’observation.

Donc, l’apprentissage par observation, qui semble être une compétence de pointe et qui est observé chez les oiseaux et les primates, ne peut pas être quelque chose qui, après tout, vous oblige à être intelligent.

L’étude publiée sur Current Biology : Learning by Observation Emerges from Simple Associations in an Insect Model.

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