Sélectionner une page

seiches naines5

Les bactéries, qui rendent la seiche naine de Hawai (Euprymna scolopes) bioluminescente, dictent également quand elle exprime un gène qui encode les protéines qui contrôlent le rythme circadien, selon une nouvelle recherche.

La seiche a fasciné les microbiologistes depuis des années en raison de son harmonieuse relation avec une bactérie, la Vibrio fischeri. Les bactéries ne sont pas lumineuses quand elles circulent librement dans l’océan, mais lorsqu’elles sont dans l’organe lumineux de la seiche (situé dans son ventre), elles vont travailler de concert avec l’animal qui émet de la lumière en fonction de la quantité visible de lumière de la lune et du soleil au-dessus. Ce faisant, le calmar allume une lueur bleue pour imiter la lumière d’en haut, en éliminant son ombre sur le fond marin pour ainsi devenir invisible aux prédateurs qui rôdent en dessous (comme le sagre aux sabres lasers). Les deux vivent une heureuse cohabitation : les bactéries se nourrissent des composés nutritifs de la seiche et celle-ci profite du camouflage procuré par l’activité de la bactérie.

Cette routine quotidienne appréciée par les deux avait déjà été décrite. Par exemple, la seiche expulse 95 % des bactéries chaque matin quand elle est sur le point d’aller dormir dans les fonds marins. Ce faisant, la seiche assure à sa progéniture un accès à de nouvelles bactéries et elle s’arrête d’émettre de la lumière lorsqu’elle dort. Les bactéries restantes se repeuplent tous les jours. Ce procédé utilise un type de communication de cellule à cellule appelée détection du quorum. Il est induit lorsque les bactéries individuelles libèrent des auto-inducteurs chimiques pour avertir les autres de leur présence, et lorsque le niveau d’auto-inducteurs atteint une certaine densité les bactéries activent des gènes qui réagissent avec des protéines pour émettre la lumière. Dans le cas de la seiche naine d’Hawai, les bactéries produisent des enzymes, les luciférases. C’est pourquoi les bactéries n’émettent pas de lumière à l’extérieur de l’organe du calmar, dans l’océan les auto-inducteurs ne s’accumulent jamais à une densité assez élevée.

Ce qui était clair, c’est la façon dont les calmars et les bactéries communiquent entre eux, par exemple, comment la seiche reconnait et traduit les messages lumineux des bonnes bactéries et pas des mauvaises. Cette nouvelle étude fournit quelques indices quant à la façon dont cette symbiose fonctionne en coulisses. Elle a révélé que l’escry1, l’un des deux gènes chez la seiche qui encode les protéines qui fixent son horloge interne (semblable à notre horloge biologique sensible la lumière) est dominant dans l’organe de lumière où les bactéries se développent.

L’auteure principale de la recherche, Margaret McFall-Ngai, de l’Université du Wisconsin a révélé que le gène ne fixe pas leur cycle sur celui de la lumière de l’environnement, comme c’est la norme chez les animaux et les humains, mais avec la bioluminescence dominante dans la nuit.

La découverte est passionnante parce qu’elle est “le premier cas de bactéries entrainant les rythmes quotidiens des tissus de l’hôte”, selon McFall-Ngai, et pourrait être reproduite dans d’autres animaux ou même les humains. Il a été difficile de définir la relation entre l’homme, les bonnes bactéries et les virus parce que le système est si complexe, nous avons en nous des millions de “bonnes bactéries” en pleine activité. Inversement, il y a juste un type de bactérie dominante dans la seiche et le couple engendre d’excellents sujets de recherche, car chacun peut s’épanouir l’un sans l’autre.

Cela signifie que les chercheurs peuvent étudier les seiches sans bactéries en laboratoire pour constater l’incidence de la Vibrio fischeri.

Elle a constaté que les seiches qui manquaient de bactéries Vibrio fischeri, en laboratoire, ne pouvaient pas devenir luminescentes et ne produisaient pas le cycle de l’expression du gène escry1. Même en utilisant une lumière bleue pour imiter la luminescence cela n’a toujours pas provoqué le cycle du gène. Toutefois, si la bactérie était présente, mais défectueuse (incapable de produire une lumière), le cycle du gène s’est activé quand la lumière factice était utilisée. Cela prouve que les bactéries et la lumière sont ainsi essentiels pour contrôler le cycle du gène chez la seiche.

En brisant le processus à un plus bas niveau, McFall-Ngai a trouvé que le motif moléculaire associé aux pathogènes (PAMP), qui alerte les animaux de la présence de certains microbes, induit une activité cyclique lorsqu’il est combiné avec la lumière et pas les bactéries. Ensuite, la chercheuse et son équipe étudieront comment le gène escry1 affecte le métabolisme des seiches, mais l’ensemble de la découverte pourrait nous orienter dans la bonne direction pour comprendre comment les millions de bactéries dans notre intestin pourraient réglementer d’autres processus dans le corps.

Selon McFall-Ngai :

Récemment, dans deux études différentes, les biologistes ont constaté qu’il y a un profond rythme circadien à la fois dans l’épithélium (de l’intestin humain) et le système immunitaire de la muqueuse de l’intestin qui est contrôlée par ces gènes CLOCK (Circadian Locomotor Output Cycles Kaput). Qu’est-ce qui nous manque ? Est-ce que les bactéries en sont affectées ou incitent-elles le cycle des tissus avec lesquels elles s’associent ? Nous ne savons pas.

D’autres études des processus impliqués pourraient répondre aux questions sur la façon dont notre corps communique avec de bonnes bactéries, et comment les bactéries Vibrio fischeri ont développé une relation symbiotique, considérant sa relation étroite avec d’autres bactéries Vibrio qui sont loin d’être symbiotique, provoquant le choléra et la gastro-entérite.

L’étude publiée dans mBio : Bacterial Bioluminescence Regulates Expression of a Host Cryptochrome Gene in the Squid-Vibrio Symbiosis.

Pin It on Pinterest

Share This