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Archosargus probatocephalus

En dépit de ce à quoi il ressemble, le rondeau mouton ou spare tête-de-mouton (Archosargus probatocephalus) est aussi inoffensif pour l’homme que son homonyme.

Alors que les autres membres de la famille des Sparidae essaient diverses formes d’hermaphrodisme, comme se changer de femelle en mâle (protogynie), faire le contraire (protandrie), ou être unisexuées (gonochorisme), le rondeau mouton reste chez lui, regarde des dessins animés comme bob l’éponge dans lequel il aurait parfaitement sa place et il laisse ses parties génitales là où elles devraient être.

D’autre part, contrairement à l’un de ses proches parents, la saupe (Sarpa Salpa), vous ne risquerez pas un “bad trip” si vous aviez à le manger.

En effet, la saupe, également de la famille des Sparidae et surnommée en anglais le “dreamfish”, aurait été utilisée à des fins récréatives pour ses effets hallucinogènes en Méditerranée sous l’Empire romain et elle a joué un rôle dans les cérémonies traditionnelles polynésiennes. Avec quelques autres poissons, la chair de la saupe peut parfois provoquer l’ichtyosarcotoxisme pour ceux qui la mangent et est une forme très rare d’intoxication causée par les toxines d’une minuscule espèce de plancton marin appelé Gambierdiscus toxicus. Cet empoisonnement par la chair du poisson entraine d’intenses hallucinations et de terrifiants cauchemars qui peuvent durer plusieurs jours.

Sarpa Salpa
Comme il a été rapporté par Luc de Haro et Philippe Pommier du Centre Antipoison de l’Hôpital Salvator à Marseille, en France, dans une étude publiée en 2006, un homme de 90 ans a mangé une saupe à Saint-Tropez en 2002 et deux heures plus tard il avait des hallucinations et des cauchemars au sujet de personnes et d’oiseaux qui hurlaient et qui ont  duré deux autres nuits. Il a littéralement cru qu’il perdait la tête.

Selon de Haro et le Pommier :

Craignant que ces symptômes puissent indiquer le début d’une grave maladie mentale, il ne l’a pas dit à ses amis, ni à son médecin traitant. Les manifestations ont diminué trois jours après avoir mangé le poisson.

Avant cela, un homme de 40 ans a également été victime d’ichtyosarcotoxisme pendant ses vacances sur la côte française. Il a eu des hallucinations sous la forme de cris d’animaux et de menaçantes araignées géantes qui trainaient autour de sa voiture.

Archosargus probatocephalus2Revenons à son cousin, le spare tête-de-mouton qui ne fait rien de tout cela. Mais qui a des dents humaines. C’est une espèce de poissons commune des fonds marins nord-américains, qui s’étendent du Massachusetts jusqu’à la Floride et du golfe du Mexique au Brésil. Préférant les habitats côtiers autour de piliers rocheux, de jetées, des mangroves, des récifs et des quais, ils peuvent grandir jusqu’à 91 cm de long environ et peser jusqu’à 9,6 kg. Ils ont de cinq à sept bandes verticales noires distinctives, qui descendent sur leurs corps argentés, ce qui explique pourquoi ils sont aussi appelés, en Amérique, les poissons forçats, d’autant plus qu’ils ont tendance à voler les appâts.

Un rondeau mouton adulte dispose d’incisives posées à l’avant de sa mâchoire et des molaires réparties sur trois rangées sur la mâchoire supérieure et deux rangées sur celle inférieure. Il a également de puissants broyeurs fixés à l’arrière qui sont particulièrement importants pour concasser les coquilles de ses proies. Comme chez les humains, cette combinaison unique de dents facilite l’ingestion d’une grande variété d’aliments de son régime omnivore composé de vertébrés, d’invertébrés et de certaines matières végétales.

dents-rondeau mouton
Quand ils sont jeunes, ils mangent des vers marins, des bryozoaires (“animal mousse”) et à peu près tout corps mou qu’ils peuvent attraper dans les herbiers. Ces dents pointues commencent à apparaitre quand il fait seulement 4,5 mm de long, il faudra attendre qu’il atteigne les 15 mm de long avant de disposer de toutes ses incisives et que les dents du fond commencent à se développer en molaires. Une fois qu’ils atteignent environ 50 mm de long, le rondeau mouton sera apte à s’attaquer à une nourriture plus robuste, des proies blindées comme les échinodermes, les balanes, les palourdes, les crabes et les huitres, en utilisant leurs dents très spécialisées.

rondeau moutonPendant cette phase, la musculature de sa mâchoire se développe également, ce qui maintient son amélioration en dépit de son vieillissement. Ainsi, un vieux poisson vivant autour d’un bon approvisionnement en proie à carapace dure finira par avoir un pouvoir de mastication et de concassage beaucoup plus performant qu’un jeune poisson dans un environnement moins riche.

On ne sait pas vraiment pourquoi il est désigné comme “mouton”, mais il a été suggéré qu’il se réfère à la façon dont ses dents ressemblent à celles d’un mouton, ce qui n’est, en réalité, pas vraiment le cas. Une autre suggestion est que le nom se rapporte à leur silhouette. Celle-ci leur permet de passer presque inaperçue contrairement à celle du mouton asiatique de la famille des Labridae (ci-dessous).

rondeau mouton asiatique

L’étude de Luc de Haro et Philippe Pommier, du Centre Antipoison de l’Hôpital Salvator à Marseille, publiée sur Clinical Toxicology : Hallucinatory fish poisoning (ichthyoallyeinotoxism): two case reports from the Western Mediterranean and literature review. 

L’étude sur la biomécanique des machoires de l’Archosargus probatocephalus :  Intralocality Variation in Feeding Biomechanics and Prey Use in Archosargus probatocephalus (Teleostei, Sparidae), with Implications for the Ecomorphology of Fishes. A partir du SciAm et du blog ldarrasresearchdiary.

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